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c’est, plus que d’être juste ; et pourtant saint Paul, en disant que nous sommes justice, veut signifier que nous sommes justes. Nous ne sommes pas en effet cette justice immuable à laquelle nous – participons. Comme on dit une nombreuse jeunesse pour désigner de nombreux jeunes gens, on dit aussi justice pour désigner des justes. Voyez-le plus clairement dans ces paroles du même Apôtre : « Afin, dit-il, due nous soyons en lui justice de Dieu [1] ». Justice de Dieu et non de nous ; justice reçue de lui et non puisée en nous ; justice obtenue et non usurpée, donnée et non ravie. Il y eut un être qui usurpa en cherchant à s’égaler à Dieu ; aussi trouva-t-il sa ruine dans cette ambition. Mais Jésus-Christ Notre-Seigneur étant de la nature de Dieu, « ne crut pas usurper en s’égalant à lui ». Comment d’ailleurs aurait-il usurpé, puisque par nature il était son égal ? Toutefois « il s’anéantit lui-même en prenant une nature d’esclave[2], afin que nous soyons en lui justice de Dieu ». Ah ! s’il n’avait accepté notre indigence, nous ne cesserions pas d’être pauvres. Mais étant riche il s’est fait pauvre, « afin de nous enrichir par sa pauvreté », dit l’Écriture[3]. Que ne devons-nous donc pas espérer de ses richesses, puisque sa pauvreté même contribue à nous enrichir ? – Ainsi l’Apôtre ne nie pas que tu sois circoncis ; seulement il explique la circoncision, il apporte la lumière et chasse les ombres.

3. « Nous sommes, dit-il, la circoncision, « nous qui servons Dieu en esprit, qui nous glorifions dans le Christ Jésus et qui ne mettons pas notre confiance dans la chair ». Il avait en vue des hommes qui mettaient dans la chair leur confiance, qui se glorifiaient de la circoncision charnelle ; et d’eux il disait encore : « Qu’ils font un Dieu de leur ventre et qu’ils mettent leur honneur dans leur ignominie[4] ». Comprends mieux, toi, la circoncision, sois la circoncision ; comprends et agis, car il est bon de comprendre quand on pratique[5] ». Ce n’est pas sans raison que l’enfant devait être circoncis le huitième jour[6]. Le Christ n’est-il pas la Pierre qui nous circoncit ? Le peuple juif fut circoncis avec, des couteaux de pierre[7] ; mais la pierre désignait le Christ[8] ; et si l’opération se pratiquait le huitième jour, c’est que, dans la succession des semaines, le huitième jour est le premier, puisque les sept jours écoulés on revient au premier. Quand finit le septième, le Sauveur est encore au tombeau ; il ressuscite quand reparaît le premier, et sa résurrection est pour nous la promesse du jour éternel comme elle est la consécration du dimanche. Dimanche en effet paraît se rapporter à Seigneur, dominicus ad Dominum ; ce qui s’explique parce que le Sauveur est ressuscité ce jour-là. C’est la Pierre qui nous a été rendue en ce moment. Faites-vous donc circoncire, vous qui voulez dire : « Nous qui sommes la circoncision. Car il s’est sacrifié pour nos péchés, et il est ressuscité pour notre justification [9] ». Cette justification ou cette circoncision ne vient pas de toi. « C’est la grâce qui vous a sauvés par la foi, et cela ne vient pas de vous, car c’est un don de Dieu, ni de vos œuvres[10] ». Ne dis donc pas : Si j’ai reçu, c’est que j’ai mérité ; ne crois pas avoir reçu à cause de tes mérites, – puisque tu n’en aurais point si tu n’avais reçu. Ainsi la grâce a devancé le mérite : ce n’est pas la grâce qui vient du mérite, mais le mérite qui vient de la grâce. Si la grâce venait du mérite, ce serait un achat et non, pas un don gratuit. « Vous les sauverez pour rien[11] ». Que signifie : « Vous les sauverez pour rien ? » Vous ne trouvez en eux rien qui mérite le salut, et pourtant vous le leur accordez. Vous donnez, vous sauvez gratuitement. Vos dons précèdent tous mes mérites, afin que, mes mérites suivent vos dons. Vous donnez donc et vous sauvez gratuitement, puisqu’au lieu de trouver en moi de quoi vous porter à me sauver, vous y trouvez tant de motifs de me condamner.

4. Donc, dit-il, « c’est nous qui sommes la circoncision, qui servons l’Esprit de Dieu et qui nous glorifions en Jésus-Christ ». Car celui qui se glorifie doit se glorifier dans le Seigneur[12]. « Sans mettre notre confiance dans la chair ». Qu’est-ce que mettre sa confiance dans la chair ? Le voici. « Et pourtant, continue l’Apôtre, moi aussi j’ai sujet d’y mettre ma confiance, j’ai même sujet plus que beaucoup d’autres ». Ne vous figurez point que je dédaigne ce que je ne puis avoir. Est-il étonnant qu’un homme du bas peuple et de

  1. 2Co. 5, 21
  2. Phi. 2, 6-7
  3. 2Co. 8, 9
  4. Phi. 3, 19
  5. Psa. 110, 10
  6. Gen. 16, 12 ; Lev. 11, 3
  7. Jos. 5, 2
  8. 1Co. 10, 4
  9. Rom. 4, 25
  10. Eph. 2, 8-9
  11. Psa. 55, 8
  12. 1Co. 1, 51