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heureux que leur chef ? « S’ils ont appelé le Père de famille Belzébuth, ne traiteront-ils pas de même ses serviteurs[1] ? » N’espérons donc point un chemin plus facile : marchons où il a marché avant nous, suivons la route qu’il nous a tracée ; ses pas doivent nous servir de guides ; si nous nous écartons, notre perte est certaine. Vois donc ce que figurait David ; vois, par conséquent, ce que figurait Saül : Saül annonçait le règne du mal, David, celui du bien ; celui-ci la vie, l’autre la mort. Nous ne sommes, à vrai dire, persécutés que par la mort ; et, encore, en triompherons-nous à la fin et pourrons-nous lui dire : « O mort, où est ta force ; ô mort, où est ton aiguillon[2] ? » Comment puis-je dire que la mort seule nous persécute ? Parce que si nous n’étions point condamnés à mourir, quel mal pourrait nous faire notre ennemi ? Nuit-il aux anges ? La mort elle-même, source de nos plus amères tribulations, la mort elle-même verra finir son règne, lorsqu’à la fin des siècles nous ressusciterons d’entre les morts : si alors on nous trouve établis dans la justice, sa puissance s’évanouira à notre égard, comme elle s’est évanouie à l’égard de notre chef. Car en mourant, le Christ devint l’assassin de la mort ; au moment où il rendit le dernier soupir, elle périt bien plutôt sous ses coups, qu’il ne succomba lui-même victime de ses atteintes.
2. Si, maintenant, nous voulons étudier le nom même de Saül, nous y rencontrerons encore un sens mystérieux ; car ce nom signifie demande ou désir. Pouvons-nous avoir le moindre doute sur la cause de notre mort ? Le péché de l’homme, en voilà l’origine : l’homme s’est donc, à vrai dire, souhaité la mort ; voilà pourquoi on donne le nom de « désir » à la mort ; car il est écrit : « Dieu n’a point fait la mort, et il ne se réjouit point dans la perte des vivants ; il a créé toutes choses afin de les faire subsister, et il a mis toutes les nations de la terre dans un même de état de santé et de bonheur » ; mais, diras-tu, d’où vient donc la mort ? « Les impies l’ont attirée par leurs mains et leurs paroles ; ils la considéraient comme une amie, ils ont péri[3] ». Ils l’ont désirée et se sont perdus, ils sont tombés dans les pièges de la mort, alors même qu’ils la regardaient comme une amie ; ainsi le peuple juif, en demandant un roi, crut avoir en lui un ami, et il n’y rencontra qu’un ennemi. Cette nation arracha au Seigneur la permission d’avoir un roi, et il lui donna Saül, comme il avait livré en leur propre puissance ceux-là mêmes qui, par leurs mains et leurs désirs, s’étaient efforcés d’attirer la mort ; la mort fut donc figurée en la personne de Saül, c’est pourquoi le dix-septième psaume porte ce titre : « Psaume pour le jour où le Seigneur délivra David de la main de ses ennemis et de la main de Saül ». Il parle d’abord de ses ennemis et ensuite de la main de Saül, parce que la mort, notre plus cruelle ennemie, sera détruite la dernière ; « et de la main de Saül », signifie donc qu’il nous a rachetés de l’enfer et délivrés de l’empire de la mort.
3. Au moment où Saül persécutait le saint homme David, celui-ci s’enfuit en un lieu où il pensait trouver un abri sûr ; pendant sa fuite il s’arrêta en passant chez le prêtre Achimélech, qui lui donna les pains consacrés à Dieu, et ainsi figura-t-il en sa personne la royauté et le sacerdoce ; puisque, selon la parole du Sauveur citée dans l’Évangile, « il mangea les pains de proposition que les prêtres seuls avaient le droit de manger[4] ». Ce fut alors que Sait ! commença à vouloir découvrir ses traces, et s’irrita contre ses serviteurs, parce qu’aucun d’eux ne consentait à le lui livrer : voilà ce que nous avons lu dans le livre des Rois. Quand David vint chez le prêtre Achimélech, le prince des pasteurs de Saül, un Iduméen, nommé Doëch, se trouvait là ; témoin de la colère de son maître, et de la persistance de tous à ne point lui livrer David, Doëch déclara traîtreusement en quel endroit il l’avait aperçu. Saül envoya donc chercher le prêtre avec toute sa famille, et donna l’ordre de les mettre à mort ; mais aucun de ceux qui accompagnaient le roi n’osa, même sur ses ordres réitérés, porter la main sur les prêtres du Seigneur ; pourtant celui qui avait imité Judas dans sa trahison, persévéra comme lui jusqu’à la fin dans ses honteux errements, et continua à faire sortir de la racine empoisonnée de son cœur des fruits tels qu’un mauvais arbre peut en produire. À un signe du roi, ce Doëch tua donc de sa propre main le prêtre avec tous les siens, et leur ville elle-même fut ensuite entièrement détruite. Doëch

  1. Mt. 10,25
  2. 1 Cor. 15,55
  3. Sag. 1,13-14.16
  4. Mt. 12,4