Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome XI.djvu/501

Cette page n’a pas encore été corrigée

« Tu auras ta récompense à la résurrection des justes[1] ». C’est à toi de donner, nous dit-il, c’est moi qui reçois, qui annote, qui récompense. Voilà ce que dit le Seigneur ; voilà ce qu’il nous engage à faire, lui-même nous en tiendra compte. Or, la récompense qu’il nous donnera, qui pourra nous l’enlever ? « Si Dieu est pour nous, qui sera contre nous ? » A nous pécheurs, il a donné la mort du Christ, et quand nous sommes justes, il nous tromperait ? « Car ce n’est point pour les justes, mais pour les pécheurs, que le Christ est mort[2] ». Si donc Dieu a donné pour les pécheurs la mort de son Fils, que réserve-t-il aux justes ? Ce qu’il leur réserve, il ne saurait rien leur réserver de plus précieux que ce qu’il a déjà donné pour vous. Qu’a-t-il donné pour eux ? « Il n’a point épargné son propre Fils[3] ». Que leur réserve-t-il ? Son propre Fils. Mais c’est un Dieu dont ils doivent jouir, non un homme destiné à la mort. C’est à cela que Dieu vous appelle, mais comment y réponds-tu ? Daigne examiner où il t’appelle, et par où et comment. Mais quand tu seras arrivé là, te dira-t-on : « Partage ton pain avec l’indigent, si tu vois un homme nu, donne-lui un vêtement[4] » ; ou te lira-t-on ce chapitre ? « Quand tu donneras un festin, invite les boiteux, les aveugles, les indigents, les pauvres[5] ». Là il n’y aura nul pauvre, nul boiteux, nul aveugle, nul infirme, nul étranger, nul homme sans vêtement, tous seront dans la santé, tous dans la force, tous dans l’abondance, tous revêtus de la lumière éternelle. Quel étranger y verras-tu ? C’est là notre patrie, c’est ici-bas que nous sommes étrangers. Aspirons après cette patrie, accomplissons les préceptes afin d’exiger les promesses. Ou plutôt, je me trompe, en achetant ce que j’ai dit, loin de nous d’exiger des promesses, nous prendrons ce que l’on nous offrira spontanément. Car exiger, semblerait que Dieu voudra refuser ; or, il donnera sans tromper personne. Or, considérez, mes frères, et voyez quels biens innombrables Dieu donne aux méchants : la lumière, la vie, la santé, des fontaines, des fruits, des enfants, les honneurs pour la plupart, la grandeur, la puissance ; voilà des biens qu’il donne aux méchants comme aux bons. Or, lui qui donne même aux méchants de si grands biens, pensez-vous qu’il ne réserve rien aux bons ? Que nul n’admette ces pensées dans son cœur. Mes frères, Dieu réserve aux bons de grands biens, mais « l’œil ne les a point vus, l’oreille ne les a point entendus, ils ne sont point montés au cœur de l’homme[6] ». Tu ne saurais y penser avant de les recevoir, en les recevant tu les verras ; mais impossible à toi d’en concevoir la pensée avant de les recevoir. Que voudrais-tu voir en effet[7] ? Ce n’est ni une harpe, ni une lyre, ni un son mélodieux pour les oreilles. Quelle pensée en voudrais-tu avoir ? Cela n’est point monté au cœur de l’homme. Que puis-je faire ? Je ne saurais voir, ni entendre, ni même penser. Que faire ? Crois ; c’est là le grand avantage. Le grand vase capable de contenir ce grand don, c’est la foi. Prépare-toi un grand vase, car il te faut aller à la grande source ; prépare un grand vase. Qu’est-ce à dire prépare ? Que ta foi grandisse, qu’elle aille en croissant, que ta foi s’affermisse, qu’elle ne soit ni chancelante, ni faite en terre, afin de ne point se briser contre les tribulations de ce monde ; mais qu’elle soit fortement durcie. Lorsque tu auras fait tout cela, et que ta foi sera devenue un vase convenable, spacieux, ferme, Dieu l’emplira. Il ne te répondra point comme répondent les hommes à celui qui les supplie et leur dit Donne-moi quelque peu de vin, je t’en prie ; et celui-ci : Volontiers, viens, je t’en donnerai. Or, le premier apporte une urne en disant : Je suis venu sur tes ordres. Mais l’autre : Je pensais que tu n’apporterais qu’un petit flacon, qu’as-tu apporté, et où viens-tu ? Je ne saurais t’en donner autant, mets de côté ce grand vase dont tu es muni, et donne-moi quelque chose de moins spacieux, quelque vase que ma pénurie me permette d’emplir. Dieu ne parle point ainsi ; il est dans l’abondance, et tu seras dans l’abondance, et quand il t’aura comblé, il aura tout autant qu’il avait auparavant. Les dons de Dieu sont sans limite, nulle part tu n’en trouveras de semblables sur la terre ; crois, et tu en feras l’épreuve. Mais ce n’est pas maintenant ; quand donc, me diras-tu ? Attends le Seigneur, agis avec courage, que ton cœur se fortifie, afin qu’en recevant tu puisses dire : « Vous avez

  1. Luc. 5, 14
  2. Rom. 8, 31
  3. Id. 5,6
  4. Id. 32
  5. Isa. 58, 7
  6. 1Co. 1, 2-9
  7. Il y a ici une omission, comme on peut s’en convaincre par ces paroles du sermon CCCXXXI, nom. 3 : « L’œil n’a point vu, parce que ce n’est point une couleur ; l’oreille n’a point entendu, parce que ce n’est point un sort ».