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la sagesse de ce monde ? Car le monde n’a pas connu Dieu par la sagesse. Or, il a plu à Dieu de sauver les croyants par la folie de la prédication[1] ». « Donc, ce qui est insensé aux yeux du monde, c’est ce qui est sage aux yeux de Dieu[2] », « afin que la sagesse du monde soit réprouvée par la sagesse de Dieu[3] ». Le propre de cette sagesse du monde, c’est de faire grand bruit de ses syllogismes plus ou moins sophistiques, et c’est ce qui l’empêche de comprendre que la volonté de Dieu n’a d’autre règle et d’autre mesure que sa toute-puissance. Dans les œuvres et les opérations de Dieu, est-ce à nous de lui tracer ses règles ? Ce qu’il crée n’existait pas, et pour le créer toute matière préexistante lui était inutile. « Il a dit, et tout a été fait ; il a commandé, et tout a été créé[4] ». Or, celui qui a le pouvoir de créer ce qui n’était pas, ne pourrait pas faire ce qu’il veut de ce qui existe déjà ? Vous invoquez ce qui se fait dans l’ordre ordinaire du mariage ; mais qu’importent ces lois primitivement établies, dès que la puissance du Créateur daigne intervenir directement ? Quand il s’agit de l’action immédiate de Dieu, toute comparaison doit disparaître ; car à quelle œuvre purement humaine peut-on comparer les œuvres divines ? Tout ce qui se fait par les hommes s’accomplit en vertu des lois générales et ne saurait avoir le caractère d’un miracle qui est un fait essentiellement singulier.
13. Vous vous imaginez donc, ô incrédule, que Dieu peut être souillé par le contact du sein maternel ? Je repousse votre sacrilège et je réponds à votre blasphème. Quand, dans le vase impur de votre cœur se formait cette pensée téméraire, vous oubliiez donc cette maxime de l’Apôtre : « Tout est pur pour ceux qui sont purs[5]) ». Si donc, même dans les choses de ce monde, tout est pur pour ceux qui sont purs, à combien plus forte raison tout n’est-il pas pur pour Dieu qui, étant la pureté même, n’a rien fait que de pur. Ne lisons-nous pas : « Dieu vit tout ce  qu’il avait fait, et tout était très-bien[6] ? » Si tout était très-bien, tout était donc pur. Les créatures ne deviennent impures ou honteuses que par le mauvais usage que nous en faisons. C’est en ce sens qu’il a été dit ailleurs, en parlant des animaux : « Ils seront impurs pour vous[7] ». Cette impureté ne tient donc pas à l’essence même des choses, ou à leur nature ; c’est quelque chose d’accidentel résultant, non pas du fait même de leur création, mais du mauvais usage que les hommes peuvent en faire. Par exemple, le vin est bon de sa nature, mais il devient mauvais pour celui qui s’enivre ; le miel est bon et doux, mais dans certaine maladie il est mauvais et funeste ; « la loi est bonne », comme le dit l’Apôtre, mais pour celui qui en fait un usage légitime ; quant à en faire un usage illégitime, ce n’est plus en user, mais en abuser. Ce n’est donc pas la nature même qui a rendu impur tout ce qui peut l’être, c’est uniquement la défense qui en interdit l’usage. Cette défense est elle-même essentiellement accidentelle et spéciale à telle chose en particulier et dans tel cas déterminé, et c’est à tort que l’on y chercherait une malédiction générale, une condamnation absolue.
Après avoir appuyé cette doctrine sur des témoignages, il nous est facile de la confirmer par des exemples et de montrer que ce qui est impur d’après la loi, est réellement pur par nature. Nous savons tous comment le prophète Élie, après avoir accompli son pèlerinage sur la terre, quitta ce monde sur un char de triomphe pour aller prendre place en paradis, où l’appelaient sa parfaite sainteté, ses grandes vertus et ses nombreuses révélations. Il fut ravi sur un char de feu, sans que les flammes, qui jaillissaient de toutes parts, lui portassent la plus légère atteinte, quoiqu’il eût conservé sa chair mortelle. Il est dit qu’il fut transporté en paradis ; or, nous savons qu’après avoir chassé le premier homme du paradis, terrestre, Dieu confia à l’ange du feu la garde de ce séjour heureux ; voilà pourquoi le char d’Élie fut un char de feu, afin que le feu livrât passage au feu. Le texte porte : « Élie, emporté dans un tourbillon, monta comme au ciel[8] ». « Comme au ciel », et non pas réellement au ciel, « car personne n’est monté au ciel que Celui qui est descendu du ciel, le Fils de l’homme, qui est dans le ciel[9] ». Insistons sur ce témoignage dans lequel se révèle d’une manière éclatante la gloire du Sauveur. « Personne n’est monté au ciel, si ce n’est Celui qui est descendu du ciel, le Fils de l’homme

  1. 1 Cor. 1, 20,21
  2. Id. 25
  3. Id. 19
  4. Ps. 148, 5
  5. Tit.1,15
  6. Gen. 1, 31
  7. Deut. 14, 7
  8. 2 R. 2, 11
  9. Jn. 3, 13