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de nous. Comprenez donc ce que le Prophète a dit en un autre psaume : « L’assemblée a des taureaux », c’est-à-dire des orgueilleux, confiants dans leur force, « au milieu des vaches des peuples ». Qu’appelle-t-il des vaches ? Les âmes faciles à séduire. Et pourquoi cela ? « Afin de faire sortir », de faire paraître ceux qui étaient cachés, « et qui sont a purifiés par l’argent ». Cet argent désigne la parole de Dieu, « Les paroles du Seigneur « sont des paroles pures et chastes ; c’est un argent purifié par le feu, purgé de toutes « les souillures de la terre et épuré sept « fois[1]». Voyez comme l’Apôtre éclaircit ce passage et en fait ressortir le sens caché, « Il faut », dit-il, « qu’il y ait des hérésies, afin que l’on découvre parmi vous ceux qui sont éprouvés[2] ». Que veut dire le mot « éprouvés ? » Il signifie : « Affermis par l’argent », par la parole de Dieu. « Et afin qu’on les découvre ? » Qu’ils sortent. Pourquoi ? À cause des hérétiques. Qu’est-ce à dire ? À cause de « l’assemblée des taureaux, au milieu des vaches des « peuples ». Voilà pourquoi « la colère du visage de Dieu les a divisés » : voilà pourquoi « son cœur s’est approché ».
23. « Ses discours sont plus doux que l’huile : a ils sont perçants comme des flèches ». Certaines paroles de l’Écriture semblaient dures, tant qu’elles n’étaient pas comprises : leur signification une fois saisie, elles ont paru douces à entendre. La première hérésie qui se soit déclarée parmi les disciples du Christ, a pris pour prétexte de son existence la dureté des discours du Sauveur. Il avait dit : « Si quelqu’un ne mange ma chair et ne boit mon sang, il n’aura point la vie en lui ». Ses disciples ne pénétrèrent pas le sens de ses paroles, et ils se dirent les uns aux autres : « Cette parole est dure : qui est-ce qui pourra « l’entendre ? » Us se plaignirent donc de cette dureté de ses discours, et ils se séparèrent de lui : aussi resta-t-il seul avec ses douze apôtres. Ceux-ci lui représentèrent que leurs compagnons avaient été scandalisés de l’entendre : alors il leur répondit : « Voulez-vous aussi me quitter ? Seigneur », dit saint Pierre, « où irions-nous ? Vous avez les paroles « de la vie éternelle[3]». Nous vous en conjurons, soyez attentifs à la leçon de l’Apôtre ; et, comme des enfants, apprenez de lui à être pieux. Est-ce que Pierre saisissait déjà, dans toute son étendue, le sens caché de ce discours de Jésus-Christ ? Non, il ne le saisissait pas, mais il croyait pieusement à la bonté des paroles qu’il ne comprenait pas. Par conséquent, si la parole de Dieu est dure, et qu’elle ne soit pas encore comprise, qu’elle reste dure pour les impies, mais que ta piété l’adoucisse pour toi, parce que, quand tu la comprendras, elle deviendra pareille à l’huile, et pénétrera jusqu’à tes os.
24. Pierre avait vu ses compagnons se scandaliser de la parole divine, trop dure à leur avis, et s’éloigner de lui, et alors il lui avait dit : « Seigneur, vous avez les paroles de la vie a éternelle : à qui pourrions-nous aller ? » Il semblerait que le Prophète est dans les mêmes sentiments que le prince des Apôtres, et qu’il tient à Dieu le même langage ; il ajoute : « Jette dans le sein du Seigneur toute ta sollicitude, et il te nourrira ». Tu es petit ; tu ne comprends pas encore le sens caché des paroles divines : il y a peut-être là du pain, et tu ne peux encore te nourrir que de lait[4]. Ne t’irrite pas contre les mamelles que tu suces ; elles te rendront capable de l’asseoir plus tard à une table : aujourd’hui, tu ne saurais encore y prendre place. Voilà que, par suite de l’éloignement des hérétiques, plusieurs passages de l’Écriture ont perdu leur dureté et se sont amollis : de durs qu’ils étaient, les discours du Seigneur sont devenus plus doux que l’huile ; « et, pourtant, ce sont des flèches ». Entre les mains des prédicateurs de l’Évangile ils sont devenus une arme puissante. Munis de telles armes, ces prédicateurs les lancent au cœur de ceux qui les écoutent : ils les attaquent à temps et à contre-temps, et ces discours et ces paroles sont comme des flèches destinées à percer le cœur des hommes et à les disposer à la paix. Ces paroles étaient dures et elles se sont adoucies, et, pourtant, elles n’ont rien perdu de leur force : elles se sont changées en flèches. « Ses discours sont devenus doux comme de l’huile, et ils sont perçants comme des flèches ». Tu n’es peut-être pas encore capable de manier ces armes : ce que ces discours renferment d’obscurité n’est peut-être pas encore à la portée de ton intelligence ; ce qu’ils ont de dur ne s’est peut-être pas encore amolli pour toi : « Jette donc, dans le sein de Dieu, ta sollicitude, et il te nourrira ». Jette-toi dans les bras de

  1. Ps. 40, 7
  2. 1 Cor. 11, 19
  3. Jn 6, 51-69
  4. 1 Cor. 3, 2