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Comme homme, le Christ est de fraîche date, mais il est ancien en tant que Dieu. Selon nous, à quelle époque remonte son grand âge ? quel est le nombre de ses années ? Est-il, à notre avis, plus ancien que sa mère ? Oui, certes, il est plus ancien qu’elle ; car par lui toutes choses ont été faites[1]. S’il a créé toutes choses, il était donc assez âgé pour créer aussi sa mère, pour donner aussi l’être à celle qui devait lui donner la vie du temps. Mais n’existait-il qu’avant sa mère ? Il était si ancien qu’il existait même avant les ancêtres de sa mère. Abraham était du nombre des aïeux de Marie, et le Seigneur a dit : « Avant qu’Abraham fût, je suis [2] ». Nous disons qu’il existait avant Abraham. Avant le premier homme ont été faits le ciel et la terre : et, avant eux a été le Seigneur, ou, pour mieux dire, avant eux il est. Pour une raison profondément juste, il a dit, non pas : J’ai été avant Abraham ; mais : « Avant qu’Abraham fût, je suis ». Ce dont on dit : Il a été, n’est plus ; et ce dont on dit : Il sera, n’est pas encore. Le Christ ne connaît que l’être. En tant que Dieu, il connaît l’être ; mais il ignore ce que c’est qu’avoir été ou devoir être. Son existence ne compte qu’un jour, mais un jour éternel, mais un jour qui ne peut être ni précédé d’une veille ni suivi d’un lendemain. Lorsque, en effet, le jour d’hier a pris fin, aujourd’hui a commencé pour laisser bientôt sa place à demain. Ce jour unique qui est celui de – Dieu, ne connaît ni ténèbres, ni ombres nocturnes ; on n’y compte ni espaces, ni dimensions, ni heures. Dis de lui ce que tu voudras : si tu veux, c’est un jour, une année, des milliers d’années ; car il est dit de lui : « Et vos années ne s’écouleront pas[3] ». Mais quand a-t-il reçu le nom de jour ? quand il a été dit au Seigneur : « Je vous ai engendré « aujourd’hui[4] ». Eternellement engendré par son Père, engendré de l’éternité, engendré dans l’éternité, il est sans commencement, sans fin, sans étendue, parce qu’il est ce qui est, parce qu’il est celui qui est. Il s’est ainsi nommé en parlant à Moïse : « Tu leur diras : Celui qui est m’a envoyé vers vous[5] ». Était-il donc avant Abraham ? avant Noé ? avant Adam ? Ecoute ce passage de l’Ecriture : « Je vous ai engendré avant l’aurore[6] ». Il était même avant le ciel et la terre. Pourquoi ? Parce que « toutes choses ont été faites par lui, et que sans lui rien n’a été fait[7] ». Comprenez donc pourquoi Jean emploie le nom de pères : puisqu’on devient père en reconnaissant ce qui est dès le commencement.


6. « Je vous écris, jeunes gens ». Ils sont tout à la fois enfants, pères et jeunes gens enfants, parce qu’ils naissent ; pères, parce qu’ils reconnaissent le principe ; et jeunes gens, pourquoi ? « Parce que vous avez vaincu l’esprit malin ». Aux enfants la naissance, aux pères l’ancienneté, aux jeunes gens la force. Si les adolescents remportent la victoire sur le malin esprit, c’est qu’il lutte avec nous : il nous livre bataille, mais il ne nous met pas hors de combat. Pourquoi? Est-ce parce que nous sommes forts par nous-mêmes, ou parce que nous puisons notre force en celui qui, entre les mains de ses ennemis, s’est montré revêtu de faiblesse ? Celui qui n’a pas opposé la moindre résistance à ses bourreaux, nous a remplis de vigueur ; car il a été crucifié selon la faiblesse de la chair, mais il est vivant par la puissance de Dieu[8].


7. « Enfants, je vous écris ». Pourquoi enfants ? « Parce que vous avez connu le Père. Pères, je vous écris ». Il revient à la charge, pour nous recommander ces paroles : « Parce que vous avez connu Celui qui est dès le principe ». Souvenez-vous que vous êtes pères : si vous oubliez celui qui est dès le principe, vous avez déjà perdu ce beau titre. « Jeunes gens, je vous écris ». Considérez attentivement, oui, considérez bien que vous êtes jeunes ; combattez donc de manière à remporter la victoire : devenez vainqueurs pour mériter la couronne ; soyez humbles, pour ne point périr dans la lutte. « Jeunes gens, je vous écris, parce que vous êtes forts, parce que la parole de Dieu demeure en vous et que vous avez vaincu le malin esprit ».


8. Nous sommes tout cela, mes frères, et parce que nous connaissons ce qui est dès le principe, et parce que nous sommes forts, et parce que nous connaissons aussi le Père, et nous devons y trouver un motif puissant d’acquérir cette science divine ; mais ne devons nous pas y trouver encore un motif de charité ? Si nous apprenons à connaître, apprenons, de même, à aimer ; car la connaissance, sansl'

  1. Jn. 1, 3
  2. Id., 8, 58
  3. Ps. 101, 28
  4. Id. 2, 7
  5. Ex. 3, 14
  6. Ps. 109, 3
  7. Jn. 1, 3
  8. 2 Cor. 13, 4