Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome VIII.djvu/637

Cette page n’a pas encore été corrigée

des hommes, soyez justes dans vos jugements ». En me répondant d’une manière aussi juste, tu parlais donc par respect humain et sans franchise.
3. Mais il en est temps, mes frères ; arrivons, s’il vous plaît, au sujet de ce psaume. Les paroles qu’il renferme sont pleines de douceur : l’Église les connaît parfaitement, parce qu’elles ont souvent retenti à ses oreilles. Ce sont les paroles de Notre-Seigneur Jésus-Christ : ce sont les paroles de tout son corps : ce sont celles de l’Église militante, de cette Église qui voyage comme exilée sur la terre, à travers mille écueils, au milieu d’ennemis qui la flattent et la maudissent. Si tu n’aimes point les adulateurs, tu ne craindras pas davantage ceux qui te feront des menaces. Le Psalmiste a examiné tous les hommes, et il s’est aperçu que tous parlent selon la justice. Qui est-ce qui oserait s’exprimer autrement ? Ne s’exposerait-il pas à passer pour un homme injuste ? Le Prophète semble donc les entendre tous ; on dirait qu’il examine les mouvements de leurs lèvres ; il leur adresse cet avertissement : « Si vous parlez vraiment selon la justice », si vous parlez sincèrement selon la justice, si votre langage ne dément pas les secrètes pensées de votre cœur, « enfants des hommes, soyez justes dans vos jugements ». Écoute l’Évangile, il s’exprime de la même manière que le Psalmiste : « Hypocrites », dit le Sauveur en s’adressant aux Pharisiens, « comment pouvez-vous dire de bonnes choses, puisque vous êtes mauvais ? Ou bien rendez bons l’arbre et ses fruits : ou bien rendez-les mauvais »[1]. Muraille de boue, pourquoi vouloir te blanchir ? Je sais ce que tu es à l’intérieur : tes belles apparences ne me trompent pas. Je sais ce que tu montres : je n’ignore pas davantage ce que tu caches. « Car », suivant le langage de l’Évangile, Jésus-Christ n’avait pas besoin que quelqu’un lui rendît témoignage sur la valeur des hommes, car il savait parfaitement ce qu’il y avait en eux[2] ». « Il n’ignorait pas ce qu’il y avait dans le cœur humain », puisqu’il l’avait créé, qu’il s’était fait homme pour ramener l’homme égaré. Voyez-le donc : n’y a –-t-il pas une liaison surprenante entre toutes ces paroles : « Hypocrites, comment pouvez-vous dire de bonnes choses, puisque vous êtes mauvais ? Si donc vous parlez selon la justice, enfants des hommes, soyez justes dans vos jugements ». Avez-vous tenu le langage de la droiture, quand vous avez dit : « Maître, nous savons que vous êtes juste et que vous ne faites acception de personne[3] ? » Pourquoi votre cœur était-il alors plein de ruse méchante ? Pourquoi, après avoir détruit en vous l’image de votre Créateur, lui présentiez-vous celle de César ? Si l’on a entendu vos paroles, l’expérience a aussi démontré de quelle nature étaient vos jugements ; car, n’avez-vous pas crucifié celui à qui vous donniez le nom de juste ? « Si donc vous parlez vraiment selon la justice, que vos jugements soient justes, ô enfants des hommes ». Pourquoi me dites-vous : « Nous savons que vous êtes juste », puisque je prévois d’avance quel sera votre jugement, puisque vous crierez : « Crucifie-le, crucifie-le ? ». « Si donc vous parlez vraiment selon la justice, enfants des hommes, soyez justes dans vos jugements ». Qu’avez-vous fait, en effet, lorsque vous avez persécuté le Dieu-Homme, et que vous avez mis à mort votre Roi ? De ce que vous l’ayez fait mourir, il ne suivait pas qu’il ne serait pas votre Roi, puisqu’il devait ressusciter. Quand il s’était agi du titre placé sur la croix du Sauveur, et où l’on avait écrit en trois langues différentes, en hébreu, en grec et en latin : « Voici le Roi des Juifs[4] », un juge, qui n’était qu’un homme, avait su répondre : « Ce que j’ai écrit est écrit ». Et Dieu n’aurait pas su dire : Ce que j’ai écrit est écrit ? Oui, il est votre Roi : vivant, il est votre Roi ; crucifié, il est votre Roi ; il est ressuscité, il est remonté au ciel ; et, là encore, il est votre Roi : plus tard, il reviendra, et malheur à vous, car alors il n’aura pas cessé d’être votre Roi. Allez maintenant, parlez selon la justice, et toutefois ne vous mettez pas en peine de juger avec droiture, ô enfants des hommes ! Vous ne voulez pas juger avec droiture : la droiture présidera au jugement qu’on rendra contre vous. Car il vit, votre Roi ; il ne meurt plus : désormais la mort n’exercera plus sur lui son empire[5]. Il vient : « Violateurs de sa loi, rentrez en vous-mêmes[6] ». Il viendra ; corrigez-vous avant sa venue, prévenez son avènement par une humble confession[7]. Il

  1. Mt. 12,34-35
  2. Jn. 2,25
  3. Mt. 21,16
  4. Lc. 23,38
  5. Rom. 6,7
  6. Isa. 46,6
  7. Ps. 94,2