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dans le temple où tous les Juifs s’assemblent, et je n’ai rien dit en secret ; pourquoi m’interrogez-vous ? interrogez ceux qui ont entendu ce que je leur ai dit : ils savent ce que je leur ai dit ». Ici se présente une question qu’il ne faut point passer sous silence : comment le Seigneur Jésus a-t-il pu dire : « J’ai publiquement parlé au monde » ; et surtout : « Je n’ai rien dit en secret ? » Dans le dernier discours qu’il a adressé à ses disciples après la cène, ne leur a-t-il pas dit : « Je vous ai dit ces choses en paraboles ; mais voici venir l’heure où je ne vous parlerai plus en paraboles, mais je vous parlerai ouvertement de mon Père [1] ? » Si donc à ses disciples qui lui étaient le plus attachés il ne parlait pas ouvertement, s’il se contentait de leur promettre l’heure où il leur parlerait ouvertement, comment a-t-il parlé ouvertement au monde ? De plus, comme nous l’apprend l’autorité des autres Évangélistes, il parlait beaucoup plus ouvertement à ses disciples qu’à tous autres, lorsqu’il était seul avec eux et éloigné de la foule. Que signifient donc ces paroles : « Je n’ai rien dit en secret ? » Il faut donc comprendre qu’il a dit : « J’ai parlé ouvertement au monde », en ce sens : Beaucoup m’ont entendu. En effet, et dans un sens il parlait ouvertement, et dans un autre il ne parlait pas ouvertement : il parlait ouvertement, parce que plusieurs l’entendaient ; et il ne parlait pas ouvertement, parce qu’ils ne comprenaient pas. D’ailleurs, encore, ce qu’il disait à part à ses disciples, il ne le disait pas en secret. Car peut-on dire que celui-là parle en secret, qui parle devant tant d’hommes ? N’est-il pas écrit : « Que dans la bouche de deux ou trois témoins toute parole soit stable [2] ? » et surtout, ce qu’il dit à un petit nombre, ne veut-il pas que ce petit nombre le publie devant tous ? Notre-Seigneur l’a dit à ses disciples qui se trouvaient alors en petit nombre autour de lui : « Ce que je vous dis dans les ténèbres, dites-le dans la lumière ; et ce que vous entendez à l’oreille, prêchez-le sur les toits [3] ». Donc, même ce qui semblait dit secrètement, d’une certaine façon n’était pas dit en secret ; car Jésus le disait, non pas afin que ceux à qui il parlait gardassent le silence, mais au contraire pour qu’ils le répandissent partout. Ainsi donc une même chose peut être en même temps dite ouvertement et non ouvertement, ou bien en secret et non en secret, comme il est écrit : « Afin que voyant, ils voient et ne voient pas [4] ». Comment « peuvent-ils voir ? » parce que la chose est publique et non secrète ; et comment les mêmes « ne voient-ils pas ? » parce que la chose n’est pas publique, mais secrète. Néanmoins, les choses qu’ils avaient entendues et n’avaient pas comprises étaient de telle nature qu’elles ne pouvaient être incriminées avec justice et vérité. Aussi chaque fois qu’ils l’interrogèrent pour trouver dans ses réponses un motif de l’accuser, il leur répondit de manière à dépister leur ruse et à renverser leurs projets de calomnies. C’est pourquoi il leur disait : « Pourquoi m’interrogez-vous ? Interrogez ceux qui ont entendu ce que je leur ai dit ; ceux-là savent ce que j’ai dit ».
4. « Quand il eut dit ces paroles, un des ministres qui était là donna un soufflet à Jésus, en disant : Est-ce ainsi que tu réponds au Pontife ? Jésus lui répondit : Si j’ai mal parlé, rends témoignage du mal que j’ai dit ; mais si j’ai bien parlé, pourquoi me frappes-tu ? » Quoi de plus vrai, de plus doux et de plus juste que cette réponse ? Elle vient de celui dont le Prophète avait dit à l’avance : « Entreprends, et marche en prospérant, et règne pour la vérité, la douceur et la justice[5] ». Si nous considérons la qualité de celui qui a reçu ce soufflet, ne voudrions-nous pas que celui qui l’a ainsi frappé fût consumé par le feu du ciel ou englouti par la terre entr’ouverte, ou saisi par le démon et roulé par lui, ou, enfin, frappé de quelque châtiment semblable, sinon plus grave encore ? Lequel de ces tourments n’aurait pu ordonner dans sa puissance Celui par qui le monde a été fait ? Mais il a préféré nous enseigner la patience qui triomphe du monde. Mais, dira quelqu’un : Pourquoi Jésus n’a-t-il pas fait ce qu’il avait lui-même commandé[6] ? Il ne devait pas répondre ainsi à celui qui le frappait, mais lui présenter l’autre joue. Eh quoi ! n’a-t-il pas répondu avec vérité, douceur et justice ? N’a-t-il pas fait plus que tendre l’autre joue à celui qui le frappait, et n’a-t-il pas donné tout son corps à ceux qui devaient le clouer à la croix ? Ainsi nous a-t-il appris ce qu’il était surtout important de nous apprendre, à savoir, que ces grands préceptes

  1. Jn. 16, 25
  2. Deut. 19, 15
  3. Mt. 10, 27
  4. Mc. 4, 12
  5. Ps. 44, 5
  6. Mt. 5, 39