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dans les saints sacrements ; ils entrent, avec nous, en participation de l’autel lui-même, et ils ne sont pas d’avec nous. Qu’ils ne soient pas d’avec nous, il est facile d’en trouver la preuve au moment où la tentation les éprouve. Quand elle fond sur eux, ils s’envolent au dehors, comme si le vent les emportait, parce qu’ils ne sont pas du grain. Nous devons le leur répéter souvent, ils s’envoleront tous, lorsque au jour du jugement le Seigneur viendra vanner ce que renferme son aire. « Ils sont sortis du milieu de nous, mais ils n’étaient point de nous ; s’ils avaient été de nous, ils seraient demeurés avec nous ». Voulez-vous, mes très-chers, vous convaincre de l’indubitable certitude avec laquelle on peut vous dire que ceux qui sont sortis de nos rangs pour y rentrer ensuite, ne sont ni des antéchrists, ni, par conséquent, des adversaires du Sauveur ? Il est impossible à ceux qui ne sont pas des antéchrists de rester loin de nous. C’est par un effet de sa volonté propre que chacun de nous est contre le Christ ou pour le Christ ; nous sommes du nombre de ses membres, ou nous faisons partie des mauvaises humeurs de son corps. Quiconque devient meilleur est un de ses membres, mais l’on se transforme en humeurs mauvaise:, en persévérant dans le mal, et sitôt que l’on s’écarte du corps, ceux que l’on gênait se trouvent soulagés. « Ils sont sortis du milieu de nous, mais ils n’étaient point de nous ; s’ils avaient été de nous, ils seraient demeurés avec nous ; mais c’est afin qu’on reconnaisse que tous ne sont pas de nous ». Jean ajoute « Afin qu’on reconnaisse que tous ne sont pas de nous » ; car ils ont beau se trouver dans nos rangs, ils ne sont pas de nous ; tant qu’ils y restent, on ne les connaît pas, ruais on les connaît dès qu’ils en sortent. « Pour vous, vous avez reçu l’onction du Saint, afin devons connaître parfaitement les uns les autres ». L’onction spirituelle n’est autre que le Saint-Esprit, et son sacrement consiste dans l’onction extérieure. Suivant l’Apôtre, tous ceux qui ont reçu cette onction du Christ connaissent les boas et les méchants ; pas n’est besoin. pour eux qu’on les instruise à ce sujet ; ils trouvent dans l’onction la source même de la science.


6. « Je ne vous écris pas comme à des hommes qui ignorent la vérité, mais comme à des hommes qui la connaissent et qui savent que nul mensonge ne peut venir de la vérité ». Nous sommes avertis : voilà comment nous reconnaissons l’antéchrist. Qu’est le Christ ? La vérité ; car il a dit lui-même : « Je suis la Vérité [1] ». Or, « nul mensonge ne peut venir de la vérité ». Aussi, tous ceux qui mentent n’appartiennent-ils pas encore au Christ. Jean ne dit point : Quelque mensonge vient de la vérité ; il y a quelques mensonges qui ne viennent pas de la vérité. Remarquez bien la portée de ses paroles : ne vous caressez pas, ne vous flattez pas, ne vous trompez pas, ne vous laissez pas tomber dans l’illusion : « Nul mensonge ne peut venir de la vérité. Comme il y a des mensonges de plus d’une sorte », voyons comment les antéchrists peuvent mentir. « Qui est menteur, sinon celui qui nie que Jésus soit le Christ ? » Autre est la signification du mot Jésus, autre celle du mot Christ : quoique notre Sauveur Jésus-Christ ne soit qu’une seule personne, le nom de Jésus lui appartient néanmoins en propre. Comme Moïse, Elie, Abraham, ont eu leur nom particulier, ainsi Notre-Seigneur a-t-il en propre celui de Jésus : celui de Christ s’applique à une chose mystérieuse. De même qu’on dit un prophète, un prêtre ; de même, en prononçant le mot Christ, c’est comme si l’on disait : Un homme oint, qui doit sauver tout le peuple d’Israël. La nation juive attendait la venue de ce Christ ; et parce qu’il est venu sans apparat, elle ne l’a pas reconnu ; parce qu’il était une petite pierre, elle s’est buttée contre lui, et brisée. La pierre a grossi, elle est devenue une montagne immense[2]. Que dit à son sujet l’Écriture ? « Quiconque heurtera cette pierre, s’y brisera, et elle écrasera celui sur qui elle tombera[3] ». Remarquez bien ces paroles : La pierre brisera celui qui se buttera contre elle, et elle écrasera celui sur qui elle tombera. Pour commencer, et parce que le Sauveur avait apparu tout petit, les hommes l’ont heurté : plus tard, il viendra dans l’éclat de sa grandeur, pour juger le monde, et alors il écrasera celui sur qui il tombera. A son second avènement, il n’écrasera pas celui qu’il n’aura pas brisé lors de sa première venue. Quiconque ne l’aura pas heurté au temps de son humiliation, ne le redoutera pas au temps de sa grandeur. Le Christ est une pierre de scandalepour

  1. Jn. 14, 6
  2. Dan. 2, 35
  3. Lc. 20, 18