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VINGTIÈME SERMON.
SUR CES PAROLES DU PSAUME 38, 1-5 « J’AI DIT : JE VEILLERAI SUR MES VOIES[1] ».

ANALYSE.—1. Du souci d’avancer chaque jour, et pour cela d’implorer le secours divin.—2. L’usage de la langue aussi nécessaire que dangereux.—3. La langue est dirigée par l’esprit.—4. La langue trompeuse des Juifs couverte de confusion.—5. Le bon usage de la langue chez une femme adultère.—6. La confession de la femme adultère est une instruction pour nous.—7. Comment agir avec celui qui nous insulte.—8. Il faut pardonner à ceux qui nous injurient et prier pour eux.—9. Quelle est la fin de l’homme.—10. La fin de l’homme c’est le Christ.—11. C’est par la foi et par les œuvres que l’on peut y atteindre.—12. Quel est le but des tentations et comment nous y comporter.—13. Récapitulation.

1. C’est un devoir pour les chrétiens, de s’avancer chaque jour vers Dieu, de concevoir une sainte joie de Dieu et de ses dons. Car le temps de notre pèlerinage est très-court, et notre patrie ne connaît point le temps. Il y a, en effet, une grande distance entre le temps et l’éternité. C’est ici que la piété s’enquiert, là qu’elle repose. De là, pour nous, comme pour de bons négociants, la nécessité de connaître le gain de chaque jour. Car notre sollicitude ne doit pas se borner à écouter, mais il faut agir aussi. Dans cette école, où Dieu seul est maître, il faut de bons disciples, non d’un moment, mais vraiment studieux. L’Apôtre dit : « Ne soyez point paresseux dans ce qui est du devoir, mais fervents en esprit, joyeux par l’espérance[2] ». Dans cette école donc, nous apprenons chaque jour. Nous nous instruisons dans les préceptes, dans les exemples, et dans les sacrements ; cartels sont les remèdes à nos blessures, les stimulants à nos études. Nous répondions tout à l’heure : « Exaucez, ô mon Dieu, mes supplications et mes prières ». Inaurire, c’est-à-dire : « Recevez mes larmes dans votre oreille[3] ». Que penses-tu que doive demander le Prophète quand il désire que Dieu lui soit propice ? Que demandera-t-il à Dieu ? Voyons, écoutons. Peut-être les richesses ou quelque jouissance de cette vie ? Qu’il nous dise ce qu’il va demander quand il fait à Dieu cette supplication. Il a vu, en effet, qu’il ne saurait avoir de lui-même, et qu’il peut avoir par Dieu. Il a entendu cette parole : « Demandez et vous recevrez[4] ». Il savait donc ce qu’il devait demander, puisqu’il suppliait Dieu. Donc « Exaucez ma prière, ô mon Dieu ». Et comme si on lui demandait : Que veux-tu, pourquoi frapper, pourquoi crier, pourquoi en appeler à Dieu ? J’écouterai. Que veux-tu ? Qu’est-ce que je veux ? répond-il. Écoutez ma résolution et perfectionnez vos œuvres. Quelle est ma résolution ? « J’ai dit : Je veillerai sur mes voies, afin que je ne pèche pas avec ma langue[5] ». Ce qu’il se propose est difficile, mais il n’hésite pas, parce que tout d’abord il invoque le Seigneur. Il connaissait cette doctrine de saint Paul : « Non pas moi, mais la grâce de Dieu avec moi[6] ».

2. Donc : « J’ai dit : je veillerai sur mes Voies ». Quelles voies ? Les voies de la terre. Est-ce que nous marchons sur la terre, au moyen de la langue ? Sur la terre, où nous nous servons de nos pieds, ou des pieds des autres. Car les animaux nous transportent, ou nous allons sur nos pieds. Que signifie donc cette parole, et quelle voie cherche le Prophète ? Il ne veut point pécher, par la langue. C’est là, mes frères, un grand enseignement. De même que, dans une seule

  1. On lit dans le Codex, fol. 68 : « Sermon de saint Augustin, évêque ». Il traite principalement de l’usage de la langue et de la fin de l’homme. À vrai dire, il y a quelques incohérences qui me paraissent peu dignes de saint Augustin ; les paroles du psaume y sont répétées sans opportunité, quelquefois forcées ; ce qui fait soupçonner une interpolation. Je laisse à juger à ceux qui sont plus habitués que moi à la lecture du saint docteur.
  2. Rom. 12, 11
  3. Psa. 38, 13
  4. Jn. 16, 24
  5. Psa. 38, 1
  6. 1Co. 15, 10