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lui et avaient néanmoins déjà cru en lui ? Qui oserait le dire ?
3. Il nous faut donc comprendre qu’ils ne croyaient pas encore en lui comme il voulait qu’on y crût ; et en effet, Pierre lui-même, auquel Notre-Seigneur avait rendu un si grand témoignage après cette confession : « Vous êtes le Christ Fils du Dieu vivant », Pierre était plus disposé à croire qu’il ne mourrait pas, qu’à croire qu’il ressusciterait après sa mort. C’est pourquoi peu après Notre-Seigneur l’appela Satan [1]. Ceux qui étaient déjà morts, mais qui, par la révélation du Saint-Esprit, n’avaient nullement clouté de la résurrection du Christ, étaient donc plus fidèles que ceux qui, après avoir cru qu’il rachèterait Israël, perdirent toute confiance en lui quand il fut mort. Aussi il me paraît plus raisonnable d’admettre ceci : Après sa résurrection, Notre-Seigneur ayant donné le Saint-Esprit à ses Apôtres pour les instruire, les confirmer et les établir docteurs dans l’Église, les autres ont, par le moyen de leur parole, cru comme il fallait croire en Jésus-Christ, c’est-à-dire qu’ils ont cru à sa résurrection. Et, par là, ceux qui semblaient avoir déjà cru en lui étaient réellement au nombre de ceux pour lesquels il pria en disant : « Je ne prie pas seulement pour ceux-là », mais « je prie aussi pour ceux qui, par leur parole, croiront en moi ». Pour éclaircir encore plus cette question, il nous reste à répondre à l’objection qu’on pourrait tirer du bienheureux apôtre Paul et du larron égaré dans les voies du crime, qui devint fidèle seulement sur la croix. En effet, l’apôtre Paul nous dit qu’il a été fait apôtre non par les hommes, ni par un homme, mais par Jésus-Christ même. Et, parlant de son Évangile, il dit : « Et je ne l’ai reçu ni appris d’aucun homme, mais par la révélation que m’en a faite Jésus-Christ [2] ». Comment donc se trouvait-il au nombre de ceux dont il est dit : « Par leur parole ils croiront en moi ? » Le larron eut la foi au moment même où, quelle qu’elle fût, elle vint à manquer dans les docteurs eux-mêmes. Ainsi ce n’est point par leur parole qu’il crut en Jésus-Christ, et cependant sa foi fut telle qu’il confessa non seulement la résurrection future, mais même le règne à venir de Celui qu’il voyait attaché à la croix. « Souvenez-vous de moi, lorsque « vous serez arrivé dans votre royaume [3] ».
5. Si nous devons croire que dans cette prière le Seigneur Jésus s’occupa de tous les siens alors existants ou destinés à se trouver plus tard dans cette vie qui est une « tentation sur la terre[4] », il nous reste à entendre ces mots : « Par leur parole », de la parole même de la foi qu’ils ont prêchée dans le monde. Cette parole a été appelée leur parole, parce qu’ils en ont été les premiers et les principaux prédicateurs. Ils le prêchaient déjà sur la terre lorsque, par une révélation de Jésus-Christ, Paul reçut leur parole. C’est pourquoi il annonça l’Évangile, conjointement avec eux, dans la crainte d’avoir couru ou de courir en vain, et ils lui donnèrent les mains, parce qu’en lui ils trouvèrent leur parole, quoiqu’ils ne la lui eussent pas confiée eux-mêmes ; car c’était celle qu’ils prêchaient ; c’était sur elle qu’ils étaient établis [5]. Au sujet de cette parole de la résurrection de Jésus-Christ, le même apôtre Paul nous dit : « Que ce soit moi, que ce soit eux, c’est ainsi que nous prêchons et c’est ainsi que vous avez cru[6] » ; et encore : « Telle est la parole de la foi que nous prêchons : Si vous confessez de bouche que Jésus est le Seigneur, et si vous croyez de cœur que Dieu l’a ressuscité d’entre les morts, vous serez sauvé[7] ». Dans les Actes des Apôtres, nous lisons qu’en Jésus-Christ Dieu a donné la foi à tous, en le ressuscitant d’entre les morts[8]. Parce que cette parole de la foi a été premièrement et principalement prêchée par les Apôtres qui y avaient adhéré, elle a été appelée leur parole. Elle ne cesse pas d’être la parole de Dieu pour être appelée la parole des Apôtres, puisque le même Apôtre nous dit que les Thessaloniciens l’ont reçue de lui, « non comme la parole des hommes, mais comme elle est réellement, pour la parole de Dieu[9] ». C’est la parole de Dieu, parce que c’est Dieu qui l’a donnée ; c’est la parole des Apôtres, parce que c’est aux Apôtres que Dieu a premièrement et principalement confié la mission de la prêcher. Et ainsi, le larron lui-même avait dans sa foi la parole des Apôtres ; en effet, elle s’appelait leur parole parce que leur office principal et premier était de la prêcher. Enfin, lorsque parmi les veuves des

  1. Mt. 16, 16, 23
  2. Gal. 1, 1, 12
  3. Lc. 23, 42
  4. Job. 7, 1
  5. Gal. 2, 2, 9
  6. 1 Cor. 15, 11
  7. Rom. 10, 8-9
  8. Act. 17, 31
  9. 1 Thes. 2, 13