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fussent accomplies, et, quand elles le furent, il dit : « C’est fini », et il quitta volontairement la vie, parce qu’il n’était pas venu forcément en ce monde. Aussi, ce pouvoir de mourir quand il l’a voulu a-t-il étonné certaines personnes, plus que le pouvoir d’opérer des miracles. De fait, on s’approcha des crucifiés pour détacher leurs corps de l’instrument de leur supplice, parce que la lumière du sabbat commençait à briller, et l’on s’aperçut que les larrons vivaient encore. Le supplice de la croix était d’autant plus cruel, qu’on le subissait plus longtemps, et tous ceux qu’on y condamnait mouraient d’une mort très-lente. Pour ne pas laisser les brigands sur la croix, on les força à mourir, en leur brisant les jambes, et, ainsi, fut-on à même de les en détacher plus vite. On vit que le Sauveur était mort [1], et l’on s’en étonna, et des hommes qui l’avaient méprisé pendant sa vie, furent à son égard saisis d’une si vive admiration après sa mort, qu’ils s’écrièrent « Vraiment, celui-ci est le Fils de Dieu [2] ». Voici, mes frères, une autre preuve de cette puissance de Jésus : lorsque les Juifs le cherchaient, il leur dit : « Me voilà ; et ils reculèrent, et ils tombèrent par terre [3] ». La puissance suprême lui appartenait donc. Et quand il mourut, il n’y était nullement forcé par l’heure ; il avait, au contraire, attendu le moment favorable d’accomplir sa volonté, et non celui où, malgré lui, il perdrait nécessairement la vie.

7. « Et plusieurs, dans cette multitude, crurent en lui ». Le Sauveur guérissait les humbles et les pauvres. Pour les chefs, ils se laissaient emporter par une folie furieuse aussi ne reconnaissaient-ils pas le médecin, et, de plus, cherchaient-ils à le faire mourir. Beaucoup de personnes s’aperçurent bientôt de leur maladie propre, et reconnurent aussitôt l’efficacité du remède que Jésus leur proposait. Voyez ce que se dirent à elles-mêmes ces personnes ébranlées par les miracles du Sauveur : « Lorsque le Christ sera venu, fera-t-il plus de prodiges que celui-ci ? » Évidemment, s’il ne doit pas y avoir deux Christs, celui-ci est le Christ. Comme conséquence de ce raisonnement, elles crurent en lui.

8. En présence des témoignages que cette multitude donnait de sa foi, en entendant le bruit confus de ces voix qui glorifiaient Jésus, les chefs « envoyèrent des soldats pour le saisir ». Pour le saisir ? Malgré lui ? Mais parce qu’ils ne pouvaient s’emparer de lui contre son gré, les émissaires furent envoyés pour écouter ses instructions. Qu’enseignait – il ? « Jésus leur dit : Je suis encore pour un peu de temps avec vous ». Ce que vous voulez faire maintenant, vous le ferez, mais plus tard ; aujourd’hui, je ne le veux pas. Pourquoi est-ce que je n’y consens pas pour le moment ? « Parce que je suis encore avec vous pour un peu de temps, et que je vais vers Celui qui m’a envoyé ». Je dois accomplir toute ma mission et arriver, par là, à ma passion.
9. « Vous me chercherez, et vous ne me trouverez pas, et, là où je suis, vous ne pouvez venir ». C’était là prédire déjà sa résurrection : ils n’ont pas voulu le reconnaître quand il était au milieu d’eux, et plus tard, lorsqu’ils virent que la multitude croyait en lui, ils le cherchèrent. De grands prodiges eurent lieu, même au moment de la résurrection du Sauveur et de son ascension : alors ses disciples opérèrent des miracles éclatants, mais ils n’étaient que les instruments de Celui qui en avait tant fait lui-même, car il leur avait dit : « Vous ne pouvez rien faire sans moi [4] ». Lorsque le boiteux qui se tenait à la porte du temple, se leva à la voix de Pierre, et marcha sur ses pieds, tous furent dans l’admiration : alors, le prince des Apôtres leur adressa la parole, et leur déclara que s’il avait guéri cet homme, ce n’était point en vertu de son propre pouvoir, mais que c’était par la puissance de Celui qu’ils avaient fait mourir [5]. Saisis de douleur, plusieurs lui répondirent : « Que ferons-nous [6] ». Ils se voyaient souillés d’un crime énorme d’impiété, car ils avaient mis à mort celui qu’ils auraient dû respecter et adorer : et leur crime leur semblait impossible à expier. C’était là une grande faute : à la considérer dans sa laideur, il y avait de quoi tomber dans le désespoir ; mais le désespoir leur était défendu, puisque, sur la croix, le Seigneur Jésus a bien voulu prier pour eux, et qu’il avait dit : « Mon Père, pardonnez-leur, car ils ne savent ce qu’ils font[7]. » Parmi un grand nombre d’hommes qui devaient le méconnaître toujours, il en apercevait

  1. Jn. 19, 28-33
  2. Mt. 27, 51
  3. Jn. 18, 6
  4. Jn. 15, 5
  5. Act. 3, 2-16
  6. Id. 2, 37
  7. Lc. 23, 31