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pour nous. Comme nous admirons les œuvres de Jésus-Christ homme, admirons les œuvres de Jésus-Christ Dieu, Par Jésus-Christ Dieu ont été faits le ciel et la terre, la mer, toute la parure des cieux, la richesse de la terre, la fécondité de la mer ; en un mot, tout ce qui s’étale à nos regards, c’est Jésus-Christ Dieu qui l’a fait. Nous le voyons, et si l’esprit de Jésus-Christ se trouve en nous, la joie que nous cause un pareil spectacle nous anime et nous porte à en louer l’auteur, et ainsi nous ne nous tournons pas tellement vers l’œuvre, que nous nous détournions de l’ouvrier ; nous n’appliquons pas notre visage à l’ouvrage, au point de tourner le dos à celui qui l’a fait.
2. Toutes ces merveilles, nous les voyons, elles sont exposées à nos regards ; mais que dire de ce que nous ne voyons pas, des Anges, des Vertus, des Puissances, des Dominations et de tous les habitants de cette demeure céleste que nos yeux ne peuvent contempler ? Les Anges, quand il l’a fallu, se sont néanmoins souvent montrés aux hommes. N’est-ce point par sou Verbe, c’est-à-dire par son Fils unique Jésus-Christ Notre-Seigneur, que Dieu a fait toutes ces créatures ? Que dire de l’âme humaine, invisible aux yeux du corps, mais qui par les œuvres qu’elle opère dans son corps offre un merveilleux spectacle aux yeux de ceux qui savent y être attentifs ? Qui est-ce qui l’a créée ? N’est-ce pas Dieu ? Et par qui a-t-elle été faite, sinon par son Fils ? Mais je ne parle pas encore de l’âme humaine. Quel empire l’âme de n’importe quelle bête n’exerce-t-elle pas sur la matière de son corps ? Elle met en mouvement tous ses sens, ses yeux pour voir, ses oreilles pour entendre, ses narines pour percevoir les parfums, son palais pour discerner les saveurs, tous ses membres enfin, pour faire remplir à chacun d’eux son office particulier. Est-ce le corps, ou plutôt, n’est-ce pas l’âme, c’est-à-dire, l’habitant du corps qui fait tout cela ? Cependant elle demeure invisible, mais par ce qu’elle fait elle excite l’admiration. Considère maintenant l’âme de l’homme elle-même, cette âme douée par Dieu d’intelligence pour connaître son Créateur, pour distinguer et discerner le bien du mal, c’est-à-dire, le juste de l’injuste. Que ne fait-elle point par l’intermédiaire du corps ? Voyez comme toutes les parties de l’univers sont admirablement coordonnées dans la république des hommes ! Quelle organisation des gouvernements ! Quelle hiérarchie dans les pouvoirs, quels agencements dans la constitution des villes ; quelles lois, quelles mœurs, quels arts ! C’est l’âme qui dirige tout cet ensemble de choses, et pourtant, cette puissance de direction qu’elle exerce, personne ne la voit. Retirez-la du corps, il ne reste plus qu’un cadavre ; laissez-la dans le corps, sa première action est d’en relever, en quelque sorte, le mauvais goût. Car la chair est sujette à se corrompre ; elle tombe en pourriture à moins que l’âme, pareille à un assaisonnement, n’en retarde la putréfaction. Ce privilège, l’âme des bêtes le partage avec elle ; mais bien autrement admirables sont les facultés spéciales de l’homme, dont j’ai parlé, qui découlent de son esprit et de son intelligence et par lesquelles il renouvelle en lui les traits du Créateur, à l’image de qui il a été formé [1]. Quelle sera la puissance de l’âme, lorsque le corps aura revêtu l’incorruptibilité et que, de mortel, il sera devenu immortel [2] ? Si l’âme peut faire de si grandes choses au moyen d’une chair corruptible, que ne pourra-t-elle pas faire après la résurrection des morts avec un corps spiritualisé ? Cette âme, comme je l’ai dit, si merveilleuse par sa nature et sa substance, est néanmoins invisible a des yeux autres que ceux de l’intelligence ; toutefois elle a été faite par Jésus-Christ Dieu, parce qu’il est le Verbe de Dieu, car toutes choses ont été faites par lui, sans lui rien n’a été fait [3].
3. Puisque nous voyons de si grandes choses faites par Jésus-Christ Dieu, y a-t-il rien d’étonnant à ce que l’eau ait été changée en vin par Jésus-Christ homme ? Aussi bien, il ne s’est pas fait homme pour perdre ce qu’il était comme Dieu : l’humanité s’est approchée de lui, la divinité n’en a pas été éloignée. Celui qui a fait ce miracle est donc le même qui a fait toutes choses. Par conséquent, ne soyons pas surpris que Dieu ait fait ce prodige, mais aimons-le parce qu’il l’a fait parmi nous et pour notre salut. D’ailleurs ses actions mêmes ont un but ; celui de nous instruire. Selon moi, il n’est pas venu à ces noces sans motif. Indépendamment du miracle, cette action de Notre-Seigneur cache un secret et un mystère. Frappons à la porte, afin

  1. Col. 3, 10
  2. 1 Cor. 15, 53, 51
  3. Jn. 1, 3