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avoir de lui l’idée qu’il voulait en donner, lorsqu’il disait à Philippe : « Philippe, je suis avec vous depuis si longtemps, et « vous ne me connaissez pas encore ? Celui qui me voit voit aussi mon Père[1] ».


3. Pour qu’aucun d’entre vous ne soit lent à marcher, écoutez bien ceci : « Mes petits enfants, voici la dernière heure ». Marchez, courez, grandissez ; voici la dernière heure. Cette dernière heure est de longue durée, mais enfin elle est la dernière. Sous le nom d’heure, Jean désigne les derniers temps, car c’est dans les derniers temps que viendra Notre-Seigneur Jésus-Christ. Mais, dira quelqu’un, comment sont-ce les derniers temps ? comment est-ce la dernière heure ? Il est sûr que d’abord l’antéchrist viendra, et qu’alors luira le jour du jugement. L’Apôtre a prévu cette objection ; afin de ne pas laisser les hommes dans une trompeuse sécurité, pour ne pas les laisser croire que l’heure présente n’est pas la dernière heure, sous prétexte que l’antéchrist viendra auparavant, il leur dit : « Et comme vous avez ouï dire que l’antéchrist doit venir, maintenant aussi il y a plusieurs antéchrists ». Pourrait-il y avoir beaucoup d’antéchrists, si la dernière heure n’était pas déjà venue ?


4. A qui Jean donne-t-il le nom d’antéchrist ? Il continue et s’explique : « Ce qui nous fait connaître que voici la dernière heure ». Qu’est-ce qui nous le fait connaître ? c’est que plusieurs sont devenus des antéchrists : « Ils sont sortis du milieu de nous ». Nous déplorons ce malheur. Mais voici le motif, de nous consoler : « Mais ils n’étaient pas des nôtres ». Tous les hérétiques, tous les schismatiques sont sortis du milieu de nous ; c’est-à-dire ils sortent de l’Eglise, mais ils n’en sortiraient pas s’ils étaient des nôtres. Donc, avant d’en sortir, ils n’étaient déjà pas des nôtres ; et si, avant d’en sortir, ils n’étaient pas des nôtres, il y en a plusieurs dans nos rangs qui n’en sont pas sortis et qui sont néanmoins des antéchrists. Nous osons tenir ce langage ; pourquoi ? sinon afin qu’aucun de ceux qui se trouvent parmi nous ne soit un antéchrist ? L’Apôtre décrira le caractère des antéchrists, et les désignera clairement, et alors nous les connaîtrons. Et chacun de nous doit interroger sa conscience, et se demander s’il est un antéchrist. En latin, ce mot veutdire : adversaire du Christ. Quelques-uns lui attribuent un sens différent, et tirent son étymologie de ce qu’il doit précéder le Christ, et de ce que le Christ viendra après lui ; mais ce mot ne doit ni s’interpréter, ni s’écrire en ce sens, mais bien en celui-ci : antéchrists, c’est-à-dire ennemi du Christ. Quel est l’ennemi du Christ ? D’après les signes qu’en donne l’Apôtre, vous le voyez, et vous comprenez que l’Antéchrist seul peut sortir de nos rangs ; quant à ceux qui ne sont point opposés au Christ, ils ne peuvent nullement le faire. Quiconque n’est pas l’adversaire du Christ, ne fait qu’un avec son corps et compte parmi ses membres, et jamais les membres ne sont opposés l’un à l’autre ; l’ensemble du corps se compose d’eux tous. Que dit l’Apôtre de leur mutuelle union ? « Dès qu’un membre souffre, tous les autres souffrent avec lui, et si un membre reçoit de l’honneur, tous les autres se réjouissent avec lui[2] ». Si tous les membres se réjouissent, lorsqu’un d’entre eux reçoit de l’honneur, et si tous partagent les douleurs de celui qui souffre, ils sont entre eux si intimement unis, qu’on n’y remarque aucun antéchrist. Il en est qui se trouvent dans l’intérieur du corps de Jésus-Christ ; car son corps est encore sujet à l’infirmité, et il ne jouira d’une santé parfaite qu’à la résurrection des morts ; il en est, dis-je, qui se trouvent dans l’inférieur du corps de Jésus-Christ, comme de mauvaises humeurs. Quand le corps les évacue, il se porte mieux ; de même en est-il des méchants : lorsque l’Eglise les rejette de son sein, elle se voit plus robuste. Au moment où le corps se débarrasse de ces humeurs malsaines et les rejette au loin, le corps tient ce langage : Elles sont sorties de mon sein, mais elles ne faisaient point partie de moi. Qu’est-ce à dire : Elles ne faisaient point partie de moi ? Elles n’ont pas été retranchées de mon corps, mais elles me serraient la poitrine, lorsqu’elles s’y trouvaient.


5. « Ils sont sortis du milieu de nous, mais n, ne vous attristez pas, ils n’étaient point de nous ». La preuve ? « Car s’ils avaient été de nous, ils seraient demeurés avec nous ». Que votre charité le remarque donc : il y en a plusieurs qui ne sont pas de nous et qui, néanmoins, reçoivent avec nous les sacrements, le Baptême, ce que les fidèles savent recevoir, la Bénédiction, l’Eucharistie, et tout ce qui setrouve

  1. Jn. 14, 9
  2. 1 Cor. 12, 26