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soumis et l’invoquer, jusqu’à ce qu’il accorde ce qu’il a promis. Que tes bonnes œuvres soient continuelles, ta prière incessante, « Car il faut toujours prier, et ne pas cesser de prier »[1]. En quoi paraîtra ta soumission ? À faire ce qui t’est commandé. Mais tu n’en reçois pas la récompense, parce que tu n’en es pas encore capable. Dieu pourrait bien te la donner, mais toi, tu ne pourrais la recevoir. Exerce-toi donc aux bonnes œuvres, travaille dans la vigne du Seigneur ; et ne demande qu’à la fin du jour la récompense, car celui qui t’a envoyé à sa vigne est fidèle[2]. « Sois donc soumis à Dieu, et invoque sa puissance ».
9. Voilà que je le fais, je suis soumis au Seigneur, et je l’invoque. Mais que vas-tu penser ? J’ai un voisin fripon qui vit dans le désordre, et néanmoins il est florissant ; ses vols, ses adultères, ses larcins, je les connais ; partout il est hautain, orgueilleux ; et, dans l’enivrement de ses iniquités, il ne daigne même pas me regarder : comment supporter tout cela ? C’est là une maladie, mais prends cette potion : « Ne sois point ému à la vue de l’homme qui prospère dans ses voies ». Il prospère en effet, mais dans ses voies ; et toi, tu souffres, mais dans la voie de Dieu : il prospère en chemin pour arriver au malheur ; et toi, tu souffres en chemin, mais pour arriver au bonheur : car la voie des impies doit périr. « En effet, le Seigneur connaît les voies du juste, mais la voie de l’impie périra »[3]. Tu es donc sur les voies que connaît le Seigneur : et si elles te sont pénibles, elles sont du moins sans erreur. La voie de l’impie est un bonheur passager. Le terme de cette voie est aussi le terme du bonheur. Pourquoi ? Parce que cette voie est large, et qu’elle aboutit aux profondeurs de l’enfer. Mais ta voie est étroite, et il en est peu pour y marcher[4] ; or, il te faut songer à quelle immensité ceux-ci arrivent. « Ne sois donc point jaloux de celui qui prospère dans son chemin. Contre l’homme d’iniquité, réprime ta colère et oublie ton indignation »[5]. Pourquoi t’irriter ? Pourquoi cette colère, cette indignation va-t-elle aboutir au blasphème, ou presque au blasphème ? « Réprime ta colère contre cet homme d’iniquité, et oublie ton indignation ». Car sais-tu où te conduirait cette colère ? Elle te ferait dire que Dieu est injuste. Pourquoi cet homme est-il heureux, et celui-là malheureux ? Vois jusqu’où elle t’emporte, étouffe-la dès sa naissance. « Réprime ta « colère, oublie ton indignation », afin que le repentir te fasse dire : « Mon œil s’est troublé de colère »[6]. Quel œil, sinon l’œil de la foi ? Or, à cet œil de la foi je demande : Crois-tu en Jésus-Christ, et quel est ton motif de croire ? Que t’a-t-il promis ? Si Jésus-Christ t’a promis le bonheur de ce monde, murmure contre le Christ ; oui, murmure quand tu vois l’impie dans le bonheur. Quel est donc le bonheur qu’il t’a promis, sinon à la résurrection des morts ? Mais en cette vie ? Le même sort qu’à lui-même ; oui, le même sort. Or, toi, serviteur, toi, disciple, dédaigneras-tu le sort du maître, du Seigneur ? Ne l’entendras-tu point dire : « Le serviteur n’est pas plus grand que le maître, ni le disciple plus grand que celui qui l’instruit ?[7] » Pour toi, il a passé par les douleurs, par la flagellation, par les opprobres, par la croix, par la mort Eh ! qu’avait mérité de tout cela ce juste par excellence ? Que méritait celui qui était sans péché ? Tiens donc ton œil fixé sur lui, et ne te laisse point troubler par la colère : « Réprime ta colère, oublie ton indignation, bannis la jalousie qui te porte au mal », comme pour imiter celui que tu vois heureux pour un temps au milieu de ses désordres. « Bannis la jalousie qui te porte au mal, « car tous ceux qui font le mal seront exterminés ». Cependant je les vois heureux. Crois-en néanmoins celui qui dit : « Ils seront exterminés » : car il voit mieux que toi, et la colère ne trouble point son œil. « Ceux-là donc seront exterminés qui commettent la mal. Mais ceux qui attendent le Seigneur », non point l’homme trompeur, mais la Vérité elle-même ; non point l’homme faible, mata Celui qui est tout-puissant, « ceux qui attendent le Seigneur auront la terre en héritage »[8]. Et quelle terre, sinon cette Jérusalem qui sera le lieu de la paix pour cens-dont elle enflamme les désirs ?
10. Mais jusques à quand les pécheurs seront-ils florissants ? Jusques à quand me faudra-t-il attendre ? Tu es impatient, et bientôt se réalisera ce qui te paraît si long. C’est ta faiblesse qui te fait paraître long ce qui est pourtant si court. Connais-tu les empressements

  1. Lc. 18,1
  2. Mt. 20,8
  3. Ps. 1,6
  4. Mt. 7,13-14
  5. Ps. 36,7-8
  6. Ps. 6,8
  7. Jn. 13,16
  8. Ps. 36,9