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grand roi »[1]. Au nom de Sion, tu te figurais cet unique endroit de la terre où est bâtie Jérusalem, et tu n’y rencontrais qu’un peuple circoncis, et dont Jésus-Christ n’a recueilli que les restes, la plus grande partie ayant été chassée par le vent comme la paille. Il est écrit en effet : « Les restes seront sauvés[2] ». Mais jette les yeux sur les Gentils, et vois l’olivier sauvage greffé sur l’olivier franc[3], dont il boit la sève. Les Gentils sont donc « ces flancs de l’Aquilon » ajoutés au palais du grand Roi. L’Aquilon est ordinairement opposé à Sion, car Sion est au midi, et l’Aquilon est l’opposé du midi. Quel est cet Aquilon, sinon celui qui a dit : « J’établirai mon trône du côté de l’Aquilon, et je serai semblable au Très-Haut[4] ? » C’était jadis l’empire de Satan, qui régnait sur les Gentils adonnés à l’idolâtrie et au culte des démons. Or, tout ce qu’il y avait d’hommes dans l’univers entier, s’étant attaché à lui, était devenu Aquilon. Mais comme celui qui peut enchaîner le fort, lui enlève aussi ses dépouilles[5], et se les approprie, les hommes délivrés de l’infidélité et du culte superstitieux des démons, ont cru au Christ et sont entrés dans la structure de cette ville, et ils se sont rencontrés, à l’angle, avec cette muraille qui venait de la circoncision, et ces flancs de l’aquilon sont devenus la cité du grand Roi. Aussi est-il dit dans un autre endroit de l’Écriture : « Les nuées aux reflets d’or viennent de l’Aquilon, c’est en elles que le Tout-Puissant fait consister son honneur et sa gloire[6] ». La convalescence d’un malade désespéré fait la gloire du médecin. Les nuées de l’Aquilon ne sont point noires, ni ténébreuses, ni obscures, mais elles ont des reflets d’or. D’où vient cela, sinon de la grâce qui les éclaire par le Christ ? Voilà « les flancs de l’Aquilon devenus la cité du grand Roi ». Ils sont bien des flancs, puisqu’ils avaient adhéré au démon. On dit en effet de ceux qui s’attachent à quelqu’un qu’ils sont toujours à ses côtés. Souvent encore, à propos de quelques hommes, nous disons : Il est honnête homme et pourtant mal flanqué ; c’est-à-dire, il a de la probité, mais ceux qui l’accompagnent sont mauvais. Donc les flancs de l’Aquilon désignent ceux qui adhéraient au diable ; c’est de là que revenait celui dont nous entendions tout à l’heure l’histoire, qui était mort et qui ressuscita, qui était perdu et qui fut retrouvé[7]. Il s’en était allé dans une région lointaine, était arrivé jusqu’à l’Aquilon, et là, comme vous l’avez entendu, s’était attaché à un prince de ces contrées. Il devint donc un flanc de l’Aquilon en s’attachant à ce prince de ces contrées ; mais comme la cité du grand Roi se peuple des flancs de l’Aquilon, il rentra en lui-même et dit : « Je me lèverai et j’irai à mon Père[8] ». Alors, accourant au-devant de lui, il s’écria : « Il était mort, il est ressuscité ; il était perdu et je l’ai retrouvé ». Le veau gras devint la pierre angulaire[9]. Enfin, le fils aîné, qui ne voulait prendre aucune part au festin, entra sur les instances de son père : et ainsi ces deux murailles, comme ces deux fils, arrivèrent au veau gras et formèrent la cité du grand Roi.
4. Continuons donc le psaume et disons : « Dieu sera connu dans ses demeures[10] ». Dans ses demeures, est-il dit, à cause des montagnes, à cause des deux murailles, à cause des deux fils. « Le Seigneur sera connu dans ses palais ». Mais le Prophète ajoute à l’instant, pour nous prêcher la grâce : « Quand il en prendra la garde ». Que deviendrait en effet la cité, si Dieu ne la gardait ? Ne s’écroulerait-elle pas à l’instant, si elle n’avait tin tel fondement ? Car nul ne peut en poser d’autre que celui qui a été posé et qui est Jésus-Christ[11], « Que nul donc ne se prévale de ses mérites, mais que celui qui se glorifie se glorifie dans le Seigneur »[12] ; puisque cette ville n’est grande, et que le Seigneur n’est en elle qu’à la condition qu’il en prendra la garde : comme un médecin prend un malade pour le guérir, et non pour l’aimer tel qu’il est. Le médecin, en effet, n’aime pas la fièvre. Il n’aime pas le malade non plus, et néanmoins il l’aime. S’il aimait le malade, il le souhaiterait toujours en cet état, et s’il n’aimait le malade, il ne viendrait pas le visiter ; il aime donc le malade afin de le guérir. Le Seigneur a donc pris cette cité sous sa garde, et il s’y est fait connaître, c’est-à-dire que sa grâce y a été connue ; car tous les privilèges de cette ville qui se glorifie en Dieu, elle ne les tient pas d’elle-même. De là vient cette parole qui lui est adressée : « Qu’avez vous que vous n’ayez reçu ? Mais si vous avez reçu, pourquoi vous glorifier comme si vous

  1. Ps. 117,22
  2. Rom. 9,27
  3. Id. 11,17
  4. Isa. 14,13-14
  5. Mt. 12,29
  6. Job. 37,22
  7. Lc. 15,32
  8. Id. 18
  9. Eph. 2,20
  10. Ps. 47,4
  11. 1 Cor. 3,11
  12. Id. 1,31