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homme »[1]. Saint Paul avec une rare modestie et une grande humilité, jaloux d’élever une Église au divin Époux et non à lui-même, s’indigne contre ceux qui disaient : « Pour moi, je suis à Paul, moi à Apollo »[2] ; il se met en avant pour se fouler aux pieds, se mépriser et glorifier Jésus-Christ : « Paul a-t-il donc été crucifié pour vous, ou bien est-ce au nom de Paul que vous êtes baptisés ? »[3] Il éloigne de lui-même pour envoyer au Christ. Il ne veut pas même que l’ami de l’Époux usurpe dans le cœur de l’Épouse l’amour qui est dû à l’Époux. Car les amis de l’Époux étaient les Apôtres. Jean aussi, que l’on regardait comme le Christ, dans son humilité, avait à cœur la gloire de l’Époux. Aussi répond-il : « Je ne suis point le Christ ; mais celui qui est venu après moi est plus grand que moi, et je ne suis pas digne de délier le cordon de ses souliers »[4]. Il montrait donc en s’humiliant qu’il n’était point l’Époux, mais l’ami de l’Époux, et il disait : « Celui qui a l’Épouse est l’Époux, mais l’ami de l’Époux qui est debout et l’écoute, est plein de joie à la voix de l’Époux »[5]. Et cet ami de l’Époux, fût-il une montagne, n’a pourtant pas la lumière en lui-même ; il écoute, il est au comble de la joie à cause de la voix de l’Époux. « Pour nous », dit-il, « nous avons tout reçu de sa plénitude »[6]. De la plénitude de qui ? « De celui qui était la lumière véritable qui éclaire tout homme venant en ce monde »[7]. C’est donc à lui que saint Paul voulait conserver l’Église, quand il disait : « Que les hommes nous regardent comme les ministres du Christ et les dispensateurs des mystères de Dieu ». Ainsi : « J’ai levé les yeux vers les montagnes d’où viendra mon secours. Que l’homme nous regarde comme les ministres du Christ et les dispensateurs des mystères de Dieu »[8]. Et de peur que tu ne mettes encore quelque espérance en ces montagnes plutôt qu’en Dieu, écoute : « J’ai planté, Apollo a arrosé, mais Dieu a donné l’accroissement » ; et encore : « Or, celui qui plante n’est rien, non plus que celui qui arrose, mais c’est Dieu, qui donne l’accroissement »[9]. Déjà donc tu as dit : « J’ai levé les yeux vers les montagnes, d’où me viendra le secours » ; mais, « parce que celui qui plante n’est rien non plus que celui qui arrose » ; dis alors : « Mon secours viendra du Seigneur qui a fait le ciel et la terre » ; et : « Votre justice est comme les montagnes de Dieu », c’est-à-dire les montagnes sont rein-plies de votre justice.
10. « Vos jugements sont de profonds abîmes ». On appelle abîme cette profondeur du péché où l’homme arrive par le mépris de Dieu, ainsi qu’il est dit quelque part : « Dieu les a livrés aux désirs de leurs cœurs, et ils se sont couverts de honte ». Que votre charité redouble d’attention, il s’agit d’une importante vérité ; oui, très importante. Qu’est-ce à dire que « Dieu les a livrés aux désirs de leurs cœurs pour faire ce qui est honteux ? » C’est donc lorsque Dieu les s livrés aux convoitises de leurs cœurs pour faire ce qui est honteux, qu’ils commettent de si grands crimes ? Ce qui revient à poser cette question Si c’est Dieu qui fait qu’il commettent ce qui est honteux, que font ils d’eux-mêmes ? Il y a de l’obscurité dans cette parole : « Dieu les a livrés aux convoitises de leurs cœurs ». Il y avait donc en eux des convoitises qu’ils n’ont point voulu réprimer, et auxquelles ils sont livrés par un châtiment de Dieu. Mais pour comprendre qu’ils méritaient d’y être livrés, écoute ce qu’avait dit l’Apôtre à leur sujet : « Ayant connu Dieu, il ne l’ont point glorifié comme Dieu et ne lui ont point rendu grâces ; mais ils se sont évanouis dans leurs pensées, et leur cœur insensé a été obscurci ». Comment ? Par l’orgueil. « En se disant sages ils sont devenus fous ». De là cette sentence : « Dieu les a livrés aux convoitises de leurs cœurs ». Donc, parce qu’ils furent ingrats et orgueilleux, ils méritèrent d’être livrés aux convoitises de leurs cœurs et ils sont devenus un profond abîme, non seulement en commettant le péché, mais en agissant avec hypocrisie, de peur de connaître leur iniquité et de la haïr. C’est le comble de la malice de n’avoir pas voulu trouver leurs péchés et les haïr. Mais voici comment on arrive à cette profondeur : « Les jugements de Dieu sont un abîme profond ». De même que les montagnes de Dieu se forment par sa justice et grandissent par sa grâce, ainsi c’est par ses jugements que tombent dans l’abîme ceux qui se roulent dans les bas-fonds du péché. Ainsi donc que par la grâce les montagnes aient donc pour

  1. Jer. 17,5
  2. 1 Cor. 3,4
  3. Id. 1,3
  4. Jn. 1,20 ; Mc. 1,7
  5. Jn. 3,29
  6. Id. 1,16
  7. Id. 9
  8. 1 Cor. 4,1
  9. Id. 6,7