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loi retenait les hommes dans le péché. En effet, que dit l’Apôtre ? « La loi est survenue pour faire abonder le péché[1] ». L’abondance du péché, voilà le bénéfice des orgueilleux ; car les hommes se donnaient beaucoup à eux-mêmes, ils attribuaient beaucoup à leurs forces, et ils étaient incapables, cependant, d’accomplir la justice sans le secours de Celui qui l’avait commandée. Pour dompter leur orgueil, Dieu leur a donné la loi comme pour leur dire : Tenez, accomplissez-la et ne vous imaginez pas que vous n’avez pas de maître ce qui manque, ce n’est pas celui qui commandera, c’est celui qui obéira.
12. Que si l’homme manque pour accomplir la loi, pourquoi ne l’accomplit-il pas ? parce qu’il est né esclave du péché et de la mort. Issu d’Adam, il traîne avec soi ce qu’il a puisé à cette source empoisonnée ; le premier homme est tombé, et tous ceux qui sont nés de lui en ont hérité la concupiscence de la chair. Il fallait qu’un autre homme vînt au monde, qui ne traînât à sa suite aucune concupiscence. Il y a donc un homme et un homme. Un homme pour la mort, et un homme pour la vie. Ainsi parle l’Apôtre : « Comme la mort est par un homme, par un homme aussi la résurrection des morts ». Par quel homme la mort, par quel homme la résurrection des morts ? Patience, l’Apôtre continue et ajoute : « Comme tous meurent en Adam, ainsi tous seront vivifiés en Jésus-Christ[2] » Qui sont ceux qui appartiennent à Adam ? Tous ceux qui sont nés d’Adam. Qui sont ceux qui appartiennent à Jésus-Christ ? Tous ceux qui sont nés par Jésus-Christ. Pourquoi tous les hommes naissent-ils dans le péché ? Parce qu’il n’en est aucun qui ne soit né d’Adam. Mais naître d’Adam, c’est le résultat de la nécessité imposée par sentence divine ; naître de Jésus-Christ, c’est l’effet de la volonté et de la grâce. Les hommes ne sont pas contraints de naître par Jésus-Christ. Ce n’est pas leur volonté qui les a fait naître d’Adam ; tous ceux, cependant, qui sont nés d’Adam, sont nés avec le péché et sont pécheurs ; tous ceux qui naissent par Jésus-Christ, naissent justifiés et justes, non en eux-mêmes, mais en lui. Car, si tu les considères en eux-mêmes, ils sont d’Adam ; si tu les considères par rapport au Christ, ils sont de lui. Comment cela ? Parce que notre chef, Jésus-Christ Notre-Seigneur, est venu sans l’héritage du péché, bien qu’il soit venu avec un corps.
13. Chez les pécheurs, la mort était un châtiment ; en Jésus-Christ, elle était non la punition du péché, mais la preuve de sa généreuse miséricorde. Car il n’y avait rien en Jésus-Christ qui pût lui faire mériter la mort. Il le dit lui-même : « Voici que vient le prince de ce monde, et il ne trouvera rien en moi ». Pourquoi donc mourez-vous ? « Mais pour que tous connaissent que je fais la volonté de mon Père, levez-vous, sortons d’ici[3] ». Il n’y avait rien en lui qui pût lui faire mériter la mort, et néanmoins il est mort ; et toi, qui as mérité de mourir, tu refuses de le faire. Consens à souffrir de bon cœur, puisque tu l’as mérité, ce qu’il a bien voulu endurer lui-même pour te délivrer de la mort éternelle. Il y a donc un homme et un homme. Mais l’un n’est que cela, l’autre est Dieu et homme tout ensemble. L’un est l’homme du péché, l’autre est l’homme de la justice. Tu es mort en Adam, ressuscité en Jésus-Christ ; car, de part et d’autre, voilà ton lot. Tu crois déjà en Jésus-Christ, tu paieras cependant la dette que tu as contractée en Adam. Mais le péché ne te retiendra pas à jamais captif, parce qu’en mourant dans le temps, Notre-Seigneur a tué en toi la mort éternelle. C’est là, mes frères, la grâce ; c’est là aussi la vérité : parce qu’il y a eu une promesse et qu’elle a été exécutée.
14. Elle n’existait pas dans l’Ancien Testament. La loi y faisait des menaces aux hommes, mais ne leur venait pas en aide ; elle ordonnait, mais ne guérissait pas ; elle montrait la maladie, mais n’apportait pas le remède. Cependant elle frayait par là le chemin au médecin qui devait venir avec la grâce et la vérité. Ainsi fait un médecin qui, voulant guérir un malade, lui envoie d’abord son serviteur afin de le trouver lié quand il viendra lui-même. L’homme était malade, il ne voulait pas la guérison, et pour ne pas se laisser guérir, il se vantait d’être en santé. La loi lui a été envoyée, elle l’a lié, il se trouve coupable, et du milieu de ses entraves il crie déjà. Notre-Seigneur vient : il le guérit au moyen de remèdes parfois âcres et amers. Patience, dit-il au malade, courage ; n’aime pas le monde ; point d’emportement : que le feu de la continence te guérisse ; que le fer des persécutions

  1. Rom. 5, 20
  2. 1 Cor. 15, 21-22
  3. Jn. 14, 30, 31