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le laissera périr éternellement. Si donc négliger le châtiment est l’effet d’une grande colère, nous exercer est l’effet de sa miséricorde. Or, il nous exerce, quand il nous châtie, quand il attire à lui notre cœur par l’affliction. Tenons donc à ce salut qu’il nous présente, et ne fuyons point ses châtiments. Tels sont les enseignements et les avertissements qu’il nous donne, c’est en cela même qu’il nous affermit. Lui, Fils de Dieu, qui est venu ici-bas nous consoler, quelle prospérité, dites-moi, a-t-il goûtée ici-bas ? Il est, à n’en pas douter, le Fils de Dieu, Verbe de Dieu, par qui tout a été fait. Or, quelle prospérité a-t-il goûtée en cette vie ? N’est-ce point lui qui, en chassant les démons, entendait résonner à ses oreilles cette injure : « Vous êtes possédé du démon[1] ». Oui, au Fils de Dieu qui chassait les démons, les Juifs disaient : « Vous êtes possédé du démon ». Ils valaient mieux que les Juifs, ces démons qui confessaient qu’il était le Messie [2]. Ils faisaient du moins cette confession que les Juifs ne faisaient point. Or, telle était sa patience, telle était sa grandeur, telle était sa puissance, qu’il endurait toutes ces injures. Il fut flagellé et outragé, sa face fut meurtrie de soufflets, couverte de crachats, il fut couronné d’épines, tourné en dérision, insulté, enfin suspendu à la croix, puis enseveli. Tout cela, le Fils de Dieu l’a enduré. S’il en est ainsi du Maître, à combien plus forte raison du disciple ? Ainsi de celui qui nous a créés, à combien plus forte raison de sa créature ? Lui qui nous a légué la patience afin de nous donner l’exemple. Pourquoi manquer de patience, comme si nous avions perdu notre chef qui nous a précédé au ciel ? Mais ce chef ne nous a précédé au ciel que pour nous dire en quelque sorte : C’est là, là qu’il vous faut venir par la douleur et la patience. Telle est la voie que j’ouvre devant vous. Mais où conduit cette voie par laquelle vous me voyez monter ? Au ciel. Refuser de prendre cette voie, c’est refuser d’aller au ciel. Quiconque veut venir à moi, doit y venir par le chemin que j’ai enseigné, et vous ne pouvez y : arriver que par le chemin des chagrins, des douleurs, des tribulations, des angoisses. C’est par là que tu arriveras au repos qui ne t’est point refusé. Mais si tu aspires à ce repos qui est pour un temps, si tu veux t’éloigner de la voie du Christ, considère les tourments de ce riche qui était torturé dans les enfers, et qui, en recherchant le repos d’ici-bas, trouva les peines éternelles. Mes frères bien-aimés, choisissons la vie pénible qui doit aboutir au repos sans fin. Tournons-nous du côté du Seigneur, etc.

VINGT-CINQUIÈME SERMON.
SUR CES PAROLES DE L’ÉVANGILE [MATTH. 12, 41-50] : « IL Y A ICI PLUS QUE JONAS, ETC. »[3]

ANALYSE.—1. Les Juifs pires que les Ninivites, et la reine de Saba.—2. Comment le dernier état de l’homme délivré du démon devient-il pire que le premier.—3. Le Christ enseigne aux parents à n’empêcher point les enfants en fait de bonnes œuvres.—4. Le. Christ en naissant a fait honneur aux deux sexes, de là le devoir des enfants.—5. Réfutation des Manichéens qui soutiennent que le Christ n’eut point de mère.—6. Preuve contre les Manichéens que le Christ eut une mère.—7. De là, excellence de la vierge Marie.—8. Comment le chrétien peut-il devenir mère du Christ.

1. Si nous voulions reprendre en détail, mes frères bien-aimés, tout ce qu’on vient de nous dire dans l’Évangile, c’est à peine si notre temps suffirait pour chacun des points,

  1. Jn. 7, 20
  2. Luc. 4, 41
  3. On lit dans le Codex, fol. 89 : Mercredi de la première semaine de Carême, sermon de saint Augustin, évêque, contre les Manichéens. Il dispute contre eux, dans la dernière partie, avec une grande subtilité. Dans la première, sur l’aveuglement des Juifs, sur les pécheurs récidifs, sur les devoirs des parents et des enfants.