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dire. Nous connaissons que nous aimons le Fils de Dieu ; le même Apôtre, qui disait tout à l’heure : Fils de Dieu, dit maintenant : enfants de Dieu, parce que les enfants de Dieu forment le corps de son Fils unique ; et comme il en est la tête et que nous en sommes les membres, il n’y a qu’un seul Fils de Dieu. Par conséquent, celui qui aime les enfants de Dieu aune aussi son Fils, comme celui qui aime le Fils, aime aussi le Père ; et personne ne peut aimer le Père sans aimer le Fils, comme personne ne peut aimer le Fils de Dieu sans aimer ses enfants. Qui sont les enfants de Dieu ? Les membres de son Fils. En aimant, l’on devient un de ses membres ; par la charité, l’on entre dans l’ensemble du corps du Christ ; et de toutes les parties se forme un seul Christ, qui s’aime lui-même. Lorsque, en effet, tous les membres s’aiment les uns les autres, le corps s’aime lui-même. « Dès qu’un membre souffre, tous les autres souffrent avec lui, et si un membre reçoit de l’honneur, tous les autres se réjouissent avec lui ». Que dit ensuite l’Apôtre ? « Pour vous, vous êtes le corps et les membres du Christ[1] ». Tout à l’heure, en parlant de la charité fraternelle, Jean disait. « Celui qui n’aime pas son frère qu’il voit, comment pourrait-il aimer Dieu qu’il ne voit pas[2] ? » Si tu dis que tu aimes ton frère, est-il vraiment possible que tu l’aimes sans aimer le Christ ? Comment, quand aimes-tu les membres du Christ ? Lorsque tu aimes les membres du Christ, tu aimes le Christ ; lorsque tu aimes le Christ, tu aimes le Fils de Dieu ; lorsque tu aimes le Fils, tu aimes aussi le Père. L’amour ne saurait donc se partager. Choisis l’objet que tu veux aimer ; tous les autres viendront à la suite. Que tu dises J’aime Dieu seul, Dieu le Père, tu es un menteur. Si tu aimes Dieu le Père, tu n’aimes pas lui seul, car si tu aimes le Père, tu aimes aussi le Fils. Voilà, dis-tu, que j’aime le Père et aussi le Fils, mais rien que cela, c’est-à-dire Dieu le Père et Dieu. son Fils, Notre-Seigneur Jésus-Christ, qui est monté aux cieux et s’est assis à la droite du Père, le Verbe, qui a fait toutes choses, qui s’est fait chair et qui a habité parmi nous[3] ; je n’aime rien de plus. Tu mens ; car si tu aimes le chef, tu aimes aussi les membres ; et si tu n’aimes pas les membres, tu n’aimes pas nonplus le chef. N’es-tu pas surpris d’entendre le chef élever la voix, et crier du haut du ciel, au nom des membres : « Saul, Saul, pourquoi me poursuis-tu[4] ? » Il appelle son persécuteur, le persécuteur de ses membres ; il appelle son amant, l’amant de ses membres. Vous savez déjà, mes frères, qui sont ses membres : c’est l’Eglise même de Dieu. « Nous savons que nous aimons les enfants de Dieu quand nous aimons Dieu ». Et comment Dieu n’est-il pas distinct de ses enfants ? Mais aimer Dieu, c’est aimer ses préceptes. Et quels sont ses préceptes ? « Je vous donne un dernier commandement, c’est de vous aimer les uns les autres[5] ». Que personne ne croie être dispensé de l’un de ces deux amours en faisant parade de l’autre ; car la vraie charité est absolument indivisible ; et comme elle-même ne peut se partager ainsi, elle ne fait qu’un de tous ceux sur lesquels elle s’exerce, et, semblable à une flamme ardente, elle les fond tous ensemble. C’est de l’or ; le feu du creuset met les lingots en fusion, et il n’y a plus qu’un seul tout ; mais si le feu de la charité ne brûle pas, il est impossible que de beaucoup se forme un ensemble. « De ce que nous aimons Dieu, nous apprenons que nous aimons ses enfants ».


4. Comment savons-nous que nous aimons les enfants de Dieu ? « Parce que nous aimons Dieu, et que nous observons ses commandements ». La difficulté d’accomplir les préceptes divins nous arrache des soupirs. Ecoute ce qui suit. O homme, quand éprouves-tu tant de peine en aimant ? Quand tu aimes l’avarice. On souffre à aimer ce que tu aimes ; à aimer Dieu, jamais. L’avarice te condamnera à des peines, à des périls, à des brisements de corps et d’âme, à des tribulations, et tu subiras ses exigences. Dans quel but ? Pour avoir de quoi remplir ton aire et perdre ta tranquillité. Avant de posséder tu étais peut-être plus tranquille que depuis le moment où tu as commencé à être riche. Voilà ce qu’a exigé de toi l’avarice ; tu as rempli ta maison, mais la crainte des voleurs te fait trembler ; tu as amassé de l’or, mais tu as perdu le sommeil. Voilà ce que t’a commandé l’avarice. Fais, a-t-elle dit, cela, et tu as fait. Qu’est-ce que Dieu te commande ? Aime-moi. Si tu aimes l’or, tu en chercheras, et peut-être n’en trouveras-tu pas ; quiconqueme

  1. 1 Cor. 12, 26-27
  2. 1 Jn. 4, 20
  3. Jn. 1, 3, 14
  4. Act. 9, 4
  5. Jn. 13, 34