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crainte, le Seigneur ne peut se tromper. Tu as besoin d’un souffle pour séparer la paille du bon grain ; tu veux un vent qui souffle, et comme tu n’es pas toi-même ce souffle puissant, tu souhaites que le vent vienne à ton aide ; et quand en vannant tu secoues la paille et le froment, le vent chasse tout ce qui est léger, et respecte ce qui a du poids. Tu as donc recours au vent pour démêler ce qui est dans ta grange. Mais Dieu a-t-il besoin qu’on l’aide à juger, pour ne point perdre les bons avec les méchants ? Sois donc sans crainte, et demeure en toute sécurité, même avec les méchants ; et dis avec le Prophète : « Seigneur, j’ai aimé la splendeur de votre maison »[1]. Cette maison de Dieu, c’est l’Église, qui renferme sans doute beaucoup d’impies ; mais la splendeur de cette maison de Dieu est dans les justes et dans les saints : et telle est la splendeur que j’aime en elle. « J’ai aimé ce lieu où habite votre gloire ». Quel est le sens de ces paroles ? Ces paroles, je l’avoue, ont encore le sens, quelque peu obscur, exposé plus haut Que le Seigneur me vienne en aide, et dispose vos cœurs à l’attention. Qu’est-ce que Je Prophète appelle : « Ce lieu où réside voire gloire ? » Il vient de dire : « La splendeur de votre maison » ; et, pour expliquer cette splendeur, il ajoute : « Le lieu où réside votre gloire ». Il ne lui suffit pas de dire : « Le lieu qu’habite le Seigneur » ; mais : « Le lieu où réside la gloire de Dieu ». Quelle est cette gloire de Dieu ? C’est d’elle que je disais tout à l’heure, que celui qui devient bon, ne se glorifie pas en lui-même, mais bien en Dieu[2]. « Car tous ont péché, et tous ont besoin de la gloire de Dieu »[3]. Ceux-là, dès lors, en qui le Seigneur habite, de manière à se glorifier lui-même de ses dons, qui ne veulent point s’attribuer et revendiquer comme leur bien ce qu’ils ont reçu de Dieu, ceux-là forment la splendeur de la maison de Dieu. L’Écriture ne les distinguerait point si spécialement, s’il n’y en avait d’autres qui possèdent les dons de Dieu, à la vérité, mais qui, loin de se glorifier en Dieu, se glorifient en eux-mêmes : ils ont en effet les dons de Dieu, mais ne contribuent point à la splendeur de son palais. Car ceux qui contribuent à la splendeur de cette habitation, et en qui réside sa gloire, sont le lieu qu’habite sa gloire. Mais en qui réside la gloire de Dieu, sinon en ceux qui se glorifient de telle sorte qu’il en résulte, non leur propre gloire, mais celle du Seigneur ? Donc, parce que j’ai aimé la gloire de votre maison, c’est-à-dire tous ceux qui sont à vous et qui recherchent votre gloire, parce que je n’ai point mis ma confiance dans un homme, que je n’ai point donné mon assentiment aux impies, que je ne veux ni entrer ni m’asseoir dans leurs assemblées ; parce que telle a été ma conduite dans l’Église de Dieu, quelle sera ma récompense ? Le verset suivant nous donne la réponse : « Ne perdez pas mon âme avec les impies, et ma vie avec les hommes sanguinaires »[4].
13. « Leurs mains sont pleines d’iniquités, leurs droites souillées de présents »[5]. Les présents ne sont pas seulement la richesse, l’or, l’argent, les objets précieux ; et tous ceux qui les reçoivent, ne les reçoivent pas en présents pour cela. L’Église en reçoit quelquefois, et même Pierre en reçut, le Seigneur en reçut, il eut une bourse, et l’argent qu’on y jetait, Judas le dérobait[6]. Qu’est-ce que recevoir des présents ? Celui qui juge d’une manière inique, non seulement par amour de l’or ou de l’argent, ou d’autres richesses, mais par vaine gloire, reçoit un présent, et un présent des plus vains. Il a ouvert la main pour recevoir le témoignage d’une langue étrangère, et il a perdu le témoignage de sa conscience, Donc « leurs mains sont pleines d’iniquités, et leurs droites souillées de présents ». Vous voyez, mes frères, qu’ils sont sous l’œil de Dieu, ceux dont les mains ne sont point entachées d’iniquités, dont la droite n’est pas souillée de présents ; ils sont sous l’œil de Dieu, et ne peuvent dire qu’à lui seul : Vous le savez, Seigneur ; à lui seul ils peuvent dire : « Ne perdez pas mon âme avec les impies, et ma vie avec les hommes sanguinaires » ; lui seul peut voir qu’ils ne reçoivent aucun présent. Ainsi, mes frères, deux hommes ont à vider un différend devant un serviteur de Dieu ; chacun ne voit de justice que dans sa cause. S’il croyait sa cause injuste, il n’aurait point recours au juge. L’un se croit dans la justice, l’autre aussi. On se présente au juge. Avant la sentence, chacun dit : Nous acceptons votre arbitrage, à Dieu ne plaise que nous rejetions votre sentence ! Pour vous, que dites-vous ? prononcez selon vos vues, seulement, prononcez : Anathème à moi si je cherche

  1. Ps. 25,8
  2. 1 Cor. 1,31
  3. Rom. 1,23
  4. Isa. 25,9
  5. Id. 10
  6. Jn. 12,6