Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome X.djvu/696

Cette page n’a pas encore été corrigée

croire en Jésus-Christ. Voilà pourquoi les Juifs ne pouvaient croire » : non pas que les hommes ne puissent être changés en mieux, mais tant qu’ils ont de pareils sentiments, ils ne peuvent y croire. Ils sont aveuglés et endurcis, parce que, comme ils nient la nécessité du secours divin. Dieu ne leur vient point en aide. Dieu avait prévu tout cela relativement aux Juifs ; ils ont été endurcis et aveuglés, et c’est par son esprit que le Prophète l’a prédit.
11. Quant à ce qui suit : « Et qu’ils se convertissent et que je les guérisse », on peut l’entendre de deux manières : ou bien en sous-entendant la négation, et en disant qu’ils ne se convertissent pas, suivant le sens de la proposition précédente, où il est dit : « Afin qu’ils ne voient point des yeux, et qu’ils ne comprennent pas du cœur » ; car là il est dit afin qu’ils ne comprennent point. La conversion est, en effet, une grâce de celui à qui il est dit : « Dieu des vertus, convertissez-nous[1]  ». Ou bien si on supprime la négation, faut-il voir un acte de la miséricorde divine qui voulait les guérir ? Leur volonté était superbe et perverse ; ils voulaient établir leur propre justice : Dieu les abandonna donc afin de les faire tomber dans l’aveuglement ; ainsi aveuglés, ils se heurteraient contre la pierre d’achoppement et leur visage serait couvert de honte, et, se trouvant humiliés, ils chercheraient le nom de Dieu et non leur propre justice (ce qui fait l’orgueil des superbes), mais bien la justice de Dieu qui justifie l’impie. Par le fait, c’est ce qui a été très utile à plusieurs d’entre eux : touchés de leur crime, ils ont cru dans la suite en Jésus-Christ. C’est pour eux qu’il priait lorsqu’il disait : « Père, pardonnez-leur, car ils ne savent ce qu’ils font[2] ». Au sujet de leur ignorance l’Apôtre dit : « Je leur rends ce témoignage qu’ils ont le zèle de Dieu, mais non selon la science » ; et aussitôt il ajoute : « Car, ignorant la justice de Dieu et voulant « établir la leur, ils n’ont pas été soumis à la « justice de Dieu[3] ».
12. « Isaïe dit ces choses, quand il vit sa « gloire et qu’il parla de lui ». Pour comprendre ce qu’a vu Isaïe, pour se convaincre que ce qu’il dit se rapporte au Seigneur Jésus-Christ, il faut lire son livre. Car il n’a pas vu Dieu comme il est, mais d’une certaine manière figurative, comme il convenait à un prophète. Moïse aussi l’a vu, et cependant il disait à Celui qu’il voyait : « Si j’ai trouvé grâce devant vous, montrez-vous à moi, afin que je vous voie à découvert[4] » ; preuve qu’il ne le voyait pas tel qu’il est. Mais quand pourrons-nous le voir ainsi ? Jean, notre évangéliste, nous l’apprend dans une de ses Epîtres : « Mes bien-aimés, nous sommes les enfants de Dieu ; ce que nous « serons un jour ne paraît pas encore ; nous savons que quand il apparaîtra, nous serons semblables à lui ; car nous le verrons comme il est[5] ». II pouvait dire : « Car nous le verrons », et ne pas ajouter « comme il est ». Mais comme il savait que quelques patriarches et prophètes l’avaient vu, mais non comme il est, après avoir dit : « Nous le verrons », il a ajouté : « comme il est », Ne vous laissez pas tromper, mes frères, par ceux qui disent que le Père est invisible, et que le Fils est visible. C’est ce que disent, en effet, ceux qui prétendent que le Fils n’est qu’une créature ; car ils ne comprennent pas ce qui a été dit : « Le Père et moi sommes une même chose[6]  ». Sous la forme de Dieu par laquelle il est égal au Père, le Fils aussi est invisible ; mais pour être vu par les hommes, il a pris la forme de serviteur, et, devenu semblable aux hommes[7], il est devenu visible. Il s’était même montré aux yeux des hommes avant son incarnation, sous les figures qu’il lui plaisait de prendre, et, pour cela, il s’est servi de créatures soumises à sa puissance ; mais il ne s’est pas montré comme il est. Purifions donc nos cœurs par la foi, afin de nous préparer à cette vision ineffable, et, pour ainsi dire, invisible. Bienheureux ceux qui ont le cœur pur, car ils verront Dieu[8].
13. « Néanmoins, plusieurs des princes mêmes crurent en lui ; mais à cause des Pharisiens, ils ne le confessaient point, de peur d’être chassés de la synagogue ; car ils aimèrent plus la gloire des hommes que la gloire de Dieu ». Remarquez comment l’Evangéliste en note et blâme plusieurs, qui, selon lui, avaient pourtant cru en Jésus-Christ. Puisqu’ils avaient embrassé la foi, s’ils y eussent avancé davantage, ils auraient par là surmonté l’amour de la gloire humaine

  1. Ps. 79, 8
  2. Lc. 23, 34
  3. Rom. 10, 2-3
  4. Ex. 33, 13
  5. 1 Jn. 3, 2
  6. Jn. 10, 30
  7. Phil. 2, 7
  8. Mt. 5, 8