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égale à la Lumière, et qui en vient, ne sont ensemble qu’une seule et même Lumière, et non pas deux Lumières.
6. Si nous avons bien compris, que Dieu en soit loué ; si quelqu’un n’a pas parfaitement saisi ces vérités, il est allé aussi loin que les forces humaines le lui ont permis, et il doit considérer ce qui surpasse son intelligence, comme l’objet de ses espérances immortelles. Pareils à des ouvriers, nous pouvons bien extérieurement planter et arroser ; mais à Dieu seul il appartient de donner l’accroissement [1]. « Ma doctrine », dit le Sauveur, « ne vient pas de moi, mais de Celui qui m’a envoyé ». Qu’il écoute le conseil du Maître, celui qui dit : Je n’ai pas compris. Car, après avoir dit cette grande et mystérieuse chose, le Sauveur Jésus vit bien que tous ne saisiraient pas un enseignement aussi profond ; il leur donna donc immédiatement un conseil. Veux-tu comprendre ? Aie la foi ; car le Seigneur a dit par la bouche du Prophète : « Si vous ne croyez, vous ne comprendrez point[2] ». À cela revient ce qu’ajouta ensuite le Sauveur : « Si quelqu’un veut faire la volonté de Dieu, il saura de ma doctrine si elle vient de Dieu, ou si je parle de moi-même ». Qu’est-ce que cela : « Si quelqu’un veut faire la volonté de Dieu ? » Moi j’avais dit : Si quelqu’un croit, et j’avais conseillé de croire. Si tu n’as pas compris, je le répète, aie la foi ; car l’intelligence est la récompense de la foi. Ne cherche donc pas à comprendre, afin de croire ; mais crois, afin de comprendre, parce que « si vous ne croyez, vous ne comprendrez pas ». Pour vous rendre capables de comprendre, je vous avais indiqué, comme moyen, l’obéissance de la foi, et j’avais dit que le Sauveur Jésus nous a recommandé le même moyen, dans la phrase suivante ; et néanmoins nous l’entendons nous dire : « Si quelqu’un veut faire la volonté de Dieu, il saura de ma doctrine ». « Il saura », c’est-à-dire il comprendra ; et ces paroles : « Si quelqu’un veut faire la volonté de Dieu », signifient : Si quelqu’un veut croire. Mais puisque ces mots : « Il saura », veulent dire comprendre, tous comprennent ; et ces autres : « Si quelqu’un veut faire la volonté de Dieu », signifiant la même chose que croire, nous avons besoin, pour mieux comprendre, que Notre-Seigneur lui-même nous instruise ; il faut qu’il nous dise si réellement l’accomplissement de la volonté de son Père est corrélatif à la foi. Quelqu’un ignore-t-il qu’accomplir la volonté de Dieu, c’est faire son œuvre, ou, en d’autres termes, ce qui lui plaît ? Le Sauveur dit formellement ailleurs : « C’est l’œuvre de Dieu que vous croyiez en Celui qui m’a envoyé [3] ». « Que vous croyiez en lui », et non pas que vous croyiez à lui. Si vous croyez en lui, croyez à lui ; mais quiconque croit à lui, ne croit pas par cela même en lui ; car les démons croyaient à lui sans croire en lui. Nous pouvons, de même, dire de son Apôtre : Nous croyons à Paul, et non pas, nous croyons en Paul : nous croyons à Pierre, et non, nous croyons en Pierre. « Lorsqu’un homme croit en celui qui justifie le pécheur, sa foi lui est imputée à justice[4] ». Qu’est-ce donc que croire en lui ? C’est l’aimer, c’est le chérir, c’est tendre vers lui, c’est s’incorporer à ses membres, et tout cela, par la foi. La foi, voilà donc ce que Dieu exige de nous, et voilà, néanmoins, ce qu’il ne peut trouver en nous, à moins qu’il ne l’y mette lui-même par sa grâce. De quelle foi est-il ici question, sinon de celle dont l’Apôtre a si bien tracé le caractère, quand il a dit : « La circoncision et l’incirconcision ne servent de rien ; la foi seule qui agit par la charité, sert à quelque chose[5] ». Il ne s’agit pas d’une foi quelconque, mais de celle « qui agit par la charité ». Puisse-t-elle se trouver en toi, et tu auras l’intelligence de sa doctrine. Que comprendras-tu ? Que « cette doctrine n’est pas la mienne, mais qu’elle vient de Celui qui m’a envoyé » ; en d’autres termes, tu sauras que le Christ est le Fils de Dieu, qu’il est la doctrine du Père ; il n’est pas à lui-même son principe, mais il est le Fils de Dieu.
7. Cette parole renverse de fond en comble l’hérésie de Sabellius. Les Sabelliens ont osé dire que le Fils n’était autre que le Père : ce sont deux noms différents appliqués à une seule et même chose. S’il n’y avait qu’une seule personne désignée sous deux noms, il ne serait pas dit : « Ma doctrine ne vient pas de moi ». Certes, Seigneur, si votre doctrine ne vient pas de vous, et s’il n’existe pas une autre personne dont elle émane, de qui vient-elle ? Ce que vous avez dit, les Sabelliens ne l’ont pas compris : au lieu de reconnaître

  1. 1 Cor. 3, 6
  2. Isa. 7, 9, suiv. les Septante
  3. Jn. 6, 29
  4. Rom. 15, 5
  5. Gal. 5, 6