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mort est la solde du péché »[1]. Que doit-on aux œuvres mauvaises ? la damnation ; et aux bonnes œuvres ? le ciel. Mais toi que l’on trouve dans les œuvres mauvaises, pour te rendre ce qui t’est dû, il faudrait te punir. Qu’arrive-t-il donc ? Sans t’infliger la peine que ta mérites, le Seigneur t’accorde la grâce que tu ne mérites point. Il te devait le châtiment, il t’accorde le pardon. Ainsi c’est parle pardon que tu commences à être dans la foi ; et cette foi, s’unissant à l’espérance et à la charité, commence à faire le bien : et néanmoins, garde-toi de te glorifier, de t’élever en toi-même ; souviens-toi de celui qui t’a mis dans le bon chemin ; souviens-toi qu’avec des pieds forts et agiles tu n’en étais pas moins égaré : n’oublie jamais que, languissant, et laissé à demi mort sur la voie, tu as été mis sur le cheval du samaritain, pour être conduit à l’hôtellerie[2]. « La récompense que l’on donne à celui qui travaille », dit saint Paul, « ne lui est pas imputée comme une grâce, mais comme une dette »[3]. Si donc tu ne veux aucune part à la grâce, fais valoir tes mérites. Quant à Dieu, il voit ce qui est en toi, il sait ce qui est dû à chacun. « Pour l’homme qui ne fait aucune œuvre »[4], poursuit saint Paul, prends donc un impie, un pécheur ; celui-là ne fait aucune œuvre. Que fait-il ? « Mais qui croit en celui qui justifie l’impie ». Dès lors qu’il ne fait aucune bonne œuvre, il est un impie ; et quand même il paraîtrait faire le bien, comme il est sans la foi, ses œuvres ne peuvent s’appeler bonnes. « Mais il croit en celui qui justifie l’impie, sa foi lui est imputée à justice. C’est ainsi que David a chanté le bonheur de celui à qui le Seigneur impute la justice sans les œuvres »[5]. Mais quelle est cette justice ? Celle de la foi que n’ont point précédée, mais que vont suivre les bonnes œuvres.
8. Soyez donc attentifs, mes frères ; car t’entendre mal, c’est vous exposer à tomber dans ce gouffre de l’impunité qu’on se promet en péchant : et moi, non plus que l’Apôtre, je ne suis point responsable de tous ceux qui peuvent mal interpréter mes paroles. Ceux qui le comprirent mal, agissaient à dessein ; ils redoutaient les bonnes œuvres qui devaient suivre. Ne faites point cause commune avec eux, mes frères. Un autre psaume a dit à propos d’un tel homme, et ce seul homme renferme toute une catégorie : « Il n’a pas voulu comprendre, de peur de faire le bien »[6]. Il n’est pas dit : Il n’a pu comprendre. Pour vous, mes frères, ayez la volonté de comprendre, afin que vous fassiez le bien. L’intelligence ne vous manquera point, et même elle arrivera jusqu’à l’évidence. Qu’y a-t-il d’évident pour celui qui a compris ? Que nul ne doit vanter les bonnes œuvres qui ont précédé la foi, et après la foi n’en négliger aucune. Dieu fait donc miséricorde à tous les impies, et les sauve par la foi.
9. « Bienheureux ceux dont les fautes sont remises, et dont les péchés ont été couverts. Bienheureux l’homme à qui Dieu n’a point imputé son crime, et dont la bouche ne distille point la fraude »[7]. Dès le commence-ment du psaume, nous en avons l’intelligence, et cette intelligence consiste à bien savoir que nous ne devons ni nous vanter de nos mérites, ni espérer témérairement l’impunité de nos fautes. Car voici le titre du psaume : « A David, intelligence ». C’est donc un psaume d’intelligence ; et le premier effet de cette intelligence, c’est de te reconnaître pécheur. Le second effet, c’est de n’attribuer point à tes forces, mais à la grâce de Dieu, les bonnes œuvres qui seront les premiers fruits de ta foi dans la charité[8]. C’est ainsi qu’il n’y aura aucun déguisement dans ton cœur, c’est-à-dire dans la bouche de l’homme intérieur, et tu n’auras point des paroles pour les lèvres, et des paroles pour le cœur. Tu ne ressembleras point aux Pharisiens dont il est dit « Vous êtes comme des sépulcres blanchis ; au-dehors, vous avez pour les hommes des apparences de justice ; au dedans, vous êtes pleins de déguisement et de ruses »[9]. Et en effet, le pécheur qui veut qu’on le regarde comme un juste, n’est-il pas un fourbe ? Tel n’était pas Nathanaël dont le Sauveur a dit « Voilà un véritable Israélite, qui est sans déguisement »[10]. Mais pourquoi n’y avait-il aucun déguisement dans Nathanaël ? « Quand tu étais sous le figuier je te voyais »[11]. Il était sous le figuier, c’est-à-dire sous la condition de la chair ; et il était sous les conditions de la chair parce qu’il était dans l’impiété native. Il était sous ce figuier qui arrache au psalmiste ce gémissement : « Voilà que

  1. Rom. 6,23
  2. Lc. 10,30
  3. Rom. 4,4
  4. Id. 5
  5. Id. 5,6
  6. Ps. 35,3
  7. Id. 31,1-2
  8. Gal. 5,6
  9. Mt. 23,27
  10. Jn. 1,47
  11. Id. 48