Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome VIII.djvu/334

Cette page n’a pas encore été corrigée

n’ont point cherché le Seigneur. Que votre sainteté veuille m’écouter, Le Prophète ne dit point : J’ai cherché de l’or chez le Seigneur, et il m’a écouté ; j’ai cherché une longue vieillesse dans le Seigneur, et il m’a exaucé ; j’ai cherché tel ou tel objet dans le Seigneur, et il m’a exaucé. Autre chose est de chercher quelque chose dans le Seigneur, et autre de chercher le Seigneur lui-même. « J’ai cherché le Seigneur », dit-il, « et il m’a exaucé ». Mais lorsque dans tes prières tu dis à Dieu : Envoyez la mort à celui-là, qui est mon ennemi ; ce n’est point là chercher le Seigneur, c’est là t’établir en juge de ton ennemi, et faire de Dieu un bourreau à tes ordres. Que sais-tu, si l’homme dont tu demandes la mort n’est pas meilleur que toi, par cela même qu’il ne demande pas la tienne ? Ne va donc demander à Dieu rien qui ne soit Dieu, mais cherche Dieu lui-même, et il t’exaucera, et tu parleras encore, qu’il te dira : « Me voici[1] » Qu’est-ce à dire : Me voici ? Voici que je suis présent, que veux-tu ? quelle est ta demande ? Toute autre chose que je puisse te donner, est moins que moi ; mais possède-moi, jouis de moi, étreins-moi de ton amour, tu ne le peux encore dans tout ce que tu es ; touche-moi du moins par la foi, et tu t’attacheras à moi, dit le Seigneur, et je te déchargerai de tes autres fardeaux ; afin que tu sois entièrement uni à moi, quand ce qu’il y a de mortel en toi sera devenu immortel[2] ; afin que tu sois égal à mes anges[3], et que tu voies toujours ma face, et que tu sois dans la joie, et que nul ne t’enlève ta joie[4] ; car tu as cherché le Seigneur, et il t’a exaucé, et t’a délivré de toutes tes afflictions.
10. Nous avons déjà dit quel est celui qui nous exhorte, cet amant qui ne veut pas seul étreindre l’objet de son amour, et qui dit « Approchez de lui, et vous serez éclairés ». Il dit ce qu’il a éprouvé lui-même. Que dit l’homme spirituel qui appartient au corps de Jésus-Christ, ou bien Notre-Seigneur Jésus-Christ lui-même dans son humanité, ce chef qui exhorte les autres membres ? « Approchez de lui et vous serez illuminés[5] ». Ou plutôt, c’est un chrétien qui vit de l’esprit, qui nous invite à nous approcher de Jésus-Christ Notre-Seigneur. Du moins approchons de lui, afin d’être éclairés, et non comme les Juifs, pour être plongés dans les ténèbres. Ils l’ont donc approché pour le crucifier, mais nous, approchons-nous de lui, pour recevoir son corps et son sang. Le crucifié les a couverts de ténèbres ; et nous, en mangeant la chair et en buvant le sang du crucifié, soyons dans la lumière. « Approchez-vous de lui, et vous serez illuminés ». C’est aux Gentils que s’adressent ces paroles. Le Christ à la croix était au milieu des Juifs, qui le voyaient et le traitaient cruellement ; les Gentils n’étaient point là, et voilà que ceux qui étaient dans les ténèbres se sont approchés, et ceux qui ne voyaient pas ont été remplis de lumière. Comment s’approchent les Gentils ? En le suivant parla foi, en exhalant les désirs de leurs cœurs, eu le poursuivant par l’amour. Tes pieds sont ton amour. Marche sur deux pieds, ne sois point boiteux. Quels sont ces deux pieds ? les deux préceptes de l’amour de Dieu et du prochain. Sur ces deux pieds, coure à Dieu, approche-toi de lui, car lui-même t’engage à courir, et il ne t’a donné sa lumière, que pour te donner le moyen de le suivre d’une manière admirable et divine ! « Car vos visages ne rougiront point. Approchez de lui », dit le Prophète, « et vous serez éclairés ; et vos sages n’auront point à rougir »[6]. Il n’aura pour rougir, que le visage de l’orgueilleux. Pourquoi ? parce qu’il veut être élevé, et qu’il rougit quand il doit dévorer un affront, subir quelque humiliation, quelque disgrâce du monde, ou quelque affliction. Mais ne craignez pas, approchez-vous de lui, et vous ne rougirez point. Qu’un ennemi vous nuise, il paraît avoir la supériorité sur vous, aux yeux des hommes ; et néanmoins vous lui êtes supérieur devant Dieu. Je l’ai fait prendre, je l’ai enchaîné, je l’ai fait mourir. Quelle supériorité ne se donnent point ceux qui tiennent ce langage ! Quelle supériorité ne se croyaient point les Juifs, quand ils souffletaient le Seigneur, quand ils lui crachaient au visage, quand ils frappaient sa tête d’un roseau, quand ils le revêtaient d’une tunique dérisoire ! Comme ils se croyaient forts ! Il paraissait faible au contraire ; celui qui heurtait contre le seuil de la porte[7], mais il ne rougissait point. Il était la lumière véritable, qui éclaire tout homme venant en ce monde[8]. Comme il n’y a point de confusion pour celle lumière, de même ceux qu’elle éclaire ne

  1. Isa. 65,24
  2. 1 Cor. 15,51
  3. Mt. 22,30
  4. Jn. 16,22
  5. Ps. 33,6
  6. Ps. 33,6
  7. 1 Sa. 21,13
  8. Jn. 1,9