Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome XI.djvu/404

Cette page n’a pas encore été corrigée

le craignent une douceur ineffable qu’il offrira et qu’il perfectionnera pour ceux qui espèrent en lui, quand nous aurons en réalité ce que nous n’avons maintenant qu’en espérance. « Car nous sommes les enfants de Dieu, mais ce que nous serons un jour ne paraît point encore. Nous savons que, quand il viendra dans sa gloire, nous serons semblables à lui, parce que nous le verrons tel qu’il est[1] ». Voilà ce que lui-même nous promet encore dans l’Évangile : « Celui qui m’aime », dit-il, « garde mes commandements, et celui qui m’aime sera aimé de mon Père, et moi je l’aimerai, et me manifesterai à lui[2] ». Assurément ceux qui s’entretenaient avec lui le voyaient, mais dans la forme de l’esclave, dans laquelle son Père est plus grand que lui, et non dans cette forme divine, dans laquelle il est égal à son Père. Il montrait celle-là à ceux qui le craignaient, réservant celle-ci à ceux qui espéraient en lui. Il apparaissait en celle-là aux pèlerins de cette vie, appelant à celle-ci ceux qui devaient habiter avec lui. Il mettait la première sous les pieds de ceux qui marchent ici-bas, promettant la seconde à ceux qui arriveront là-haut.

2. « Ayant donc ces promesses, mes bien-aimés, purifions-nous de toute souillure de la chair et de l’esprit, achevant l’œuvre de notre sanctification, dans la crainte de Dieu[3] ». « Je vous conjure donc de marcher dignement dans l’état auquel vous avez été et appelés, avec toute l’humilité de l’esprit, avec douceur, vous supportant les uns les autres, avec charité, travaillant à conserver l’unité de l’esprit dans le lien de la paix[4] ». Tel est, en effet, l’état d’où nous avons reçu un semblable gage. Mais il en est qui ont revêtu Jésus-Christ par le sacrement seulement, et qui en sont dépouillés quant à leur foi ou bien à leurs mœurs. On trouve, en effet, chez beaucoup d’hérétiques le sacrement de baptême, et non le fruit même du salut, ni le lien de la paix : « Ils ont », dit l’Apôtre, « l’apparence de la piété, mais non les effets[5] » ; ou bien marqués du signe du salut par les renégats, ou renégats eux-mêmes, et portant le signe du saint roi dans une chair abominable, ils nous disent. Si nous ne sommes pas des fidèles, pourquoi ne nous baptisez-vous point ? Mais si nous sommes des fidèles, pourquoi chercher à nous ramener ? comme s’ils n’avaient point lu que Simon le Magicien avait reçu le baptême, lui aussi, quand Pierre néanmoins lui dit : « Tu n’as point de part, ni rien à prétendre dans cette foi[6] ». D’où il est possible qu’un homme ait reçu le baptême du Christ, sans croire au Christ ou sans l’aimer, qu’il ait reçu le sacrement de la sainteté, sans avoir part à l’héritage des saints. Et, quant au signe sacramentel seulement, il ne sert de rien de recevoir le baptême du Christ, là où n’est pas l’unité du Christ. Car si un homme baptisé dans l’Église, vient à déserter l’Église, il n’aura point la sainteté de la vie, bien qu’il ait le signe sacramentel. On montre, en effet, que sa désertion ne le lui a point fait perdre, dès lors qu’on ne le lui imprime point de nouveau s’il vient à retourner. Semblable au déserteur de la milice, il n’est point dans la société légale, bien qu’il ait le signe du prince. Donner lui-même ce signe à un autre, c’est l’associer à sa peine, plutôt que l’associer à la vie. Mais que l’un retourne dans les rangs de la milice légitime, et que l’autre y vienne, le courroux du prince s’adoucit, on pardonne à l’un sa désertion, on fait bon accueil à l’autre parce qu’il arrive. En l’un et en l’autre la faute est redressée, à l’un et à l’autre on remet la peine, on donne la paix à tous deux, mais ni chez l’un ni chez l’autre on ne renouvelle point un signe déjà donné.

3. Qu’ils ne viennent donc plus nous dire Que nous donnerez-vous si déjà nous avons le baptême ? Ils savent si peu ce qu’ils disent, qu’ils ne veulent pas même lire ce que nous assure l’Écriture sainte, que dans l’Église même, c’est-à-dire dans la communion des membres du Christ, beaucoup de fidèles baptisés à Samarie n’avaient pas reçu le Saint-Esprit, mais étaient demeurés avec le baptême seulement, jusqu’à ce que les Apôtres fussent venus de Jérusalem les visiter[7] ; tandis qu’au contraire, Corneille, et ceux qui étaient avec lui, avaient mérité de recevoir le Saint-Esprit avant d’avoir reçu le sacrement de baptême [8]. Dieu nous enseignait ainsi qu’il y a une différence entre le signe du salut et le salut lui-même, entre l’apparence de la piété et la réalité de cette même piété. Que nous donnerez-vous, disent-ils, puisque nous avons déjà le baptême ? O vanité

  1. 1Jn. 3, 2
  2. Jn. 14, 21
  3. 2Co. 7, 1
  4. Eph. 4, 1-3
  5. 2Ti. 3, 5
  6. Act. 8, 21
  7. Act. VIII
  8. Id. X