Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome VII.djvu/37

Cette page n’a pas encore été corrigée

aux œuvres de la chair et aux passions du siècle : son état devient ainsi pire que le premier[1]. Tout en conservant votre libre arbitre, implorez donc le secours d’en haut. « Vous n’êtes point dans la chair ? » Est-ce grâce à vos forces ? Nullement. Grâce à qui donc ? Si toutefois l’Esprit de Dieu réside en vous. « Or, si quelqu’un n’a pas l’Esprit du Christ, celui-là n’est pas à lui ». Ne te vante donc pas, ne t’enfle pas, ne t’attribue aucune vertu en propre, ô nature indigente et corrompue. O nature humaine, pauvre Adam, avant d’être malade tu es tombé, et c’est de toi-même que tu te serais relevé ? « Si quelqu’un n’a pas l’Esprit du Christ » ; car l’Esprit de Dieu est l’Esprit du Christ, puisqu’il est commun au Père et au Fils : « si quelqu’un n’a pas l’Esprit du Christ », point d’illusion, « celui-là n’est pas à lui ».

14. Mais par la miséricorde divine, nous avons l’Esprit du Christ ; notre amour de la justice et l’intégrité de notre foi, de notre foi catholique, nous indiquent que nous avons l’Esprit de Dieu. Or, que deviendra notre corps mortel ? Que deviendra cette loi des membres qui s’élève contre la loi de l’esprit ? Que deviendra cette plainte : « Malheureux homme que je suis ? » Écoute : « Mais si le Christ est en vous, quoique le corps soit mort à cause du péché, l’esprit est vivant à cause de la justice ». Faut-il donc désespérer de notre corps, lequel est mort à cause du péché ? N’y a-t-il plus d’espoir ? Est-il endormi pour ne plus s’éveiller[2] ? Loin de là. « Si le corps est mort à cause du péché, l’esprit est vivant à cause de la justice ». On continue à s’affliger de cette mort du corps ; nul en effet ne hait sa propre chair[3] ; et nous sommes témoins des soins que l’on prend de la sépulture des morts. Oui, « le corps est mort à cause du péché, mais l’esprit est vivant à cause de la justice ». Tu disais pour te consoler Je voudrais que mon corps fût en vie, mais comme cela ne se peut, si mon esprit au moins, si mon âme était vivante ! Attends, ne t’inquiète point.

15. « Car si l’Esprit de Celui qui a ressuscité Jésus d’entre les morts habite en vous, Celui qui a ressuscité Jésus-Christ d’entre les morts rendra aussi la vie à vos corps mortels ». Que redoutez-vous ? De quoi vous inquiétez-vous pour votre corps même ? Pas un cheveu ne tombera de votre tête[4] ». Adam, par son péché, a condamné vos corps à mourir ; mais Jésus, « pourvu que son Esprit « réside en vous, rendra la vie même à ces corps mortels », attendu que pour vous sauver il a donné son sang. Comment te défier de l’accomplissement de cette promesse, quand tu en tiens un si précieux gage ? Voici donc, ô homme, comment finira cette lutte de la mort, comment se réaliseront ces désirs : « Malheureux homme que je suis, qui m’affranchira du corps de cette mort[5] ? » C’est que Jésus-Christ, « pourvu que son Esprit réside en vous, rendre la vie même à ces corps mortels » ; et tu seras délivré du corps de cette mort, non pas en restant sans corps ou en en prenant un autre, mais en ne mourant plus jamais. Si à ces mots : « Qui me délivrera du corps », l’Apôtre n’ajoutait pas de cette mort », l’esprit humain pourrait se tromper et dire. Tu vois bien que Dieu veut nous laisser sans corps. Aussi l’Apôtre dit-il : « Du corps de cette mort ». Bannis la mort, et le corps n’aura rien que de bon ; bannis la mort, la dernière ennemie qui me reste, et j’aurai dans ma chair une amie éternelle. Personne, avons-nous dit, ne hait sa propre chair ; et si l’esprit convoite contre la chair et la chair contre l’esprit[6], s’il y a maintenant division dans la famille, ce n’est pas que le mari cherche la mort de sa femme ; il veut rétablir la concorde. À Dieu ne plaise, mes frères, que l’esprit haïsse la chair en s’élevant contre elle ! Ce qu’il hait, ce sont les vices de la chair, c’est la prudence de la chair, c’est la guerre que lui fait la mort. Ah ! que ce corps corruptible se revête d’incorruptibilité, que ce corps mortel se revête d’immortalité, qu’après avoir été semé corps animal, ce corps ressuscite tout spirituel[7] ; tu contempleras alors la paix la plus harmonieuse, tu verras la créature louer son Créateur. Aussi, « pourvu que l’Esprit de Celui qui a ressuscité Jésus d’entre les morts réside en vous, Celui qui a ressuscité le Christ d’entre les morts rendra également la vie à vos corps mortels, à cause de son Esprit qui habite en vous » : non pas à cause de vos mérites, mais en vue de sa munificence. Tournons-nous, etc.

  1. Luc. 11, 26
  2. Psa. 40, 9
  3. Eph. 5, 29
  4. Luc. 31, 18
  5. Rom. 7, 24
  6. Gal. 5, 17
  7. 1Co. 15, 54-55