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titre dans l’Église ne leur est utile, parce qu’ils déchirent l’unité, c’est-à-dire la tunique de la charité, figurée par celle du Sauveur. Que font-ils ? Plusieurs d’entre eux sont de beaux diseurs, ils ont de grandes langues, ils versent des torrents de paroles. Parlent-ils aussi bien que les anges ? Qu’ils écoutent un ami de l’époux, ami jaloux pour le compte de l’époux, et non pour lui-même : « Quand je parlerais le langage des hommes et des anges, si je n’ai pas la charité, je suis comme un airain sonnant ou une cymbale retentissante ».
16. Mais, disent-ils, nous avons le baptême. Tu en as un, mais il n’est pas le tien. Autre chose est de l’avoir, autre chose est d’en avoir la propriété. Tu as le baptême, parce que tu as été baptisé ; tu as le baptême et ses lumières, si toutefois tu ne les éteins pas volontairement sous les ténèbres ; et quand tu le donnes, tu le donnes parce que tu en es le ministre et non le maître, tu es un héraut et non un juge. Un juge parle toujours par l’organe de son héraut ; pourtant les actes publics ne portent jamais : Le héraut a dit ; mais : Le juge a dit. C’est pourquoi, vois si ce que tu donnes t’appartient en propre en vertu d’un pouvoir inhérent à ta personne. Puisque tu as reçu le pouvoir de le donner, confesse donc avec l’ami de l’époux que « l’homme ne peut rien recevoir qui ne lui ait été donné du ciel » ; et aussi que « celui qui a l’épouse est l’époux, mais que l’ami de l’époux se tient debout et l’écoute ». Plaise à Dieu que tu te tiennes debout pour l’écouter, et que tu ne tombes pas pour avoir voulu t’écouter toi-même ! En écoutant tu serais debout et tu entendrais ; mais tu parles, et ta tête se gonfle d’orgueil. Pour moi, dit l’Église, parce que je suis son épouse, puisque j’ai reçu de lui des arrhes et que j’ai été rachetée au prix de son sang, j’écoute sa voix, j’écoute aussi la voix de l’ami de l’époux, si c’est à l’époux qu’il rend gloire et non à lui-même. Que cet ami dise donc : « Celui qui a l’épouse est l’époux ; pour l’ami de l’époux, il se tient debout et l’écoute, et il est rempli de joie parce qu’il entend sa voix ». Oui, tu as les sacrements, et j’en conviens : tu as l’apparence d’un sarment, mais tu es séparé du cep ; tu ressembles à un pied de vigne, mais je voudrais voir ses racines ; si les racines lui manquent, jamais le cep ne produira de raisins. Et quelles sont ces racines, si ce n’est la charité ? Écoute Paul : il va te montrer un sarment, mais un sarment sans racines : « Quand même je connaîtrais tous les mystères, quand j’aurais le don de prophétie, quand j’aurais toute la foi possible » (qu’une pareille foi serait grande !) « jusqu’à transporter les montagnes, si je n’ai pas la charité, je ne suis rien [1] ».
17. Que personne ne vienne donc vous débiter ces fables : Ponce a fait un miracle, Donat a prié, et Dieu lui a répondu du haut du ciel. D’abord, ceux qui parlent ainsi ou sont trompés ou vous trompent. Supposons encore qu’ils transportent les montagnes ; mais rappelons-nous les paroles de Paul : « Si je n’ai pas la charité, je ne suis rien ». Voyons si Ponce ou Donat a eu la charité ; je le croirais s’il n’avait pas rompu l’unité. Mon Dieu m’a précautionné contre ces faiseurs de miracles, si je puis m’exprimer ainsi, lorsqu’il a dit : « Dans les derniers temps s’élèveront des faux prophètes qui feront des miracles et des prodiges de manière à induire en erreur les élus eux-mêmes, si la chose était possible : « voici que je vous l’ai prédit[2] ». L’époux nous a donc mis sur nos gardes, afin que nous ne soyons pas trompés même par des miracles. Il arrive quelquefois qu’un déserteur suffit à faire peur à un paysan ; mais s’il est dans un camp, peut-il se prévaloir des insignes dont il est revêtu ? Non ; car il y a là pour l’examiner des gens qui ne veulent se laisser ni effrayer, ni séduire. Attachons-nous donc à l’unité, mes frères ; car en dehors de l’unité celui même qui fait des miracles n’est rien. Le peuple juif se trouvait dans l’unité, et néanmoins il n’opérait pas de miracles ; les magiciens de Pharaon étaient hors de l’unité, ce qui ne les empêchait pas de faire des miracles comme en faisait Moïse[3]. Je l’ai dit : il n’y en a pas eu d’opérés par le peuple juif. Lesquels ont été sauvés par Dieu ? Ceux qui faisaient des miracles ou ceux qui n’en faisaient pas ? L’apôtre Pierre a ressuscité un mort[4]. Simon le Magicien a opéré plusieurs prestiges[5] : il y avait alors un grand nombre de fidèles incapables de faire les miracles de Pierre et les prodiges de Simon. Cependant ils ne laissaient pas de se réjouir et pourquoi ? Parce que leurs noms étaient écrits dans le

  1. 1 Cor. 13, 1-2
  2. Mc. 13, 22-23
  3. Ex. 7, 12, 22 ; 8, 7
  4. Act. 9, 40
  5. Id. 8, 10