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soit dans la joie, et les filles de Juda dans l’allégresse, à cause de vos jugements, ô mon Dieu ». Par ces filles de Juda, gardez-vous d’entendre les Juifs, Juda signifie confession. Tous les fils de la confession sont les fils de Juda : et le salut qui vient des Juifs n’est autre que le Christ issu des Juifs[1]. Voilà ce que dit l’Apôtre : « Car le juif n’est pas celui qui l’est au-dehors, et la circoncision n’est pas celle qui se fait sur la chair, qui est extérieure ; mais le juif est celui qui l’est intérieurement ; et la circoncision du cœur se fait par l’esprit, et non par la lettre ; et ce juif tire sa gloire non des hommes, mais de Dieu[2] ». Sois juif de cette manière : glorifie-toi de la circoncision du cœur, quoique tu n’aies pas celle de la chair. « Que les filles de Sion tressaillent à cause de vos jugements, ô mon Dieu »
12. « Environnez Sion, embrassez son enceinte[3] ». Que l’on dise à ceux dont la vie est un désordre, et au milieu desquels se trouve le peuple qui a reçu la divine miséricorde : Il y a au milieu de vous un peuple dont la vie est sainte. « Environnez Sion ». Mais comment ? « Embrassez son enceinte » ; embrassez-la, non par le scandale, mais par la charité, afin d’imiter ceux qui mènent au milieu de vous une vie sainte, et par cette imitation d’être incorporés au Christ dont ils sont les membres. « Environnez Sion, embrassez son enceinte, parlez sur ses tours ». Chantez ses louanges du haut de ses forteresses.
13. « Reposez votre amour dans sa vertu[4] », afin de n’avoir pas l’extérieur de la piété, et d’en repousser l’esprit[5] ; « mais affermissez vos cœurs dans sa vertu ». Quelle est la vertu de cette cité ? Pour comprendre la vertu de cette cité, il faut comprendre la force de la charité. C’est là une vertu que nul ne peut vaincre ; c’est un feu que n’éteignent point ni les flots de cette vie, ni les fleuves des tentations. C’est d’elle qu’il est écrit : « L’amour est fort comme la mort[6] ». De même en effet qu’on ne peut résister à la mort, qui s’avance, et que nul artifice, nul remède ne peut dérober à ses coups l’homme qui est né mortel ; de même le monde, est impuissant contre la charité. Toutefois la comparaison avec la mort est en sens contraire ; et comme la mort est invincible à nous enlever, la charité au contraire est invincible à nous sauver. Beaucoup en effet ne sont morts victimes de la charité qu’afin de vivre pour Dieu. C’est la charité qui embrasait les martyrs, non les martyrs hypocrites, non ceux qu’enflait la vaine gloire, non ceux dont il est dit : « Quand même je livrerais mon corps pour être brûlé, si je n’ai point la charité, cela ne me sert de rien[7] ». Mais ces martyrs du Christ et de la vérité, qu’une véritable charité conduisait à la mort, quelle prise ont eue sur eux les violences des bourreaux ? Les larmes de leurs proches avaient plus d’empire sur eux que, les cruautés des persécuteurs. Combien de fils ont retenu leurs pères en présence de la mort ? Combien d’Épouses embrassaient les genoux de leurs maris, afin de n’être point laissées dans le veuvage ? Combien de fils s’opposaient au trépas de leurs pères, comme nous le voyons dans le martyre de sainte Perpétue ? Tout cela est arrivé. Mais quelle que fût l’abondance ou l’impétuosité de ces larmes, quel feu de la charité ont-elles pu éteindre ? Telle est la force de Sion, à laquelle on dit ailleurs : « Que la paix s’affermisse dans votre vertu, et l’abondance dans vos forteresses[8]. Parlez du haut de ses tours, reposez vos cœurs dans sa force, et distribuez ses demeures ».
14. Quel est le sens de ces paroles : « Reposez vos cœurs dans sa force, et distribuez ses demeures[9] ? » c’est-à-dire, faites le discernement d’une demeure et d’une autre demeure, ne les confondez point. Il est en effet des maisons qui ont l’apparence de la piété, sans en avoir l’esprit ; et il est des maisons qui ont tout à la fois l’apparence et l’esprit de la piété. Distinguez et ne confondez point. Pour vous, ce sera distinguer sans confondre, que de reposer vos cœurs dans sa force, c’est-à-dire de devenir spirituels par la charité. Alors vous ne jugerez pas témérairement ; alors vous verrez que les méchants ne font aux bons aucun obstacle réel, tant que nous sommes dans l’aire : « Comptez ses demeures ». On peut encore donner un autre sens à ces paroles, et y voir une recommandation faite aux Apôtres de distribuer ces deux palais, dont l’un vient de la circoncision et l’autre de la gentilité. Quand Paul, appelé d’abord Saul, devint Apôtre, et qu’il

  1. Jn. 4,22
  2. Rom. 2,28-29
  3. Ps. 47,13
  4. Id. 14
  5. 2 Tim. 3,5
  6. Cant. 8,6
  7. 1 Cor. 13,3
  8. Ps. 121,7
  9. Id. 47,14