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vérité. La vérité n’a point une forme anguleuse, ou sphérique, ou oblongue. Elle est présente partout où les yeux du cœur s’ouvrent pour la regarder. Or, Dieu incline son oreille vers nous, quand il fait descendre sur nous sa miséricorde. Mais est-il un plus grand acte de miséricorde que de nous donner son Fils unique, non pas afin qu’il vive avec nous, mais afin qu’il meure pour nous ? « Inclinez vers moi votre oreille ».
8. « Hâtez-vous de me délivrer[1] ». Dieu l’a déjà exaucé quand il dit : « Hâtez-vous ». Ce mot doit nous faire comprendre que cette durée accordée à l’écoulement successif des siècles et qui nous paraît longue, n’est qu’un instant. Une durée n’est point longue, si elle doit finir. Depuis Adam jusqu’à nos jours, bien du temps s’est écoulé ; beaucoup plus assurément qu’il n’en reste à écouler. Si Adam vivait encore, pour mourir actuellement, de quoi lui servirait d’exister encore, et d’avoir tant vécu ? Pourquoi donc cette promptitude : « Hâtez-vous ? » C’est que le temps s’envole, et ce qui vous paraît long, est court aux yeux de Dieu. Cette rapidité, le Prophète l’avait comprise dans son extase, et il s’écriait : « Hâtez-vous de me secourir. Soyez pour moi un Dieu protecteur, soyez mon asile et sauvez-moi. » Soyez pour moi une retraite assurée, soyez mon Dieu protecteur, soyez – mon lieu de refuge. Souvent je me trouve dans le péril, je cherche à fuir ; mais où fuir ? Dans quel asile serai-je en sûreté ? Dans quelle montagne ? Dans quelle caverne ? Dans quelle enceinte fortifiée ? Dans quels remparts ? Quelle citadelle m’abritera ? Quels boulevards pourront m’environner ? Partout où je vais, je me retrouve. O homme ! la fuite peut te dérober à tout ce que tu voudras, excepté à ta conscience. Entre dans ta maison pour reposer sur ta couche, rentre dans ton cœur, tu n’y trouveras aucun abri entre les poursuites de ta conscience, contre les remords de ton péché. Mais le Prophète s’écrie : Hâtez-vous de me secourir, délivre-moi dans votre justice, afin de me pardonner mes fautes, et d’établir en moi votre justice. Vous serez pour moi un asile, c’est en vous que je veux me réfugier. Car où puis-je aller pour vous fuir ? Dieu te poursuit dans sa colère, où trouver un asile ? Écoute ce que dit ailleurs le Prophète qui craint sa colère « Où irai-je devant votre esprit ? où fuir devant votre face ? Si je monte au ciel, vous y êtes ; si je descends dans les enfers, vous voilà »[2]. En quelque lieu que je puisse aller, je vous rencontre. Si vous êtes irrité contre moi, je vous y trouve pour me châtier, et pour m’assister, si vous m’êtes favorable. Toute ma ressource est donc de m’enfuir vers vous, et non loin de vous. Pour échapper à un maître dont tu es l’esclave, tu cherches un asile dans ces lieux où il n’est plus maître. Pour échapper au Seigneur, cherche un asile en Dieu, car tu ne peux te dérober à Dieu. Tout est présent, tout est à découvert aux yeux du Tout-Puissant. C’est donc vous, ô Dieu, qui serez mois refuge, dit le Prophète. Mais si je ne suis guéri, comment fuir ? Guérissez-moi donc, et je courrai vers vous. Car si vous ne me guérissez, je ne puis marcher, et comment fuir ? Où peut aller, où pourrait fuir cet homme, laissé à demi mort sur le grand chemin, couvert de blessures par les voleurs, et qui ne peut marcher ? Cet homme négligé par le prêtre qui passe outre, négligé par le lévite qui passe outre, et que prend en pitié le Samaritain qui vient à passer[3], ou plutôt le Seigneur qui a pitié du genre humain. Samaritain signifie gardien. Mais qui nous gardera, si le Seigneur nous abandonne ? C’est donc avec raison que dans ces paroles outrageantes des Juifs à Jésus-Christ : « N’avons-nous pas raison de dire que vous êtes « un Samaritain et un possédé du démon ? »[4] le Sauveur repousse un outrage et accepte l’autre : « Pour moi », dit-il, « je ne suis point possédé du démon ». Il ne dit point : Je ne suis pas un Samaritain, voulant nous faire entendre qu’il est notre gardien. Il a donc pris en pitié ce malheureux, s’en est approché, a bandé ses plaies, l’a conduit à l’hôtellerie, accomplissant envers lui les devoirs de la miséricorde ; déjà cet homme peut marcher et même fuir. Mais où fuir, sinon vers le Seigneur qu’il a choisi pour son asile ?
9. « C’est vous qui êtes ma force et mon refuge, et à cause de votre nom, vous serez mon guide et mon aliment »[5]. Ce n’est point à cause de mes mérites, « mais à cause de votre nom » ; pour faire éclater votre gloire, et non parce que j’en suis digne. « Vous serez mon guide », afin que je ne m’égare pas loin de vous. « Vous serez mon aliment », afin

  1. Ps. 30,3
  2. Ps. 38,7-8
  3. Lc. 10,30
  4. Jn. 8,48
  5. Ps. 30,4