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de l’aimer pour votre propre avantage, et non pour le sien ; car ne point l’aimer serait nuisible pour vous et non pour lui. Dieu, en effet, n’en aura pas moins la divinité, quand l’homme n’aurait point pour lui la charité. C’est toi qui trouves ton avantage en Dieu, et non Dieu en toi ; et néanmoins le premier[1], et avant que nous l’eussions aimé, il nous a aimés jusqu’à envoyer son Fils unique à la mort pour nous[2]. Celui qui nous a faits a voulu être fait parmi nous. Comment nous a-t-il faits ? « Tout a été fait par lui, et sans lui rien n’a été fait[3] ». Comment a-t-il été fait parmi nous ? « Et le Verbe s’est fait chair, et a demeuré parmi nous[4] ». C’est donc en lui que nous devons nous réjouir. Que nul ne s’arroge ce qui vient de Dieu seul ; c’est de lui que nous vient la joie qui fait notre bonheur. « Qu’Israël se réjouisse en celui qui l’a fait ».
5. « Et que les fils de Sion tressaillent dans leur roi ». Cet Israël, ce sont les enfants de l’Église. Car Sion fut en effet une ville qui tomba : et dans ses restes habitaient quelques saints pour un temps ; mais il est une véritable Sion, une véritable Jérusalem, car Sion est la même que cette Jérusalem qui subsistera éternellement dans le ciel, et qui est notre mère[5]. C’est elle qui nous a engendrés, elle qui est l’Église des saints, en partie dans l’exil, mais en bien plus grande partie dans le ciel. Cette partie qui est dans le ciel fait le bonheur des anges, et la partie qui est exilée en ce bas monde, fait l’espérance des justes. C’est de l’une qu’il a été dit « Gloire à Dieu au plus haut des cieux » ; et de l’autre : « Et paix sur la terre aux hommes de bonne volonté[6] ». Que ceux donc qui gémissent en cette vie, qui aspirent à cette patrie céleste, s’élancent par l’amour, et non des pieds du corps, sans chercher des vaisseaux, qu’ils se pourvoient d’ailes, des deux ailes de la charité. Quelles sont les deux ailes de la charité ? L’amour de Dieu et l’amour du prochain[7]. Nous sommes en effet dans l’exil, dans les soupirs, dans les gémissements. Voilà qu’il nous est venu des lettres de la patrie, et nous vous en donnons lecture.
6. « Qu’Israël se réjouisse dans Celui qui l’a fait, que les fils de Sion tressaillent dans leur Roi ». Dire « qui l’a fait » revient à dire leur « roi » ; de même que « Israël » ne dit autre chose que « fils de Sion ». Se réjouir en celui qui l’a fait, c’est se réjouir en son roi. C’est le Fils de Dieu qui vous a faits et qui a été fait parmi nous. Il est le roi qui nous gouverne, parce qu’il est le créateur qui nous a faits. Et celui par qui nous avons été faits, est aussi celui par qui nous sommes conduits ; et nous sommes chrétiens parce qu’il est Christ ; or, il est appelé Christ à cause du chrême ou de l’onction. Les rois[8] recevaient l’onction aussi bien que les prêtres[9] ; et celui-ci a reçu l’onction de roi, de prêtre ; roi, il a combattu pour nous, et prêtre, il s’est offert pour nous. Eu combattant pour nous, il a paru vaincu, bien qu’il fût vainqueur en réalité. Car il a été cloué à la croix et de cette croix qui était son gibet, il a vaincu le diable, et est devenu notre roi. Comment donc est-il prêtre ? Parce qu’il s’est offert pour nous. Donnez au prêtre de quoi offrir. Mais, hélas ! où l’homme trouvera-t-il une victime pure qu’il puisse offrir ? Quelle victime ? Que peut offrir de pur un pécheur ? Homme d’iniquité, impie, tout ce que tu offres est impur, et il faut offrir pour toi une hostie sans tache. Cherche en toi de quoi offrir, tu ne trouveras rien. Cherche ce que tu offrirais de toi-même : ni béliers, ni boucs, ni taureaux ne sont agréables à Dieu. Tout lui appartient quand même tu n’offrirais rien. Offre-lui donc une hostie pure. Mais tu es pécheur, tu es impie, ta conscience est souillée, Peut-être qu’une fois purifié, tu pourras offrir à Dieu une hostie pure ; mais pour devenir pur, il faut offrir une victime pour toi. Que vas-tu donc offrir, afin d’être pur ? Et si tu es pur, tu pourras offrir une hostie pure. Que le prêtre sans tache s’offre donc lui-même afin de te purifier. C’est là ce qu’a fait le Christ. Il n’a trouvé dans les hommes rien de pur qu’il pût offrir pour les hommes, et il s’est offert comme une victime sans tache. Bienheureuse victime, véritable victime, victime sans tache. Ce n’est donc point ce qu’il a pris en nous qu’il a offert, ou plutôt il a offert ce qu’il tenait de nous, mais il l’a offert purifié. Car c’est cette même chair qu’il tenait de nous qu’il a bien voulu offrir. Mais où l’avait-il prise ? Dans le sein de la Vierge Marie, afin d’offrir cette chair pure, pour ceux qui étaient impurs. IL est donc roi, il est prêtre, mettons en lui notre joie.

  1. Jn. 4,19
  2. Id. 3,16
  3. Id. 1,3
  4. Id. 14
  5. Gal. 4,26
  6. Lc. 2,14
  7. Mt. 22,40
  8. 1 Sa. 10,1 ; 16,13
  9. Exod. 30,30