Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome VII.djvu/239

Cette page n’a pas encore été corrigée
SERMON CCXVIII. POUR LE VENDREDI-SAINT. DES MYSTÈRES DE LA PASSION[1].

ANALYSE. —Tout ayant été permis volontairement par Jésus-Christ dans sa passion, ce n’est pas sans des raisons mystérieuses qu’il a porté sa croix, qu’il a été crucifié sur le Calvaire, avec deux larrons à ses côtés, avec le titre de Roi des Juifs gravé au-dessus de sa croix, gravé en trois langues ; ce n’est pas sans raison non plus que Pilate a refusé de modifier ce titre, que les habits du Sauveur ont été partagés en quatre, que sa robe a été tirée au sort et sa mère recommandée à saint Jean ; que du vinaigre lui a été présenté au bout d’une éponge, qu’il est mort en parlant et en inclinant la tête, que les jambes furent rompues aux larrons et non pas à lui, que le sang et l’eau coulèrent de son côté, qu’enfin il fut enseveli par Joseph et Nicodème. Raisons mystérieuses de cas quatorze circonstances.

1. On lit solennellement et solennellement on honore la passion de Celui dont le sang a effacé nos péchés, afin que ce culte annuel ranime plus vivement nos souvenirs et que le concours même des populations jette plus d’éclat sur notre foi. Cette solennité exige donc que nous vous adressions sur la passion du Seigneur le discours qu’il lui plaît de nous inspirer. C’est sans doute afin de nous aider à faire notre salut et à traverser utilement cette vie, que le Seigneur a daigné nous donner un grand exemple de patience en souffrant ce qu’il a souffert de la part de ses ennemis, et afin de nous disposer à souffrir, s’il le voulait, de semblables douleurs pour l’honneur de l’Évangile. Cependant comme il n’y a pas eu de contrainte et que tout a été volontaire dans ce qu’il a enduré en sa chair mortelle, on croit avec raison que dans les circonstances de sa passion dont il a fait consigner le récit dans l’Évangile, il a voulu encore indiquer autre chose.

2. D’abord, si après avoir été condamné à être crucifié, il a porté lui-même sa croix[2], c’était pour nous apprendre à vivre dans la réserve et pour nous montrer, en marchant en avant, ce que doit faire quiconque veut le suivre. Du reste il s’en est expliqué formellement. « Si quelqu’un m’aime, dit-il, qu’il a prenne sa croix et me suive[3] ». Or, c’est en quelque sorte porter sa croix que de bien gouverner cette nature mortelle.

3. S’il a été crucifié sur le Calvaire[4], c’était pour indiquer que par sa passion il remettait tous ces péchés dont il est écrit dans un psaume : « Le nombre de mes iniquités s’est élevé au-dessus des cheveux de ma tête[5] ».

4. Il eut à ses côtés deux hommes crucifiés avec lui[6] ; c’était pour montrer que des souffrances attendent et ceux qui sont à sa droite, et ceux qui sont à sa gauche ; ceux qui sont à sa droite et desquels il dit : « Heureux ceux qui souffrent persécution pour la justice[7] » ; ceux qui sont à sa gauche et dont il est écrit : « Quand je livrerais mon corps pour être brûlé, si je n’ai pas la charité, cela ne me sert de rien[8] ».

5. En permettant qu’on plaçât au-dessus de sa croix le titre où il était désigné comme « Roi des Juifs[9], il voulait montrer que même en le mettant à mort les Juifs ne pouvaient empêcher qu’il fût leur Roi : aussi viendra-t-il avec une grande gloire et une puissance souveraine leur rendre selon leurs pauvres ; et c’est pourquoi il est écrit dans un psaume : « Pour moi, il m’a établi Roi sur Sion, sa montagne sainte[10] ».

6. Ce titre fut écrit en trois langues, en hébreu, en grec et en latin[11] ; c’était pour signifier qu’il régnerait non-seulement sur les Juifs mars encore sur les Gentils. Aussi après ces mots qui désignent sa domination sur les Juifs : « Pour moi, j’ai été établi Roi sur Sion, sa montagne sainte » ; il ajoute aussitôt, pour parler de son empire sur les Grecs et sur les Latins : « Le Seigneur m’a dit : Vous êtes

  1. Jn. 19, 17-42
  2. Jn. 19, 17
  3. Mat. 16, 24
  4. Jn. 19, 17-18
  5. Psa. 39, 13
  6. Jn. 19, 18
  7. Mat. 5, 10
  8. 1Co. 13, 3
  9. Jn. 19, 19
  10. Psa. 2, 6
  11. Id. 20