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Seigneur ne délaissait pas son Apôtre, vois ce qu’il répondit à sa prière, répétée trois fois Dieu me dit, poursuit-il : ma grâce te suffit, « car la vertu se perfectionne dans la faiblesse[1] ». Je sais ce qu’il en est, dit le divin Médecin ; je sais quelles proportions prendrait cette tumeur dont je veux te guérir. Sois tranquille, je n’ignore pas ce que j’ai à faire. « Ma grâce te suffit », mais non pas ta volonté. Ainsi s’exprimait donc ce soldat dans la mêlée ; ainsi disait-il les dangers qu’il courait et le secours divin qu’il implorait.

9. Et maintenant quels seront les chants de triomphe ? Le combattant parle pendant qu’on bâtit le temple ; au vainqueur de s’écrier, quand enfin on en fera la dédicace : « O mort, « où est ton ardeur ? O mort, où est ton aiguillon ? L’aiguillon de la mort est le péché ». Ainsi s’exprimait l’Apôtre, et ne dirait-on pas qu’il y était déjà ? Mais pour nous faire entendre qu’il s’agit ici, non pas de la lutte actuelle, mais de la récompense future, il a dit auparavant : « Alors s’accomplira », non pas s’accomplit ; alors s’accomplira », quoi ? cette parole de l’Écriture : « La mort a succombé dans sa victoire. O mort, où est ton ardeur ? O mort, où est ton aiguillon ? » Ainsi il n’y aura plus nulle part ni aiguillon de la mort, ni péché, par conséquent. Pourquoi te tant hâter ? Plus tard, plus tard. Mérite pour plus tard par ton humilité ; car l’orgueil t’empêcherait d’obtenir jamais ce bonheur. Plus tard : maintenant donc, pendant que tu luttes, pendant que tu te fatigues et que tu cours des dangers, répète, répète : « Pardonnez-nous nos offenses[2] ». Répète en combattant, répète ce qui est vrai, répète de tout ton cœur : « Si nous prétendons être sans péché, nous nous séduisons nous-mêmes[3] ». Ce serait faire contre toi l’office même du diable. « Nous nous séduisons nous-mêmes, et la vérité n’est point en nous » ; car n’étant point ici-bas sans péché, nous mentons en prétendant en être exempts. Disons donc la vérité, afin d’arriver un jour à la tranquillité. Disons la vérité en combattant, afin d’arriver à la sécurité que donne la victoire. Nous dirons alors avec raison : « O mort, où est ton aiguillon ? L’aiguillon de la mort est le péché ».

10. Mais tu comptes sur la loi ; car une loi t’a été donnée avec ses préceptes. Afin toutefois de n’être pas tué par la lettre, il convient que l’Esprit te donne là vie. J’accorde que tu aies bonne volonté ; la bonne volonté ne te suffit pas. Tu as besoin d’être aidé pour vouloir pleinement et accomplir ce que tu veux. Veux-tu savoir ce que peut, sans le secours de l’Esprit de Dieu, la lettre qui commande ? Tu le trouveras dans le même passage. Après avoir dit : « O mort, où est ton aiguillon ? » l’Apôtre ajoute immédiatement : « La force du péché est la loi[4] ». Comment la loi est-elle la force du péché ? » Ce n’est ni en commandant le mal, ni en défendant le bien, mais au contraire en commandant le bien et en défendant le mal. « La loi est la force du péché », parce que la loi est entrée pour faire abonder le péché ». Comment la loi a-t-elle fait abonder le péché ? » C’est que la grâce n’y étant pas, la défense n’a fait qu’enflammer la convoitise ; et en présumant de sa propre force, l’homme est tombé dans de graves désordres. Qu’a fait ensuite la grâce ? « Elle a surabondé, là où avait abondé le péché[5] ». Le Seigneur est venu ; et tout ce que tu as emprunté à Adam, tout ce que tu as ajouté au vice originel par tes mœurs dépravées, a été effacé, pardonné entièrement par lui ; il a de plus enseigné à prier et promis la grâce, appris à combattre, aidé le combat. tant et couronné le vainqueur. « Ainsi donc, dit l’Apôtre, la loi est sainte, et le commandement saint, juste et bon. Ce qui est bon serait-il devenu pour moi la mort ? Nullement. Mais le péché, pour se montrer péché », car il existait avant la défense, mais on ne le voyait pas : « puisque je ne connaîtrais pas – la convoitise, si la loi ne disait : Tu ne convoiteras pas. Prenant donc occasion du commandement, le péché m’a séduit par a lui et par lui m’a tué[6] ». Voilà ce que signifie : « La lettre tue[7] ».

11. De là il suit que pour échapper aux menaces de la loi, tu dois recourir à la grâce de l’Esprit ; car la foi fait espérer ce que commande la loi. Crie donc vers ton Dieu, demande qu’il vienne à ton aide. Ne demeure pas coupable sous le fardeau de la lettre ; que Dieu par son Esprit te seconde, pour que tu ne ressembles pas au juif superbe. Le péché étant l’aiguillon de la mort, et la loi la force du péché, que pourrait, hélas ! la faiblesse humaine

  1. 2Co. 12, 7-9
  2. Mat. 6, 12
  3. 1Jn. 1, 8
  4. 1Co. 15, 51-56
  5. Rom. 5, 20
  6. Rom. 7, 7-13
  7. 2Co. 3, 6