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pas dans le Christ, ce chrétien montre qu’il n’entend pas sa voix. Il s’est approché du Sauveur ; il lui a entendu dire telles et telles paroles, celles-ci et encore celles-là, toutes paroles pleines de vérité et de salut ; entre autres se trouvent les suivantes : « Celui qui aura persévéré jusqu’à la fin, sera sauvé ». Celui qui les écoute est une brebis : un je ne sais qui, les entendait aussi ; mais il les a méprisées, il s’est refroidi, et a fini par écouter une voix étrangère. S’il est du nombre des prédestinés, son égarement est de courte durée ; il n’est pas perdu pour toujours ; il revient bientôt pour entendre ce dont il a tenu peu de cas, et agir suivant ce qu’il a entendu. Car, s’il est question d’un prédestiné, Dieu a prévu tout à la fois, et son égarement et sa conversion à venir ; et s’il a quitté le bon chemin, il se rapproche afin d’entendre la voix du pasteur, et de suivre celui qui a dit : « L’homme qui aura persévéré jusqu’à la fin, sera sauvé ». Bonne parole, mes frères ; parole vraie, parole de pasteur c’est la parole de salut qui retentit sous la tente des justes [1]. Car il est facile d’écouter le Christ, de louer l’Évangile, de saluer par des acclamations celui qui (explique ; mais persévérer jusqu’à la fin, c’est le propre des brebis qui écoutent la voix du pasteur. Une tentation se présente ; persévère jusqu’à la fin, parce que la tentation ne dure pas si longtemps. Jusqu’à quelle fin persévéreras-tu ? Jusqu’au terme de ta course. Aussi longtemps que tu n’écoutes pas le Christ, il est ton adversaire dans ce voyage, c’est-à-dire pendant cette vie mortelle. Mais que dit-il ? « Hâte-toi de te réconcilier avec ton adversaire, pendant que tu es en chemin avec lui [2] ». Tu l’as entendu, tu l’as cru, tu t’es réconcilié avec lui. Si tu luttais avec lui, réconcilie-toi ; et si le bienfait de la réconciliation t’a été accordé, veuille ne plus entrer désormais en litige. Car tu ignores à quel moment se terminera ta course : mais le Christ ne l’ignore pas. Si tu es du nombre de ses brebis, et que tu persévères jusqu’à la fin, tu seras sauvé voilà pourquoi ceux qui lui appartiennent écoutent sa voix, et ceux qui lui sont étrangers, ne l’écoutent pas. Cette question, singulièrement obscure, je vous l’ai expliquée ou je l’ai traitée avec vous de mon mieux, et comme le Seigneur m’en a fait la grâce. S’il en est, parmi vous, pour avoir moins bien saisi mes paroles, qu’ils demeurent dans la piété, et la vérité leur sera manifestée : pour ceux qui m’ont compris, ils ne doivent pas en concevoir d’orgueil, comme s’ils étaient plus agiles, et les autres moins prompts ; car l’orgueil pourrait les jeter hors la voie, et les empêcher très facilement d’arriver les premiers, en retardant leur marche. Daigne celui à qui nous adressons ces paroles, nous conduire tous jusqu’au but : « Seigneur, conduisez-moi dans vos voies, et je marcherai dans votre vérité [3] ».
14. Le Sauveur nous a dit qu’il est la porte au moyen de l’explication qu’il nous a donnée de ces paroles, entrons dans le sens de ce qu’il nous a dit sans nous l’expliquer. Quoique, dans la leçon qu’on vient de nous réciter, il ne nous ait pas dit quel pasteur il est, néanmoins il nous en avertit formellement dans la leçon suivante : « Je suis le bon pasteur ». Quand même il ne nous le dirait pas, pourrions-nous voir une allusion à un autre que lui dans ces paroles sorties de sa bouche : « Celui qui entre par la porte est le pasteur des brebis. Le portier ouvre à celui-là, et les brebis entendent sa voix ; et il appelle ses propres brebis par leur nom, et il les conduit hors de la bergerie ; et quand il a fait sortir ses brebis, il va devant elles, et les brebis le suivent ; car elles connaissent sa voix ? » Quel pasteur, en effet, appelle ses brebis par leur nom, et les conduit de ce monde jusqu’à la vie éternelle ? N’est-ce pas celui-là seul qui connaît les noms des prédestinés ? Voilà pourquoi il dit à ses disciples : « Réjouissez-vous, car vos noms sont écrits dans le ciel [4] ». De là vient qu’il les appelle toutes par leurs noms. Qui les fait sortir de la bergerie ? N’est-ce point celui-là seul qui leur remet leurs péchés, afin que, délivrées de la plus dure servitude, elles puissent le suivre ? Qui est-ce qui a marché devant elles jusqu’à l’endroit où elles doivent venir après lui ? N’est-ce pas celui qui, sorti d’entre les morts, ne meurt plus, celui sur lequel la mort n’aura désormais plus d’empire [5] ? Lorsqu’il se montrait sous les traits de notre humanité, il a dit : « Père, je désire que, là où je suis, ceux que vous m’avez donnés s’y trouvent avec moi [6] ». Telle est la raison d’être de ces paroles du Sauveur :

  1. Ps. 117, 15
  2. Mt. 5, 25
  3. Ps. 85, 11
  4. Lc. 10, 20
  5. Rom. 6, 9
  6. Jn. 17, 21