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frères les enfants d’un même père et d’une même mère, ou d’une même mère, ou d’un même père, quoique d’une mère différente, et les cousins germains, enfants à degré égal, de deux frères ou de deux sœurs ; mais ils ne sont pas seuls à être appelés frères par l’Écriture. Comme elle parle, il faut la comprendre. Elle a sa manière de parler ; quiconque ne la saisit pas) se trouble et dit Comment ? Jésus-Christ a eu des frères ? Marie a-t-elle mis au monde d’autres enfants ? Non : c’est de là qu’est venue la dignité des vierges. Marie a pu être mère, elle n’a pu être femme. Si on lui a donné ce nom, c’est en raison de son sexe, et non à cause de la perte de son intégrité virginale. On le lui a donné d’après la manière de s’exprimer propre à l’Écriture même. Vous le savez, Adam n’a pas connu Eve aussitôt après qu’elle a été formée d’une de ses côtes, et pourtant elle a porté le nom de femme, immédiatement après sa création ; « et de cette côte il forma une femme [1] ». Quels étaient donc ces frères du Seigneur ? C’étaient les parents de Marie, n’importe à quel degré. Comment le prouvons-nous ? Par l’Écriture. Loth a été appelé frère d’Abraham[2] ; or, il était le fils de son frère. Lis l’Écriture, et tu verras qu’Abraham était l’oncle paternel de Loth [3] ; cependant ils ont été appelés frères. Pour quelle raison, si ce n’est à cause de leur parenté. De même Jacob avait pour oncle maternel Laban, le Syrien ; en effet, Laban était frère de la mère de Jacob, c’est-à-dire de Rébecca, femme d’Isaac[4]. Lis l’Écriture, et tu verras que l’oncle et le fils de sa sœur sont appelés frères [5]. Cette règle établie, tu comprendras que tous les parents de Marie étaient les frères de Jésus-Christ.
3. Mais ses disciples pouvaient plus justement encore être appelés ses frères. En effet, ses parents n’auraient pas été ses frères, s’ils n’avaient été ses disciples, ou ce titre de frère ne leur aurait servi de rien, si dans leur frère ils n’avaient reconnu leur maître. Aussi, un jour qu’il s’entretenait avec ses disciples, on vint à l’endroit où il se trouvait, pour lui annoncer que sa mère et ses frères l’attendaient dehors ; « ma mère », dit-il, « et qui sont mes frères ? Puis étendant la main sur ses disciples : Voici mes frères. Et quiconque fait la volonté de mon Père, celui-là est ma mère, mon frère et ma sœur [6] ». Ainsi Marie elle-même a été sa mère, parce qu’elle a fait la volonté du Père. Ce que le Seigneur a loué en elle, c’est d’avoir fait la volonté du Père, et non pas de l’avoir enfanté selon la chair. Que votre charité soit attentive. Le Sauveur excitait un jour l’admiration de la multitude par les merveilles et les prodiges qu’il opérait, par les preuves qu’il donnait de sa divinité cachée sous les apparences d’un homme. Aussi certaines âmes émerveillées s’écrièrent-elles : « Heureux le sein qui vous a porté ». « Bien plus heureux », reprit-il, « ceux qui écoutent la parole de Dieu et la mettent en pratique [7] ». C’était dire : Ma Mère elle-même, que vous appelez bienheureuse, l’est en raison de la fidélité avec laquelle elle garde la parole de Dieu, et non parce que le Verbe s’est fait chair en elle, pour habiter parmi nous [8]. Elle est heureuse parce qu’elle garde cette Parole de Dieu par qui elle a été faite et qui s’est faite chair en elle. Que les hommes ne se réjouissent donc pas de la fécondité de leur union temporelle, qu’ils se réjouissent si leur âme est unie à Dieu. Nous avons ainsi parlé à cause de ce passage de l’Évangile où il est dit que Jésus habita peu de temps à Capharnaüm avec sa mère, ses frères et ses disciples.
4. Que dit ensuite l’Évangéliste ? « La Pâque des Juifs était proche, et Jésus monta à Jérusalem ». L’Évangéliste passe à un autre récit, selon que sa mémoire le lui fournit. « Et ayant trouvé dans le temple des gens qui vendaient des bœufs, des brebis et des colombes et des changeurs assis, il fit un fouet avec des cordes et les chassa tous du temple, ainsi que les moutons et les bœufs ; il répandit par terre l’argent des changeurs et renversa leurs tables, et il dit à ceux qui vendaient des colombes : Ôtez tout cela d’ici, et ne faites pas de la maison de mon Père une maison de trafic ». Que venons-nous d’entendre, mes frères ? Ce temple n’était qu’une figure, et cependant le Seigneur en chasse tous ceux qui n’y venaient que pour leurs intérêts, qui s’y rendaient comme à un marché. Cependant, qu’y vendaient-ils ? Ce dont les hommes avaient besoin pour les sacrifices de ce temps-là. Car votre charité ne l’ignore pas ; afin d’empêcher les Juifs de se laisser entraîner au culte des idoles, Dieu

  1. Gen. 2, 22
  2. Id. 13, 8 ; 14, 14
  3. Id. 11, 21, 31
  4. Id. 28, 2
  5. Id. 29, 12-15
  6. Mt. 12, 46-50
  7. Lc. 11, 27-28
  8. Jn. 1, 14