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Pourquoi me dire : « Maître, celui qui était avec toi au-delà du Jourdain, et à qui tu as rendu témoignage ? » Vous savez donc quel est le témoignage que je lui ai rendu. Vous dirai-je, maintenant, qu’il n’est pas celui que je vous ai dit ? Moi qui ai reçu du ciel le privilège d’être quelque chose, vous me prenez donc pour rien, puisque vous voulez que je parle contre la vérité ? « L’homme ne peut rien recevoir qu’il ne lui ait été donné du ciel. Vous me rendez vous-mêmes témoignage que je vous ai dit : Je ne suis pas le Christ ». Tu n’es pas le Christ ; mais qui es-tu, puisque tu es plus grand que lui, vu que tu l’as baptisé ? « Je suis son envoyé » : moi je suis le héraut, lui est le juge.
10. Mais écoute tin témoignage beaucoup plus fort et plus exprès. Voyez donc de quoi il s’agit pour nous, voyez ce que nous devons aimer. Remarquez – le bien : aimer un homme à la place de Jésus-Christ, c’est commettre un adultère. Pourquoi m’exprimé-je ainsi ? Faisons attention à la réponse de Jean. On pouvait se tromper à son endroit, on pouvait le prendre pour ce qu’il n’était pas ; il rejette loin de lui l’honneur qui ne lui est pas dû, pour s’attacher à la Pierre solide de la vérité. À l’entendre, qui est le Christ ? Qu’est-il lui-même ? « Celui qui a l’épouse est l’époux ». Soyez chastes, aimez l’époux. Mais, qui êtes-vous, vous qui nous dites : « Celui qui a l’épouse est l’époux ? Pour l’ami de l’époux, qui se tient debout et qui l’écoute, il est rempli de joie parce qu’il entend la voix de l’épouse ». Le Seigneur notre Dieu, qui sait les pensées de mon cœur et l’abondance des gémissements dont il est plein, m’aidera à vous dire ma douleur. Mais, je vous en conjure par ce même Jésus-Christ, suppléez par la pensée à ce que je ne pourrai dire ; car, je le sens, mes paroles ne sauraient exprimer l’amertume de mes peines. En effet, je vois beaucoup de ces adultères qui veulent posséder l’épouse que le Seigneur a rachetée à un si haut prix, qu’il a aimée en dépit de sa laideur, pour la rendre toute belle, qu’il a délivrée, qu’il a richement ornée. Je les vois employer tous les artifices de la parole pour se faire aimer aux dépens (le l’époux. C’est de l’époux que Jean a dit : « Voilà celui qui baptise [1] ». Qui ose s’avancer et dire : C’est moi qui baptise ? Qui ose s’avancer et dire : C’est ce que je donne qui est saint ; il serait avantageux pour toi d’être régénéré par moi ? Écoutons l’ami de l’époux, au lieu d’écouter les adultères ; Écoutons celui qui montre du zèle, mais pour un autre que pour lui-même.
11. Mes frères, retournez par la pensée dans vos maisons. Je vous parle d’une manière charnelle et terrestre, je vous parle humainement à cause de la faiblesse de votre chair [2]. Plusieurs d’entre vous sont mariés, plusieurs veulent l’être, plusieurs qui ne le voudraient pas le sont ; plusieurs qui ne consentiraient jamais à avoir de femmes doivent leur naissance à celles qu’ont épousées leurs pères, Enfin il n’y a pas de cœur à l’abri d’affections de cette nature ; il n’y a aucun homme, assez différent des autres hommes dans l’appréciation des choses humaines, pour ne pas sentir ce que je vais dire. Supposez donc qu’un mari, partant pour un voyage lointain, recommande sa femme à son ami. Tu es mon ami, lui dit-il, veille, je te prie, à ce que pendant mon absence elle n’en aime point d’autre que moi. Cet homme chargé de veiller sur la fiancée ou l’épouse de son ami, s’occupe soigneusement de ne lui en laisser aimer aucun autre ; mais il s’arrange de façon à se faire aimer lui-même, et à obtenir les bonnes grâces de celle qui lui a été confiée ; ne le jugera-t-on pas digne de l’exécration de tout l’univers ? Qu’il la voie regarder trop hardi ment un homme par la fenêtre ou badiner avec lui, vite il s’y oppose ; quel zèle jaloux il y met ! Je le vois empressé, mais je voudrais savoir au profit de qui il déploie tout ce zèle, Est-ce pour son ami absent ? Est-ce pour lui-même ? Appliquez ceci à Notre-Seigneur Jésus-Christ. Il a confié son épouse à son ami, et il est parti dans une région lointaine pour prendre possession d’un royaume, comme il le dit lui-même dans son Évangile[3]. Toutefois il ne cesse pas d’être présent par sa majesté. On peut tromper l’ami qui voyage au-delà des mers ; néanmoins, malheur à celui qui le trompe ! Mais pourquoi essayer de tromper Dieu, Dieu qui voit le fond des cœurs et qui en sonde tous les replis ? Voici cependant un hérétique qui dit : C’est moi qui donne le baptême, c’est moi qui sanctifie, c’est moi qui justifie. Je ne prétends pas que tu iras à un autre, montre un zèle ardent, j’en conviens ; mais vois au profit de qui. S’il

  1. Jn. 1, 33
  2. Rom. 6, 19
  3. Lc. 19, 12