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entrez avec les méchants dons les murailles de cette Église, vous n’entrerez pas avec les méchants dans le sein d’Abraham. Ne craignez donc point de purifier vos mains. « J’embrasserai l’autel du Seigneur » : cet autel où tu offres tes vœux à Dieu, où tu répands tes prières, où ta confiance est pure, où tu dis à Dieu ce que tu es ; et si quelque chose eu toi pouvait déplaire à Dieu, celui qui reçoit tes aveux te guérirait. Lave donc tes mains parmi les justes, embrasse l’autel du Seigneur afin d’entendre la voix de ses louanges.
11. C’est en effet ce qui suit : « Afin d’entendre la voix de vos louanges et de publier vos merveilles »[1]. Qu’est-ce à dire : « Entendre la voix de vos louanges ? » C’est-à-dire, afin que je comprenne. Entendre, en effet, devant Dieu, ce n’est point percevoir des sons que beaucoup entendent, et que beaucoup d’autres n’entendent pas. Combien entendent pour nous, qui sont sourds à l’égard de Dieu ! Combien ont des oreilles, mais non ces oreilles dont Jésus parlait, quand il s’écriait : « Que celui-là entende qui a des oreilles pour entendre »[2]. Que signifie donc entendre la voix de la louange ? Je le dirai, s’il m’est possible, avec le secours de Dieu et de vos prières. Entendre la voix de la louange, c’est comprendre intérieurement, que tout ce qui est en toi corrompu par le péché, vient de loi ; que tout ce qu’il y a de bon et de juste, vient de Dieu. Entends donc la voix de la louange, de manière à ne point te louer toi-même, quelle que soit ta justice. Louer ta bonté, c’est devenir mauvais. L’humilité t’avait fait bon, l’orgueil te rend méchant. Tu avais cherché la lumière dans ta conversion, et voilà que cette conversion t’a rendu lumineux, tu es devenu éclatant. Mais à qui t’es-tu converti ? à toi-même ? Si tu pouvais être illuminé en retournant à toi-même, tu ne serais jamais dans les ténèbres, parce que tu serais toujours avec loi. D’où te vient donc la lumière ? de ta conversion vers ce qui n’était pas toi. Et qu’est-ce qui n’était pas toi ? Dieu qui est la lumière. Tu n’étais pas lumière, à cause de tes péchés. Voulant faire entendre aux fidèles cette voix de la louange, l’Apôtre leur dit : « Autrefois vous étiez ténèbres, et maintenant vous êtes lumière »[3]. Que signifie : « Vous u étiez autrefois ténèbres », sinon que le vieil homme était eu vous ? Maintenant vous êtes lumière, et ce n’est pas sans raison, qu’après avoir été ténèbres, vous êtes lumière, puisque vous avez été éclairés. Garde-toi de te croire lumière par toi-même : la lumière est « celle qui éclaire tout homme venant en ce monde »[4] Quant à toi, ta nature, la volonté perverse, ton éloignement de Dieu t’avaient rendu ténébreux, et maintenant tu es lumière. Mais, de peur d’enorgueillir ceux qu’il félicite en disant : « Vous êtes lumière », l’Apôtre ajoute : « Dans le Seigneur ». Car il dit : « Vous fûtes autrefois ténèbres, et maintenant vous êtes lumière dans le Seigneur ». Si donc il n’y a pas de lumière en dehors du Seigneur, et si vous êtes lumière, précisément parce que vous êtes en lui, « qu’avez-vous, que vous n’ayez reçu ? Et si vous l’avez reçu, pourquoi vous glorifier comme si vous ne l’aviez pas reçu ? »[5] Tel est, dans un autre endroit, le langage de l’Apôtre aux hommes orgueilleux, et qui veulent s’attribuer les dons de Dieu, se glorifier du bien qu’ils ont, comme s’il venait d’eux-mêmes. Qu’avez-vous, leur dit-il, que vous n’ayez reçu ? Si vous l’avez, pourquoi vous en glorifier, comme si vous ne l’aviez pas reçu ? Celui qui donne à l’humble, enlève aux superbes ; car celui qui peut donner, peut reprendre. C’est là le sens, mes frères, si toutefois je vous l’ai fait comprendre, autant que je le voulais ; mais si ce n’est autant que je l’aurais voulu, c’est du moins comme je l’ai pu ; tel est le sens de ces paroles : « Je laverai mes mains avec les justes, et j’embrasserai votre autel, ô mon Dieu, afin d’entendre la voix de votre louange » ; c’est-à-dire, afin que le bien qui est en moi, ne me donne point une confiance présomptueuse en moi, mais une confiance en vous qui me l’avez donné, et que je ne cherche point ma gloire en moi-même, mais la vôtre et en vous. Aussi le Prophète a-t-il ajouté : « Afin que j’écoute la voix de votre louange, et que je raconte vos merveilles ». Oui, vos merveilles, et non les miennes.
12. Et maintenant, mes frères, voyez l’homme qui aime Dieu, qui a mis sa confiance en Dieu, le voilà au milieu des méchants, et il demande à Dieu de n’être point perdu avec ces méchants, parce que Dieu est infaillible dans ses jugements. Pour toi, si tu vois des hommes réunis dans un même lieu, lu les crois égaux en mérite ; mais sois sans

  1. Ps. 25,7
  2. Mt. 13,9
  3. Eph. 5,8
  4. Jn. 1,9
  5. 1 Cor. 4,7