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VINGT-SEPTIÈME SERMON.

SUR LA FÊTE DE PÂQUES.

(SEPTIÈME SERMON.)

ANALYSE. — 1. Jésus-Christ ressuscitant est notre véritable lumière. — 2. Il est certain que, nous aussi, nous ressusciterons. — 3. Qu’est-ce qui milite contre la chair et pour la chair ? — 4. Éloge de la chair. — 5. La chair ressuscitée sera réunie à son âme.

1. Ce jour, que nous rappelle le Prophète, c’est Jésus-Christ qui est né, qui est mort, et qui après sa mort est ressuscité plein de gloire. Ce n’est point moi qui l’affirme, c’est Jésus-Christ lui-même : « Tant que je suis dans le monde, je suis la lumière du monde[1] ». Ainsi donc Jésus-Christ est ressuscité dans la chair afin de rester à nos yeux ce qu’il avait été, c’est-à-dire la lumière ; ce n’est pas un corps nouveau qu’il prend, mais son propre corps, afin de nous prouver avec plus d’évidence que c’est dans notre chair elle-même que nous ressusciterons ; autrement nous ne pourrions plus croire la résurrection.

2. Mais que faites-vous, ô homme ? Oubliant que vous êtes le roi de ce monde, que vous appartenez à la société des élus, que vous résumez toute la création, pourquoi vous condamnez-vous vous-même ? Pourquoi vous comparer aux bêtes et aux animaux victimes d’une complète destruction ? Ils périssent totalement, tandis que vous conservez votre substance spirituelle. Vous vivez dans une âme divine, et lorsque la chair se séparera de votre âme, vous serez divisé et non pas anéanti ; vous serez séparé en différentes parties, mais vous retrouverez votre intégrité. Votre corps sera dissous, mais votre âme restera vivante et attendra la résurrection de votre chair dont elle a été la compagne. L’apôtre saint Paul s’écrie : « Si les morts ne ressuscitent pas, Jésus-Christ n’est pas non plus ressuscité ; et si Jésus-Christ n’est pas ressuscité, votre foi est vaine et vous êtes encore dans vos péchés. Donc tous ceux qui se sont endormis en Jésus-Christ ont péri. Si ce n’est que dans cette vie que nous espérons en Jésus-Christ, nous sommes les plus malheureux des hommes. Mais si Jésus-Christ est ressuscité d’entre les morts, nous trouvons en lui les prémices de tous ceux qui dorment. En effet, comme la mort est venue par l’homme, c’est par l’homme aussi que nous vient la résurrection des morts. De même que tous meurent en Adam, de même tous seront vivifiés en Jésus-Christ[2] ». Doutez-vous encore que vous dussiez préférer le mérite de l’âme à la fragilité de la chair ? Je m’en rapporte à votre jugement droit et juste. Le corps aurait besoin de toute son intégrité pour rester la demeure de l’âme, et pourtant le corps se dissout afin que la destinée des morts soit différente, comme sont différents les mérites de chacun. En créant l’homme, Dieu lui inspira de son souffle une âme spirituelle, tandis que le corps fut tout entier formé du limon soluble de la terre. Si vous n’envisagez que le corps, qu’est-ce que ce corps, sinon un informe limon de la terre, coloré par la coagulation du sang ? Qu’est-ce que le corps ? La nature des vices, la matière et l’origine des morts. Et si vous cherchez le mérite du corps, qu’est-ce que le corps ? l’habitation de l’âme. Qu’est-ce que le corps ? la demeure de l’Esprit de Dieu. Qu’est-ce que le corps ? la plus belle de toutes les œuvres de la création visible, destinée à devenir l’image de la substance divine. Il est écrit : Dieu fit l’homme à son a image et à sa ressemblance[3]. Dieu fit Adam du limon de la terre et inspira sur sa face un souffle de vie. Et l’homme fut fait âme

  1. Jn. 9, 15
  2. 1Co. 15, 13-22
  3. Gen. 1, 26-27