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sa colère ». Les hommes, touchés de repentir à la vue des menaces du Seigneur contre les impies, ont fait monter vers le ciel des prières et des larmes. « Un feu s’est allumé en sa présence[1] ». Au repentir a succédé le feu de la charité, qu’allumait la connaissance du Seigneur. « Des charbons ont été embrasés ». Ceux qui étaient déjà morts, n’ayant plus ni le feu des saints désirs, ni la lumière de la justice, qui étaient plongés dans de froides ténèbres, ont reçu de nouveau le feu et la lumière de la vie.
10. « Il a abaissé les cieux, et il est descendu ». Il a humilié le juste qui s’est abaissé jusqu’à la faiblesse des hommes. « Les ténèbres étaient sous ses pieds[2] », Aveuglés par leur malice, les méchants ne l’ont pas connu, eux qui goûtent les choses de la terre, et la terre est sous les pieds du Seigneur, elle est comme son marchepied.
11. « Il est monté sur les chérubins et a pris son vol[3] ». Il s’est élevé au-dessus de la plénitude de la science, afin que nul ne pût venir à lui que par la charité. Car la charité est la plénitude de la loi[4]. Et bientôt il s’est montré incompréhensible à ceux qui l’aimaient, de peur qu’ils ne crussent que l’on pouvait le comprendre au moyen des images temporelles. « Son vol était plus rapide que celui des vents » ; c’est-à-dire que la promptitude avec laquelle il s’est montré incompréhensible dépasse ces vertus qui sont pour l’âme comme des ailes, dont elle se sert pour s’élever des frayeurs de la terre dans les régions de la liberté.
12. « Il a choisi les ténèbres pour sa retraite[5] ». Il a choisi l’obscurité des sacrements, l’espérance qui est invisible dans le cœur des fidèles, pour s’y cacher, sans néanmoins les abandonner. Il se cache aussi dans ces ténèbres où nous marchons encore par la foi, et non par la claire vue[6], tant que nous espérons ce que nous ne voyons pas encore, et que nous l’attendons par la patience[7]. « Son tabernacle est autour de lui ». Ceux qui se convertissent et croient en lui l’environnent de toutes parts ; il est au milieu d’eux, parce qu’il répand sur eux d’égales faveurs, et qu’en cette vie il habite en eux comme dans une tente. « Il y a dans les nuages de l’air une eau ténébreuse ». Que nul ne s’imagine que l’intelligence des Écritures lui donnera cette lumière dont nous jouirons quand nous aurons passé de la foi à la vision. Il y a quelque chose d’obscur dans la doctrine des Prophètes, et de tout prédicateur de la parole de Dieu.
13. « En comparaison de la lumière de sa présence[8] » ; en comparaison de cette splendeur qu’il fera éclater en se manifestant à nous. « Ses nuées ont passé » ; voilà que les hérauts de sa parole ne se restreignent plus dans les confins de la Judée, mais passent chez les nations. « Voilà que tombent la grêle et les charbons ardents ». C’est la figure de ces reproches qui doivent tomber comme une grêle sur les cœurs endurcis ; mais s’agit-il d’une terre cultivée et douce, ou mieux d’une âme pieuse, cette grêle se change en eau ; c’est-à-dire que ces menaces dures comme les glaçons, redoutables et impétueuses comme la foudre, se changent en une doctrine désaltérante, au feu de la charité les cœurs prennent une vie nouvelle. Voilà ce qu’ont produit parmi les Gentils, les nuées du Seigneur.
14. « Du haut des cieux le Seigneur a tonné[9] ». Le Seigneur s’est fait entendre de ce cœur juste qu’animait la confiance pour prêcher l’Évangile. « Et le Très-Haut a fait retentir sa voix », afin qu’elle arrivât jusqu’à nous, et que du profond abîme des choses humaines, nous pussions entendre les choses célestes.
15. « Il a décoché ses flèches, et les a dispersés[10] ». Il a envoyé les Évangélistes sur les ailes des vertus, et ils ont tracé dans leur vol des chemins droits, non par leurs propres forces, mais par la force de Celui qui les envoyait. Il a dispersé ceux à qui il les envoyait, de sorte qu’ils ont été aux uns une odeur de vie pour la vie, aux autres une odeur de mort pour la mort[11]. « Il a multiplié ses foudres et les a jetés dans la stupeur ». Ses miracles nombreux les consternaient.
16. « Alors ont apparu les sources d’eau vive[12] ». Alors apparurent ceux que leurs prédications changeaient en sources d’eau vive, rejaillissant jusqu’à la vie éternelle[13]. « Et les fondements du monde ont été mis à découvert ». Alors a été connu ce qui demeurait caché dans les Prophètes, qui sont la base de ce monde rattaché à Dieu par la foi. « Au bruit de vos menaces, ô Dieu », quand

  1. Ps. 17,9
  2. Id. 10
  3. Id. 11
  4. Rom. 13,10
  5. Ps. 17,12
  6. 2 Cor. 5,7
  7. Rom. 8,25
  8. Ps. 17,13
  9. Id. 14
  10. Id. 15
  11. 2 Cor. 2,16
  12. Ps. 17,6
  13. Jn. 4,14