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loi, demeure toujours ; non-seulement il se trouve où tu diriges tes pas, mais il te rappelle au but, lorsque tu t’en éloignes.


7. « Car l’amour de Dieu consiste à garder ses commandements ». Vous l’avez entendu : « Ces deux commandements renferment toute la loi et les Prophètes[1] ». Vois comme Dieu n’a point voulu distraire ton attention, et l’attirer sur un grand nombre de pages ? « Ces deux commandements renferment toute la loi et les Prophètes ». Quels sont ces deux commandements ? « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu, de tout ton cœur, de toute ton âme, de tout ton esprit, et ton prochain comme toi-même. Ces deux commandements renferment toute la loi et les Prophètes ». Voilà les préceptes sur lesquels roule toute cette épître. Possédez, par conséquent, la charité, et soyez tranquilles. Pourquoi craindre de faire du mal à autrui ? Fait-on du mal à celui qu’on aime ? Aime, et il te sera impossible de faire autre chose que le bien. Mais peut-être reprends-tu le prochain ? C’est la charité, et non la méchanceté qui en est la cause. Peut-être le frappes-tu ? C’est pour son bien, car l’affection que tu éprouves pour la charité ne te permet pas de fermer les yeux sur l’indiscipline. Les effets d’un sentiment sont, en quelque sorte, comme tout opposés et contraires à leur principe. Ainsi, parfois, la haine caresse et la charité corrige. Un homme, je ne sais lequel, déteste son ennemi, et simule devant lui l’amitié : il lui voit faire le mal, et il le louange ; il veut le perdre, il veut le voir se jeter en aveugle dans le précipice de ses passions, et ne pouvoir jamais en sortir ; il l’approuve ; « Car le pécheur est approuvé dans les désirs de son âme[2] » ; il lui montre toute la douceur dont le flatteur est capable ; il le déteste et il ne tarit pas en compliments. Un autre s’aperçoit que son ami agit mal : il le rappelle à ses devoirs ; quand celui-ci ne l’écoute pas, il va jusqu’à lui parler sévèrement, il le reprend, il s’entreprend avec lui : il se trouve même quelquefois dans la pénible nécessité de l’attaquer en justice. Vous le voyez : la haine caresse, la charité corrige. Ne t’arrête aux paroles, ni de celui qui te flatte, ni de celui qui te reprend avec une sévérité cruelle : examine leurs tendances, vois les motifs qui les font agir. L’un flatte pour tromper, l’autrefait opposition pour corriger. Mes frères, il est donc inutile que nous dilations nous-mêmes votre cœur : demandez à Dieu la grâce de vous aimer les uns les autres. Aimez tous les hommes, même vos ennemis, non parce qu’ils sont vos frères, mais pour qu’ils le deviennent : ainsi brûlerez-vous toujours du feu de la charité fraternelle, soit à l’égard de celui qui est déjà devenu votre frère, soit à l’égard de votre ennemi, afin que votre dilection en fasse un de vos frères. Partout où vous aimez un frère, vous chérissez un ami. Il est déjà avec toi ; vous êtes déjà unis ensemble dans le sein de la grande famille catholique. Si ta conduite est bonne, tu aimes un frère dans la personne de ton ennemi. Mais tu aimes un homme qui ne croit pas encore au Christ, ou qui, s’il y croit, le fait à la manière des démons : tu lui reproches l’inutilité de sa foi. Aime-le, aime-le d’une affection toute fraternelle : il n’est pas encore ton frère, mais tu l’aimes, précisément afin qu’il le devienne. Toute notre charité se réduit donc à aimer, comme des frères, tous les chrétiens, tous les membres du Christ. Les leçons de la charité, sa force, ses fleurs, ses fruits, sa beauté, sa douceur, les aliments, le boire et le manger qu’elle donne, ses baisers, n’engendrent point le dégoût. Si elle est pour nous la source de pareils plaisirs dans le cours de notre pèlerinage, quelles joies ne nous réserve-t-elle pas dans la patrie ?


8. Courons donc, mes frères, courons et aimons le Christ. Quel Christ ? Jésus-Christ. Qui est-il ? Le Verbe de Dieu. Comment est-il venu nous visiter dans notre infirmité ? « Le Verbe s’est fait chair, et il a habité parmi nous[3] ». Ce qu’avait prédit l’Ecriture est donc accompli : « Il fallait que le Christ souffrit et ressuscitât, le troisième jour, d’entre les morts[4] ». Où se trouve son corps.? Où luttent ses membres ? Où faut-il que tu sois pour l’avoir comme chef ? « Et qu’on prêchât, en son nom, la pénitence et la rémission des péchés à toutes les nations, en commençant par Jérusalem[5] ». Que ta charité se répande là. Le Christ et l’Esprit-Saint par la bouche du Psalmiste s’écrient : « Votre commandement est singulièrement étendu[6] » ; et je ne sais qui pose des bornes à la charité aux portes de l’Afrique ! Si tu prétends aimer le Christ, que ta charité s’étende jusqu’auxconfins

  1. Mt. 22, 37, 40
  2. Ps. 9, 3
  3. Jn. 1, 14
  4. Lc. 24, 46
  5. Id. 47
  6. Ps. 118, 96