Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome X.djvu/344

Cette page n’a pas encore été corrigée

de Dieu ? Interroge l’Évangile : « Bienheureux ceux qui ont le cœur pur, parce qu’ils verront Dieu [1] ». Des hommes se sont rencontrés qui, déçus par la vanité de leur cœur, ont dit : Le Père est invisible, mais le fils est visible. En quoi visible ? Si c’est en sa chair, puisqu’il a pris un corps, cela est manifeste. Car de ceux qui ont vu Jésus-Christ en sa chair, quelques-uns ont cru en lui, d’autres l’ont crucifié. Et parmi ceux qui ont cru, il en est dont la foi a chancelé à l’heure de son crucifiement ; et si après sa résurrection ils ne l’avaient touché de leurs mains, la foi ne leur serait pas revenue. Si donc, c’est à cause de la chair que le Fils est visible, nous l’accordons, et c’est la foi de l’Église catholique ; mais si, comme ils disent, le Fils était visible avant sa chair, ou, en d’autres termes, avant son incarnation, leur folie est grande ; grande est leur erreur. Car ces représentations corporelles se faisaient par le moyen de la créature pour donner une idée de Dieu ; elles ne montraient, ni ne manifestaient sa substance. Voici qui vous le fera exactement entendre, que votre charité l’écoute avec attention. La sagesse de Dieu ne peut être vue par les yeux. Mes frères, si Jésus-Christ est la sagesse de Dieu, s’il est la vertu de Dieu [2], s’il est le Verbe de Dieu, la parole de l’homme ne pouvant être vue par les yeux, comment la parole de Dieu le pourrait-elle ?
19. Chassez donc de vos cœurs toute pensée charnelle à cet égard, afin d’être vraiment sous l’empire de la grâce et d’appartenir au Nouveau Testament ; c’est pour cela que dans le Nouveau Testament est promise la vie éternelle. Lisez l’Ancien Testament. Alors le peuple était encore charnel, et pourtant on lui avait imposé des obligations pareilles aux nôtres. Car, nous aussi, nous avons reçu l’ordre d’adorer un seul Dieu : « Ne prends pas le nom de Dieu en vain » ; on nous le commande comme à eux. C’est le second précepte. « Observe le jour du sabbat ». Ce précepte est plus étendu pour nous, parce qu’il nous est ordonné de l’observer selon l’esprit. Car les Juifs observaient servilement le jour du sabbat, l’employant à l’ivrognerie et à la débauche. Leurs femmes n’auraient-elles pas mieux fait, ce jour-là, de travailler leur laine que de danser sur la terrasse de leurs maisons ? Loin de nous, mes frères, la pensée de dire que par là ils observaient le sabbat. Pour le chrétien, observer le sabbat selon l’esprit, c’est s’abstenir de toute œuvre servile. Qu’est. ce s’abstenir de toute œuvre servile ? C’est se préserver du péché. Et comment le pouvons-nous ? Interroge Notre-Seigneur : « Tout homme qui fait le péché est l’esclave du péché[3] ». Il nous est donc commandé d’observer le sabbat selon l’esprit. Quant aux autres préceptes, ils s’adressent à nous encore plus qu’aux Juifs, et nous devons les observer plus parfaitement qu’eux : « Vous ne tuerez pas. Vous ne commettrez pas de fornication, d’adultère ; vous ne déroberez pas ; vous ne direz pas de faux témoignage ; honorez votre père et votre mère ; vous ne désirerez pas le bien de votre prochain ; vous ne désirerez pas la femme de votre prochain [4] ». Tout cela ne nous est-il pas aussi commandé ? Mais si tu cherches à savoir quelle récompense était promise à l’observation de la loi, tu verras qu’il y est dit : « Afin que tes ennemis soient chassés de ta présence et que tu entres en possession de la terre promise par Dieu à tes pères[5] ». Comme ils étaient incapables d’apprécier les biens invisibles, on les retenait par la promesse des biens matériels. Pourquoi ? Pour les empêcher de périr tout à fait et d’en venir à adorer les idoles. Néanmoins, mes frères, ils l’ont fait, comme nous le lisons, se montrant ainsi oublieux de tant de merveilles opérées par Dieu sous leurs yeux. La mer s’est séparée en deux à leur approche, un chemin leur a été frayé au milieu des flots, les ennemis accourus à leur poursuite ont été engloutis sous ces mêmes flots qui leur avaient livré passage [6], et quand Moïse, l’homme de Dieu, a disparu à leurs regards, ils ont réclamé une idole et ils ont dit : « Fais-nous des dieux qui marchent devant nous, puisque cet homme nous a quittés ». Toute leur espérance était fondée sur un homme, et non sur Dieu. Cet homme fût-il mort, le Dieu qui les avait tirés de la terre d’Égypte était-il mort aussi ? Lorsqu’ils se furent fait l’image d’un veau, ils l’adorèrent en disant : « O Israël, voici tes dieux, les dieux qui t’ont délivré de la terre d’Égypte[7] ». Combien peu de temps il leur a fallu pour oublier

  1. Mt. 5, 8
  2. 1 Cor. 1, 24
  3. Jn. 8, 34
  4. Ex. 20, 3, 17
  5. Lev. 26, 1, 13
  6. Ex. 14, 21-31
  7. Id. 32, 1-4