puisque l’un de ces noms est au nominatif, tandis que l’autre est au vocatif. « Un Dieu vous a oint ». O vous, qui êtes « Dieu, votre Dieu vous a oint » ; comme s’il disait : C’est pour cela qu’un Dieu t’a marqué de l’onction, ô toi qui es Dieu. C’est ainsi que vous devez l’entendre et le comprendre, le grec l’a nettement déterminé. Quel est donc ce Dieu oint par un Dieu ? Que les Juifs nous disent ; car ces Écritures leur sont communes avec nous. Un Dieu a été oint par un Dieu ; quand on vous parle d’onction, comprenez le Christ, puisque Christ vient de chrisma, chrême, et que ce nom de Christ nous rappelle une onction. Les rois et les prêtres n’étaient marqués de l’onction en aucun endroit de la terre, sinon dans ce royaume où le Christ était prophétisé, où il était oint et d’où devait sortir le nom de Christ ; on ne trouve l’onction nulle part, chez aucun peuple, dans aucun royaume. Un Dieu a donc reçu l’onction d’un Dieu ; et de quelle huile, sinon d’une huile spirituelle ? L’huile visible n’est en effet qu’un signe, l’huile invisible est un sacrement, l’huile spirituelle est à l’intérieur. Un Dieu a été oint pour nous, envoyé pour nous, et ce Dieu, pour recevoir l’onction, était un homme ; mais homme de manière à demeurer Dieu, et Dieu ne dédaignant pas d’être homme ; vrai homme et vrai Dieu. Ne trompant en rien, non plus qu’il n’était trompé ; partout véritable, partout la vérité même. Ce Dieu donc était homme, et s’il a été oint, tout Dieu qu’il était, c’est qu’il était homme, et qu’ainsi il est devenu Christ.
20. Ceci était figuré, quand Jacob mit une pierre sous sa tête et s’endormit[1]. Le patriarche Jacob avait donc mis une pierre sous sa tête ; et pendant qu’il dormait sur cette pierre, il vit le ciel s’ouvrir, et une échelle qui allait du ciel en terre, et des anges qui montaient et qui descendaient ; après cette vision il s’éveilla, oignit la pierre et s’en alla. Dans cette pierre il vit le Christ, et pour cela il l’oignit. Voyez donc depuis combien le Christ était prédit. Que signifie cette onction donnée à une pierre, surtout chez les patriarches qui adoraient un seul Dieu ? Il fit cela en figure, car après l’avoir fait il n’y revint pas d’une manière continue pour y adorer et y offrir des sacrifices. C’était la figure d’un mystère, et non l’ouverture d’un sacrilège. Voyez quelle pierre : « La pierre que les architectes ont repoussée est devenue la pierre angulaire »[2]. Et parce que le Christ est la tête de l’homme, cette pierre fut mise à la tête de Jacob. Voyez donc ici un grand mystère. Le Christ est la pierre ; « une pierre vivante, rejetée par les hommes », nous dit saint Pierre, « mais choisie de Dieu »[3]. Et la pierre était à la tête, parce que le Christ est la tête de l’homme[4]. Cette pierre est ointe, parce que c’est de l’onction que vient le nom de Christ. Et la révélation du Christ nous montre des échelles qui vont de la terre au ciel, ou du ciel à la terre, et des anges qui montent et qui descendent[5]. Nous comprendrons mieux cette figure quand nous aurons cité une parole du Seigneur dans l’Évangile. Vous savez que Jacob est le même qu’Israël[6]. Or, quand il lutta et eut l’avantage sur l’ange, quand il reçut la bénédiction de celui qu’il avait vaincu, son nom fut changé, il s’appela Israël ; ainsi le peuple d’Israël prévalut contre le Christ qu’il fit crucifier, et pourtant dans la personne de ceux qui crurent au Christ, il reçut la bénédiction de celui qu’il avait vaincu. Mais il y en eut beaucoup pour ne pas croire, de là vient que Jacob fut boiteux. Il fut donc béni et boiteux ; béni dans ceux qui crurent, car nous savons qu’un grand nombre dans ce peuple embrassèrent la foi, boiteux dans ceux qui demeurèrent incrédules. Et comme le nombre des incrédules fut plus grand que celui des croyants, il est dit que l’ange, pour le rendre boiteux, le frappa sur l’étendue de la cuisse. Que désignait cette étendue de la cuisse, sinon sa postérité nombreuse ? Voyez donc ces échelles dans l’Évangile ; en voyant Nathanaël, « voilà », dit le Seigneur, « un vrai ce Israélite, sans déguisement »[7]. C’est là ce qui est dit de Jacob : « Et Jacob, qui était sans déguisement, demeurait au logis »[8]. Voilà ce que rappelait le Seigneur, en voyant Nathanaël sans déguisement, et qui appartenait à cette postérité, à cette nation. « Voilà », dit-il, « un véritable Israélite, sans déguisement ». il l’appela donc Israélite sans déguisement à cause de Jacob. Alors Nathanaël : « D’où me connaissez-vous ? » Et le Seigneur : « Je t’ai vu quand tu étais sous
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