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je ne saurais certainement nommer le Père, le Fils et l’Esprit-Saint, sans que ces noms soient dans le temps et au pouvoir du temps. Il n’y a ni priorité dans le Père ni postériorité dans le Fils, et pourtant je n’ai pu les prononcer que l’un après l’autre, en donnant son temps à chaque syllabe, et la seconde syllabe n’a pu se faire entendre que la première ne fût passée. En nommant ce qui est au-dessus du temps, chaque syllabe a demandé un temps précis. C’est donc ainsi, mes frères, que toute la Trinité s’est montrée dans le fleuve, alors que Jean baptisait Notre-Seigneur, et que cette Trinité se révélait d’une manière sensible à notre chair. Jésus, en effet, fut baptisé, il sortit de l’eau et une voix vint du ciel : « Celui-ci est mon Fils bien-aimé, en qui j’ai mis mes complaisances[1] ». Le Fils se révéla dans l’homme, le Saint-Esprit dans la colombe, et le Père dans la voix. Une chose visible se montre visiblement, si tant est qu’on puisse appeler chose ce qui est plutôt la cause de toute chose, si tant est encore qu’elle soit cause. Que disons-nous, en effet, quand nous parlons de Dieu ? Et pourtant nous parlons de lui, et il permet notre langage, lui qui n’est pas comme nous pouvons l’imaginer. Mais, par condescendance pour les hommes, le voilà qui apparaît sous la forme de colombe, et ainsi s’accomplit cet oracle : « Sur lui s’épanouira la fleur de ma sainteté ». « Fleurira », est-il dit : apparaîtra visiblement. Rien, dans un arbre, n’est aussi visible que la fleur, rien de plus apparent. Courage maintenant, nous voici arrivé aux dernières paroles de notre psaume : « Sur lui s’épanouira la fleur de ma sainteté ». Toutefois il me souvient que j’ai omis de dire quels sont ces ennemis que la lampe a couverts de confusion.

6. « J’ai préparé une lampe à mon Christ[2] ». Quelle lampe ? Jean. C’est le Père qui parle ainsi du Fils. Interrogeons le Fils lui-même. « C’était une lampe ardente et brillante. Je revêtirai ses ennemis de confusion ». Or, quels sont les ennemis déclarés du Christ, sinon les Juifs ? Car le Christ a aussi des ennemis occultes. Tous ceux qui vivent dans l’iniquité, dans l’impiété, sont ennemis du Christ, bien qu’ils soient marqués de son nom et appelés chrétiens. C’est à eux qu’il sera dit : « Je ne vous connais point », et eux répondront : « Seigneur, n’avons-nous pas bu et mangé en votre nom, et en votre nom encore fait beaucoup de prodiges[3] ? » Qu’avons-nous mangé et bu en votre nom ? Car ils n’attachaient pas un bien grand prix à leur nourriture, et ils prétendaient, par là, appartenir au Christ. Il est un aliment que l’on boit et que l’on mange, et qui est le Christ. Or, les ennemis du Christ le mangent et le boivent. Les fidèles connaissent l’Agneau sans tache dont ils se nourrissent, et puissent-ils s’en nourrir de manière à ne mériter aucun châtiment ! Car l’Apôtre l’a dit : « Quiconque mange et boit indignement, mange et boit son propre jugement[4] ». Ils sont donc ennemis du Christ, ceux qui préfèrent la vie d’iniquité à la vie qu’ils lui doivent, et qui redoutent son avènement quand on leur dit qu’il viendra juger les vivants et les morts. S’ils le pouvaient, ils l’empêcheraient de venir ; et comme ils n’ont pu l’empêcher de venir, ils lui interdiraient le retour. Les Juifs ont déjà prétendu l’empêcher de revenir. Le Fils fut envoyé aux mauvais colons, à ces locataires perfides qui ne voulaient point payer le loyer, à ceux qui lapidaient les serviteurs qu’on leur envoyait. Alors le Père de famille, le Maître de la vigne se dit : « J’enverrai mon Fils, peut-être le respecteront-ils ?[5] » Mais eux songèrent et se dirent : « Voici l’héritier ; allons, tuons-le, afin que l’héritage soit à nous. » Impuissants à l’empêcher de venir de la part de son Père, ils voulurent lui interdire le retour à son Père. Mais à qui se prenaient-ils ? Ils voyaient un homme mortel, qu’ils méprisaient ; mais ils ne purent en lui tuer que la mort. La mort du Christ fut la mort de la mort elle-même. Pour lui, il est ressuscité et s’est élevé avec son Père, pour en revenir. Pourquoi craignez-vous ? Aimez, et vous serez en sûreté. Ne disons – nous pas dans nos prières : « Que votre règne arrive[6] ? » Nous prions donc, mes frères, et nous craignons d’être exaucés ?

7. Mais ceux-là, comme nous l’avons dit, sont des ennemis occultes. Parlons de ces ennemis déclarés qui ont eu pour lui une haine ouverte, qui ont sévi contre lui, l’ont saisi, flagellé, insulté, crucifié, mis à mort, gardé dans le sépulcre. Voyons comment cette

  1. Mat. 3, 17
  2. Psa. 131, 18
  3. 1Co. 11, 29
  4. 1Co. 11, 29
  5. Luc. 20, 13-14
  6. Mat. 6, 10