Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome XI.djvu/212

Cette page n’a pas encore été corrigée

est plus grande que jamais, s’il est question de personnages qui étaient certainement des saints, lorsqu’ils écrivaient, et qui, sans aucun doute, sont maintenant avec Dieu. Qui a la charité, si Paul ne l’avait pas ; lui qui disait : « O Corinthiens, ma bouche s’ouvre et mon cœur se dilate vers vous ; vous n’êtes point à l’étroit dans mon cœur[1] » ; lui qui disait encore : « Je me sacrifierai pour vos âmes[2] » ; lui en qui la grâce était si abondante, que tous y apercevaient l’existence de la charité ? Nous voyons cependant qu’il a demandé et n’a pas reçu. Que disons-nous, mes frères ? C’est une difficulté : dirigez vos pensées vers Dieu, c’est même une très grande difficulté. Quand il s’est agi du péché, à propos de ces paroles : « Celui qui est né de Dieu ne pèche pas[3] », nous avons trouvé que ce péché consistait à violer la loi de la charité, et que cela a été formellement marqué au même endroit ; comme nous l’avons fait alors, nous cherchons aujourd’hui à savoir ce qu’a voulu dire l’Apôtre. Si tu ne fais attention qu’aux paroles, elles semblent n’offrir aucune obscurité ; mais si tu veux en faire l’application, il est difficile d’en pénétrer le sens. Y a-t-il rien de plus clair que ce passage : « Et tout ce que nous demanderons, nous le recevrons de lui, parce que nous gardons ses commandements, et que nous faisons tout ce qui lui est agréable ? Tout ce que nous demanderons », dit l’Apôtre, « nous le recevrons de lui ». Jean nous donne là un grand sujet d’embarras, comme ailleurs il nous en aurait donné un, s’il avait parlé de toute espèce de péché ; mais nous avons tourné la difficulté, en disant qu’il avait parlé d’un péché bien déterminé, et non du péché en général, d’un péché particulier que ne commet pas celui qui est né de Dieu ; de plus, nous avons trouvé que ce péché particulier est la violation de la loi de la charité. Nous en avons un exemple positif dans l’Evangile, car le Sauveur a dit : « Si je n’étais pas venu, ils n’auraient pas de péché[4] ». Eh quoi ! de ces paroles devons-nous conclure que les Juifs, au milieu desquels il était venu, étaient innocents, et que, s’il n’était point venu, ils n’auraient pas été coupables ? La présence du médecin aurait-elle donc fait le malade ; n’aurait-elle pas fait disparaître la fièvre ? Quel homme, même en démence, oserait soutenir pareille chose ? Le Sauveur n’est venu que pour soigner et guérir les malades. Pourquoi donc a-t-il dit : « Si je n’étais point venu, ils n’auraient pas de péché ? » Ah ! c’est qu’il voulait évidemment nous parler d’un péché particulier. Les Juifs, selon sa pensée, n’auraient pas un certain péché. Quel péché ? Celui de ne pas croire en lui, de le méconnaître lorsqu’il se trouvait au milieu d’eux. De même qu’en cet endroit Jésus a parlé de péché, sans qu’on soit, pour cela, obligé de penser qu’il faisait allusion à toute espèce de péché, et non à un péché particulier ; ainsi en est-il du texte de Jean : il n’y est pas question de tout péché, et, par conséquent, aucune contradiction ne se trouve entre lui et le suivant : « Si nous disons que nous n’avons pas de péché, nous nous séduisons, et la vérité n’est pas en nous[5] ». Il s’agit d’un péché déterminé, qui est la violation de la loi de la charité. Dans le cas présent, l’embarras est plus grand : Quand nous demandons, dit l’Apôtre, si notre cœur ne nous accuse pas, si, devant Dieu, il nous rend le témoignage que le véritable se trouve en nous, « n’importe ce que nous lui demandions, nous le recevrons de lui ».


6. Je l’ai déjà dit à votre charité : que personne ne fasse attention à nous ; car, que sommes-nous ? Qu’êtes-vous vous-mêmes ? Quoi, sinon l’Eglise de Dieu, qui est connue de tous ? Et si cela nous convient, nous sommes en elle ; et nous tous, qui, par la charité, nous trouvons dans son sein, nous y demeurerons toujours, si nous voulons faire preuve de l’amour qui nous anime. Cependant, que pourrions-nous penser de mal à l’égard de l’apôtre Paul ? N’aimait-il pas ses frères ? Sa conscience ne lui en rendait-elle pas intérieurement témoignage en présence de Dieu ? Est-ce que ne se trouvait pas en Paul cette racine de la charité, d’où provenaient, comme de bons fruits, toutes ses œuvres ? Où est l’homme assez fou pour tenir un pareil langage ? Où donc pouvons-nous reconnaître que cet Apôtre a demandé, sans néanmoins obtenir ? « De peur que la grandeur de mes révélations ne me donne de l’orgueil, un aiguillon a été mis dans ma chair, instrument de Satan, comme pourme

  1. 2 Cor. 6, 11,12
  2. Id. 12, 15
  3. 1 Jn. 3, 9
  4. Jn. 15, 22
  5. 1 Jn. 1, 8