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et d’être avec Jésus-Christ[1]. Néanmoins, il gémit comme écrasé sous le poids de son corps, et il souhaite, non pas d’en être dépouillé, mais d’être revêtu par-dessus, en sorte que ce qu’il y a de mortel soit absorbé par la vie[2]. Et Jésus dit à Pierre qui l’aimait : « Lorsque tu seras vieux, tu étendras les mains, et un autre te ceindra et te conduira où tu ne voudras pas. Or, il dit cela, marquant par quelle mort il devait glorifier Dieu. Tu étendras tes mains », c’est-à-dire, tu seras crucifié. Pour cela faire, « un autre te ceindra, et te conduira », non pas où tu voudras, mais « où tu ne voudras pas ». Le Sauveur dit d’abord ce qui devait avoir lieu, puis la manière dont la chose se ferait. Si Pierre a été conduit où il ne voulait pas, c’est évidemment quand il a été conduit au supplice de la croix, et non quand il y a été attaché : une fois crucifié, il est allé, non où il ne voulait pas, mais bien plutôt où il voulait ; car il désirait être délivré de son corps et se trouver avec le Christ ; il souhaitait d’entrer dans la vie éternelle sans éprouver, si c’était possible, la pénible épreuve de la mort : cette épreuve, il l’a subie malgré lui, mais il en est sorti de son plein gré : il a été amené à l’endurer, en dépit de ses répugnances ; mais il en a volontiers triomphé, en se dépouillant de ce sentiment de faiblesse qui rend la mort odieuse à tous, et qui nous est naturel au point d’avoir subsisté dans le bienheureux Pierre malgré les nécessités de la vieillesse et ces paroles du Sauveur : « Lorsque tu seras devenu vieux », on te conduira « où tu ne voudras pas ». C’est pour nous consoler, que le Christ a transformé en sa personne ce sentiment de faiblesse, au moment où il a dit : « Père, si c’est possible, que ce calice passe loin de moi[3] ». Certainement, il était venu pour subir la mort : sa mort devait être l’effet, non de la nécessité, mais de sa volonté il devait donner sa vie par un acte de sa puissance, comme la même puissance devait la lui rendre. Mais si amère que puisse être pour nous l’épreuve de la mort, la vivacité de notre amour pour Celui qui a bien voulu mourir en notre faveur, bien qu’il fût notre vie, doit nous en rendre victorieux. Si cette épreuve ne nous était point pénible, ou si elle était facile à supporter, l’auréole de gloire des martyrs ne serait point si brillante ; mais puisque après avoir donné sa vie pour ses brebis[4], le bon pasteur s’est choisi, parmi elles, un si grand nombre de martyrs, qu’à bien plus forte raison doivent lutter jusqu’à la mort pour la vérité, et résister au péché jusqu’au sang, les hommes a qui il confie le soin de paître son troupeau, c’est-à-dire de l’instruire et de le gouverner ! Puisqu’il nous a d’abord donné l’exemple de ses souffrances, il est facile de le voir, c’est pour les pasteurs une obligation d’autant plus stricte d’imiter le bon pasteur, que beaucoup de brebis ont suivi ses traces ; car s’il n’y a qu’un pasteur et un troupeau, les pasteurs eux-mêmes sont, à son égard, de véritables brebis. Dès lors qu’il a souffert pour tous, tous sont devenus ses brebis ; et afin de souffrir pour tous, il est devenu lui-même brebis.

  1. Phi. 1, 23
  2. 2Co. 5, 4
  3. Mat. 26, 39
  4. Jn. 10, 18, 11