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nombreuses, une vieillesse prolongée ? Tu ne vois pas qu’en désirant la vieillesse, tu désires ce qui sera un sujet de plainte quand il arrivera. Ferme donc l’oreille à toute âme ou méchante, ou infirme, ou bornée, qui te dirait « Comment se peut-il que Dieu aime la justice et n’abandonnera point ses saints ? » À la vérité, il n’a point abandonné les trois enfants qui le bénissaient dans la fournaise : le feu ne les toucha point[1] ; mais les Macchabées n’étaient-ils pas des saints, quand leur corps et non leur foi succomba dans les flammes[2] ? Il est vrai, diras-tu, que c’est là une grande difficulté, de voir que ces hommes demeurent fermes dans la foi et que Dieu les abandonne. Écoute ce qui suit : « Ils seront conservés pour l’éternité ». Tu leur souhaitais quelques années ; et, pour le Seigneur, les leur accorder, c’eût été, penses-tu, ne pas les abandonner. Il accordait une protection visible aux enfants de la fournaise, aux Macchabées une protection invisible ; il confondait les infidèles en donnant aux premiers la vie du temps ; il préparait à l’impiété des juges en couronnant les seconds d’une manière invisible ; et il n’abandonnait ni les uns ni les autres, lui « qui n’abandonnera point ses saints ». Et les trois enfants n’eussent obtenu qu’une mince faveur, s’ils n’eussent eu l’éternité pour expectative « Ils seront conservés pour l’éternité ».
10. « Quant aux injustes, ils seront châtiés, et la race des impies périra. » De même que la race du juste sera en bénédiction, « la race de l’impie périra ». Car sa race signifie ses œuvres. Autrement, nous avons vu le fils de l’impie florissant dans le monde, parfois devenir juste et fleurir en Jésus-Christ. Cherche donc bien le sens, afin d’ouvrir le toit et de parvenir jusqu’au Seigneur[3]. Le sens charnel serait une erreur pour toi. Mais ce que sème l’impie, ou les œuvres des impies, périront et ne fructifieront point ; car ils n’ont de la force que pour un temps ; ils chercheront plus tard et ne trouveront rien de ce qu’ils auront fait. Car voici les plaintes de ceux qui auront perdu leurs œuvres : « De quoi nous a servi notre orgueil et le vain étalage de nos richesses ? Tout cela s’est dissipé comme l’ombre[4] ». Donc la race de l’impie périra.
11. « Quant aux justes, ils posséderont la terre en héritage[5] ». Encore une fois, loin de toi l’avarice ; qu’elle ne vienne point te promettre de vastes domaines et te faire espérer ce que tu as ordre de mépriser. Cette terre est celle des vivants, celle des saints. C’est pour cela qu’il est dit : « Vous êtes mon espérance, mon héritage sur la terre des vivants[6] ». Car si telle est ta vie, comprends alors la terre qui doit t’échoir. C’est la terre des vivants, tandis que celle-ci est la terre des mourants, et qui recevra morts ceux qu’elle nourrit vivants. Donc, telle terre, telle vie ; si la vie est éternelle, la terre aussi sera éternelle. Mais comment cette terre sera-t-elle éternelle ? « Ils l’habiteront pendant les siècles des siècles ». Il y aura donc une autre terre que nous habiterons éternellement. Car il est dit de celle-ci que « le ciel et la terre passeront[7] »
12. « La bouche du juste méditera la sagesse[8] ». C’est là le pain dont nous avons parlé : voyez avec quelles délices notre juste s’en nourrit, comment, dans sa bouche, il savoure la sagesse. « Sa langue publiera la justice, La loi de son Dieu est dans son cœur[9] ». L’on ne peut croire qu’il a dans la bouche ce qu’il n’a pas dans le cœur, à le comparer à ceux dont il est dit : « Ce peuple m’honore des lèvres, mais leurs cœurs sont loin de moi[10]. Sa langue publiera la justice parce que la loi de Dieu est dans son cœur. » Et quel est son avantage ? C’est que ses pieds « ne seront point pris au piège ». La parole de Dieu, dès qu’elle est dans notre cœur, nous préserve de tout piège ; la parole de Dieu, si elle est dans notre cœur, nous détourne de la voie mauvaise ; la parole de Dieu dans notre cœur nous éloigne de toute chute. Il est avec toi celui dont la parole ne s’éloigne point de ton cœur. Mais quel mal peut arriver à celui dont Dieu est le gardien ? Tu commets un homme pour garder ta vigne, et tu oses sûreté contre les voleurs ; et toutefois, un gardien peut s’endormir, il peut s’abattre et laisser passer le voleur : « Or, celui qui garde Israël ne dormira point, ne s’assoupira point[11] car la loi de Dieu est dans son cœur ; et ses pieds ne seront point pris au piège » Qu’il vive donc en paix, qu’il soit en paix parmi les méchants, en paix parmi les impies. Quel mal peut faire au juste l’homme impie, l’homme d’iniquité ? Considère

  1. Dan. 3,50
  2. 2 Mac. 7,7
  3. Lc. 5,19
  4. Sag. 5,8
  5. Ps. 36,29
  6. Ps. 141,6
  7. Mt. 24,35
  8. Ps. 36,30
  9. Id. 31
  10. Isa. 29,13
  11. Ps. 120,4