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votre affreuse cruauté, faites des martyrs de Jésus-Christ. Arrachez aux embrassements des nourrices ceux que vous n’arracherez pas aux embrassements des anges. Qu’ils quittent le sein maternel pour s’élever au-dessus des astres ; qu’ils échappent aux larmes de leurs mères pour se couvrir de la gloire des martyrs ; qu’ils quittent les bras de celles qui les portent, afin qu’ils parviennent à la couronne immortelle ; qu’ils soient témoins, eux qui ne peuvent encore parler ; qu’ils rendent témoignage, ceux qui n’ont pas encore l’usage de la parole, et que ceux qui, par leur âge, ne peuvent prononcer le nom de Jésus-Christ, commencent, par sa grâce, à confesser Jésus-Christ. Hérode, vous ne connaissez pas l’ordre des décrets divins, et voilà ce qui vous trouble. Jésus-Christ est venu sur la terre, non point pour s’emparer de votre trône, mais pour subir des humiliations de toute sorte ; non pas pour s’enivrer des flatteries des peuples et de leurs adulations, mais pour s’élever sur la croix que lui auront assignée les clameurs des Juifs ; non pas pour faire scintiller sur son front le diadème royal, mais pour être méprisé sous une couronne d’épines.

5. Nous, mes frères, pour qui tout a été fait, pour qui le Très-Haut s’est humilié si profondément, pour qui un Dieu s’est fait homme, pour qui notre Créateur a été créé, pour qui notre pain a daigné avoir faim, et passant tant d’autres titres, nous pour qui notre vie a goûté les horreurs de la mort, vivons de telle sorte qu’au moins en quelque manière nous nous rendions dignes d’un si grand bienfait ; marchons sur les traces mortelles de l’humilité de Jésus-Christ, afin que nous recevions de lui la récompense éternelle.


VINGTIÈME SERMON.

AVANT PÂQUES, SUR LE JEÛNE, LA MISÉRICORDE ET LE BAPTÊME.

ANALYSE. —1. Le jeûne, l’aumône et le baptême plus spécialement requis aux approches de la fête de Pâques. —2. Apostrophe à ceux qui diffèrent la réception du baptême ; —3. Et à ceux qui négligent le jeûne. —4. Conclusion.

1. A l’approche de la fête de Pâques, le Seigneur exige trois choses de son peuple : le jeûne, les œuvres de miséricorde et la foi du saint baptême. Ces pratiques, sans être excessives, sont tellement agréables à Dieu qu’il les prescrit dans sa miséricorde, comme il les prescrit également dans sa colère. En effet, le Seigneur dit aux prêtres : « Sanctifiez les jeûnes, annoncez la guérison, rassemblez les vieillards et tous les habitants de la terre, dans la maison du Seigneur votre Dieu ; priez le Seigneur, et il vous exaucera[1] ». L’Évangéliste nous prouve également que Dieu commande les œuvres de miséricorde : « Donnez et il vous sera donné[2] ». Quant à la foi du baptême nous lisons : « Dans le dernier grand jour de fête, Jésus se tenait debout et criait à haute voix : Que celui qui a soif vienne à moi et qu’il boive[3] ». Ailleurs : « Celui qui aura bu de l’eau que je donne n’aura plus soif éternellement[4] ». Or, je vois que, à l’exception d’un petit nombre, personne n’a soif du baptême, quoiqu’on soit dévoré par de grandes fièvres, et par les feux les plus ardents. Ce n’est point sans raison que Dieu, dans tout le cours de l’année, exige le jeûne, l’aumône et la foi de ceux qui refusent encore de croire. Ce n’est pas sans raison qu’il confère aux malades qui en sont dignes ce baptême qu’ils ont refusé à Pâques, sous le vain prétexte qu’ils étaient joyeux, sains et vigoureux. L’Apôtre n’a-t-il pas dit :

  1. Joe. 1, 14
  2. Lc. 6, 38
  3. Jn. 7, 37
  4. Id. 4, 13