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sabbat les hommes doivent travailler à leur salut. Ne vous irritez donc pas non plus contre moi parce que j’ai guéri un homme le jour du sabbat ; si un homme reçoit, ce jour-là, la circoncision, sans que la loi de Moïse soit violée (car, par l’établissement de la circoncision, Moïse a voulu contribuer en quelque chose au salut de ceux qui la recevraient), pourquoi vous indigner contre moi, lorsqu’en ce jour je travaille au salut d’un homme ?
5. Peut-être, en effet, la circoncision était-elle une figure du Sauveur, contre lequel les Juifs s’indignaient parce qu’il soignait et guérissait un malade au jour du sabbat. Il était prescrit de circoncire un enfant le huitième jour après sa naissance ; or, qu’est-ce que recevoir la circoncision, sinon se dépouiller de sa chair ? la circoncision signifiait donc l’action d’ôter de son cœur tous les désirs de la chair. C’est par un homme que la mort est venue ; c’est aussi par un homme que vient à résurrection des morts [1]. Le péché est entré dans ce monde par un seul homme, et la mort par le péché [2]. Chacun vient au monde avec le prépuce, parce que chacun naît avec le péché originel, et Dieu ne nous purifie soit du péché, dont nous naissons coupables, soit des fautes que nous y ajoutons par notre mauvaise conduite, qu’au moyen du couteau de pierre qui est Jésus-Christ, Notre-Seigneur. Car le Christ était la pierre [3]. Des couteaux de pierre servaient chez les Juifs à donner la circoncision ; et, en se servant d’instruments de pierre, ils préfiguraient le Christ, ils l’avaient sous les yeux, et pourtant ils ne le reconnaissaient pas : ils désiraient même le faire mourir. Mais pourquoi la circoncision se pratiquait-elle le huitième jour ? Sans doute parce que le Sauveur est ressuscité le dimanche, c’est-à-dire après le jour du sabbat, qui est le septième. La résurrection de Jésus-Christ, qui s’est faite, à la vérité, le troisième jour après sa passion, a eu lieu précisément le huitième jour, dans l’ordre des jours de la semaine : elle nous a donc aussi circoncis. L’Apôtre nous parle de ceux en qui la véritable Pierre a pratiqué la circoncision ; écoute-le, voici ses paroles : « Si donc vous êtes ressuscités avec Jésus-Christ, recherchez les choses du ciel, où Jésus-Christ est assis à la droite de Dieu ; n’ayez de goût que pour les choses d’en haut, et non pour celles d’ici-bas [4] ». Il s’adresse à des circoncis le Christ est ressuscité ; il vous a dépouillé des désirs de la chair ; il vous a délivrés des passions désordonnées ; il vous a enlevé ce superflu que vous aviez apporté avec vous en venant au monde, et cet autre, encore plus déplorable, que vous y aviez ajouté par votre mauvaise vie : vous avez été circoncis au moyen de la Pierre, pourquoi donc avoir encore du goût pour les choses de la terre ? Enfin, puisque Moïse vous a donné la loi, et qu’en conséquence vous donnez vous-mêmes la circoncision le jour du sabbat, voyez-y la figure et l’annonce de la bonne œuvre que j’ai accomplie à l’égard de cet homme en lui rendant ce même jour la santé ; car je l’ai guéri de telle manière qu’il a recouvré la vigueur de son corps, et que, par la foi, il a obtenu le salut de son âme.
6. « Ne jugez point avec acception de personnes, mais jugez avec un jugement droit ». Qu’est-ce à dire ? Le jour du sabbat, vous pratiquez la circoncision en vertu de la loi de Moïse, et vous ne vous irritez nullement contre ce saint législateur, et vous vous irritez contre moi parce que, ce jour-là, j’ai rendu la santé à un homme ; vous jugez selon les personnes, mais faites donc attention à la vérité. Je ne me préfère pas à Moïse, dit le Seigneur, qui était le Maître de Moïse lui-même. Nous sommes deux hommes différents ; regardez-nous comme tels ; jugez entre nous, mais jugez équitablement et avec droiture ne condamnez pas Moïse pour m’honorer ; comprenez-le bien et honorez-moi. C’était le langage que le Sauveur avait tenu aux Juifs dans une autre circonstance : « Si vous croyiez à Moïse, vous me croiriez aussi, car c’est de moi qu’il a écrit[5] ». Mais dans l’occasion présente, il ne voulut point leur parler de la sorte, parce qu’il aurait semblé paraître devant eux avec Moïse comme accusé. En vertu de la loi de Moïse, vous pratiquez la circoncision, même quand le huitième jour coïncide avec le sabbat, et vous ne prétendez pas que ce jour-là je sois libre de me montrer bienfaisant et de rendre la santé aux infirmes ? Parce que le Seigneur est tout à la fois l’auteur de la circoncision et du sabbat,, il est, par là même aussi, l’auteur de la santé. Il vous a défendu les œuvres serviles au jour du

  1. 1 Cor. 15, 21
  2. Rom. 5, 12
  3. 1 Cor. 10, 4
  4. Col. 3, 1, 2
  5. Jn. 5, 46