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bon état ? A l’espérance joins donc aussi la charité. C’est la voie suréminente dont parle ainsi l’Apôtre Voici la voie suréminente : quand je parlerais les langues des hommes et des anges, si je n’ai pas la charité, je suis semblable à un airain sonore ou à une cymbale retentissante ». L’Apôtre poursuit ensuite son énumération et assure que sans la charité tous les avantages ne sont rien. Conservons donc la foi, l’espérance et la charité[1]. La charité l’emporte sur tout ; appliquez-vous à la charité, et par là rendez votre foi différente, vous qui êtes du nombre des prédestinés, des appelés et des glorifiés. Saint Paul dit encore : « Ni la circoncision, ni l’incirconcision ne servent de rien, mais la foi ». O Apôtre, ne vous arrêtez pas, parlez encore, signalez la différence, car les démons croient aussi et ils tremblent » ; indiquez donc la différence qui doit distinguer notre foi de celle des démons, qui tremblent parce qu’ils haïssent ; parlez, Apôtre, distinguez ma foi et séparez ma cause de celle des impies[2]. Il le fait clairement et voici en quels termes : « La foi qui agit avec amour », dit-il[3].

7. A chacun donc, mes frères, de s’examiner intérieurement, de se peser, de se juger, dans tous ses actes et dans toutes ses bonnes œuvres, pour reconnaître ce qu’il fait avec charité, sans attendre de récompense temporelle, mais seulement ce que Dieu a promis, le bonheur de le voir. Quelles que soient en effet les promesses de Dieu, sans lui tout n’est rien. Non, Dieu ne me satisferait point, s’il ne se promettait lui-même à moi. Qu’est-ce que toute la terre ? Qu’est-ce que toute la mer ? Qu’est-ce que le ciel entier, et tous les astres, et le soleil et la lune et tous les chœurs des anges ? C’est du Créateur de toutes ces merveilles que j’ai soif ; c’est de lui que j’ai faim. J’ai soif de lui et je lui dis : « En vous est la source de vie[4] », il me dit de son côté : « Je suis le pain descendu du ciel ![5] ». Ah ! que j’aie faim et soif dans mon pèlerinage, pour être rassasié quand je serai au terme. Le monde me sourit par une variété immense de créatures éclatantes en beauté et en force : mais que le Créateur est à la fois bien plus beau, bien plus fort, bien plus éclatant et bien plus agréable ! « Je serai rassasié, lorsqu’apparaîtra votre gloire dans son éclat[6] ». Si donc vous avez cette foi qui agit avec amour, vous êtes du nombre des prédestinés, des appelés, des justifiés : faites-la donc croître en vous. Cette foi qui agit par amour est inséparable de l’espérance. L’aurons-nous encore lorsque nous serons au terme ? Alors encore nous dira-t-on de croire ? Assurément non ; car nous verrons alors et nous contemplerons face à face. « Mes bien-aimés, nous sommes les enfants de Dieu, et ce que nous serons n’a point paru encore ». Cela n’a point paru, car c’est encore la foi. « Nous sommes les enfants de Dieu », prédestinés, appelés, justifiés par lui. « Nous sommes enfants de Dieu, et ce que nous serons n’a point paru encore ». Avant donc de voir ce que nous serons ; croyons aujourd’hui. « Nous savons que lorsqu’il se montrera nous lui serons semblables ». Est-ce parce que nous croyons ? Non. Pourquoi donc ? « Parce que nous le verrons tel qu’il est[7] ».

8. Et l’espérance ? y en aura-t-il encore ? Non, puisque nous posséderons la réalité. L’espérance est nécessaire au voyageur, c’est elle qui le soutient sur la route ; car s’il supporte courageusement les fatigues de la marche, c’est qu’il compte arriver au terme. Qu’on lui ôte cette espérance, ses forces s’affaissent aussitôt. Ce qui fait voir que l’espérance actuelle nous est nécessaire pour pratiquer la justice durant notre pèlerinage. Écoute l’Apôtre : « En attendant l’adoption, dit-il, nous gémissons encore en nous-mêmes ». Quand il y a encore gémissement, peut-on reconnaître la félicité dont il est dit dans l’Écriture : « Plus de fatigue ni de gémissements[8] ? » Ainsi, dit saint Paul, « nous gémissons encore en nous-mêmes, attendant l’adoption et la délivrance de notre corps ». Nous gémissons encore. Pourquoi ? C’est que nous sommes sauvés en espérance. Or, l’espérance qui se voit, n’est pas de l’espérance. Qui espère ce qu’il voit ? Mais si nous espérons ce que nous ne voyons pas, nous attendons avec patience ». C’est avec cette patience que les martyrs méritaient la couronne, aspirant à ce qu’ils ne voyaient pas et dédaignant ce qu’ils souffraient ; et ils disaient, avec cette espérance : « Qui nous séparera de l’amour du Christ ? l’affliction ? l’angoisse ? la persécution ? la faim ? la nudité ? le glaive ? Car c’est à cause de vous ». Et où est-il celui à cause de qui ? Car c’est à cause de vous que nous sommes mis à mort

  1. 1Co. 12, 31 ; XIII
  2. Psa. 42, 1
  3. Gal. 5, 6
  4. Psa. 35, 10
  5. Jn. 6, 41
  6. Psa. 16, 15
  7. 1Jn. 3, 2
  8. Isa. 35, 10