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pris la forme d’un esclave [1], mais je ne me suis point dépouillé de ma nature divine : « Je ne suis donc pas seul, mais le Père qui m’a envoyé est avec moi ».
10. Après avoir parlé du jugement, il veut parler du témoignage. « Il est écrit dans votre dois, dit-il, « que le témoignage de deux est digne de foi, et je rends témoignage de moi-même, et le Père qui m’a envoyé, rend témoignage de moi ». Il leur explique même leur loi, à condition pourtant qu’ils ne fassent pas la sourde oreille. Il y a une grande difficulté, mes frères, et j’aperçois un grand mystère dans ce fait, que le Sauveur a dit : « Tout sera assuré par la déposition de deux ou trois témoins[2] ». La vérité peut-elle être certifiée par deux témoins ? Évidemment oui : ainsi l’a toujours cru le genre humain tout entier. Il est, néanmoins, possible que deux hommes viennent à mentir. La chaste Suzanne a été compromise par les dépositions de deux menteurs ; parce qu’ils étaient deux, y avait-il pour eux une impossibilité à ce qu’ils fussent de faux témoins ? Parlons-nous de deux ou de trois témoins ? Mais un peuple tout entier s’est inscrit en faux contre le Christ[3]. Si un peuple tout entier, composé d’une innombrable multitude d’hommes, a été surpris en flagrant délit de mensonge, quel sens donner à ces paroles : « Tout sera assuré par la déposition de deux ou trois témoins ? » Il y est évidemment fait une mystérieuse allusion à la Trinité en laquelle réside perpétuellement l’immuable vérité. En toutes choses, veux-tu avoir le droit de ton côté ? Aie deux ou trois témoins, le Père, le Fils et le Saint-Esprit. Quand deux faux témoins poursuivaient Suzanne, femme chaste, épouse fidèle s’il en fut, la Trinité lui rendait témoignage au tribunal de sa conscience, et la soutenait intérieurement aussi fit-elle sortir du secret un témoin véridique, Daniel, et, par lui, elle prouva la fausseté des deux vieillards[4]. Puisque, d’après votre loi, le témoignage de deux hommes est véritable, recevez donc le nôtre ; autrement, vous ressentiriez la rigueur de notre jugement : « Car je ne juge personne, mais je rends témoignage de moi-même » ; plus tard, je jugerai, mais je rends témoignage aujourd’hui.
14. Mes frères, au milieu des discours méchants et des injurieux soupçons du monde, choisissons Dieu pour notre témoin et notre juge ; car celui qui nous juge ne dédaigne pas de nous servir maintenant de témoin, et pour juger, il rie se laisse point surprendre ; son jugement s’exercera d’après ce qu’il voit et entend lui-même. Mais pourquoi est-il lui-même témoin ? Parce qu’il lui est inutile d’apprendre de la bouche d’un autre qui tu es. Pourquoi est-il juge ? Parce qu’il a le pouvoir de donner la mort et de communiquer la vie, de condamner et d’absoudre, de précipiter dans la géhenne et de faire entrer dans le ciel, de destiner à la société du démon et de couronner dans l’assemblée des anges. Puisqu’il a ce pouvoir, il est donc juge. Pour te connaître, il n’a nul besoin de la déposition d’un autre témoin, s’il doit te juger plus tard, aujourd’hui il te voit ; par conséquent, il ne te sera pas possible de le tromper au moment où il te demandera compte de ta vie. Alors, Dieu te dira : Lorsque tu me méprisais, j’en étais témoin ; et quand tu n’avais pas la foi, je ne m’engageais nullement à laisser impunie ton incrédulité ; je différais ta condamnation, mais je n’y renonçais pas. Tu n’as pas voulu écouter mes ordres, tu subiras la rigueur du jugement que je t’annonce. Si, au contraire, je trouve en toi un serviteur fidèle, les maux dont je te menace maintenant ne seront point ton partage ; mais tu entreras en possession des biens que je te promets.
12. Le Sauveur a dit quelque part : « Le Père ne juge personne, mais il a donné tout le jugement à son Fils [5] ». Ici, il dit : « Mon jugement est véritable, car je ne suis pas seul ; le Père, qui m’a envoyé, est avec moi ». Que cette différence entre les deux textes n’étonne aucun d’entre vous ; nous avons déjà donné une explication suffisante de ces passages de l’Évangile ; il me suffira donc de vous dire : Le Christ ne s’est pas exprimé ainsi pour vous faire entendre que le Père ne sera pas avec son Fils, quand celui-ci jugera le monde : il a voulu vous persuader, qu’au moment où il viendra juger les bons et les méchants, il leur apparaîtra, seul, revêtu de ce corps dans lequel il a souffert, avec lequel il est ressuscité et monté au ciel. Le jour de son ascension, un ange adit

  1. Phil. 2, 7
  2. Deut. 19, 15 ; Matth. 18, 16
  3. Lc. 23, 1
  4. Dan. 13, 36-62
  5. Jn. 5, 22